Le 21 février dernier, plusieurs individus vêtus de cagoules fluorescentes, de robes et de leggings colorés investissent la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou. L’objectif ? Un happening, dans la plus pure tradition féministe, destiné à dénoncer la collusion du pouvoir politique russe avec l’Église orthodoxe.

Gros amplis branchés et guitares sur les hanches, les filles du groupe punk Pussy Riot, en bonnes héritières du mouvement riot grrrl, entament une prière intitulée «Sainte Marie Mère de Dieu, chasse Poutine » mimant le geste de croix et autres pieuses simagrées devant des fidèles médusés. Nous aurons l’occasion de revenir plus tard sur le texte de cette prière qui dénonce un pouvoir castrateur, des libertés fantômes et la menace constante d’un « séjour » en Sibérie pour quiconque critique avec véhémence le manque de liberté dans la Russie de Vladimir Poutine…

Visiblement filmée caméra au poing, la vidéo du happening va bientôt faire le tour du monde jusqu’à devenir un phénomène viral. Celle-ci s’ajoute à d’autres vidéos montrant les Pussy Riot sur la Place Rouge à Moscou ainsi qu’en d’autres lieux de la capitale russe, toujours à la pointe de la contestation.

Dans une interview au mensuel Vice, on apprend les motivations premières des Pussy Riot. L’une des membres du collectif anonyme pointe le mois de septembre 2011, « juste après que Poutine ait annoncé qu’il prévoyait d’opérer un retour à la présidence », comme une date charnière projetant Poutine aux destinées de la Russie pour « au moins douze années supplémentaires ».

Une autre membre des Pussy Riot complète : « À ce moment-là nous avons réalisé que ce pays (la Russie, ndlr) avait besoin d’un militantisme punk-féministe, de fanfares jouant sauvagement dans les rues de Moscou et sur les places, mobilisant les énergies citoyennes contre les escrocs de la junte Poutiniste et enrichissant l’opposition russe de thèmes qui nous tiennent à cœur : les gender rights et autres droits LGBT, la lutte contre le machisme, l’absence d’un message politique audacieux sur les scènes musicales et artistiques, et la lutte contre la domination des hommes dans tous les domaines du discours public. »

À l’heure où le féminisme patine en Europe de l’Ouest et se disloque tristement sur la question de l’héritage qu’il convient de porter aux nouvelles générations, les Pussy Riot comme leurs consœurs de Voina et de Femen confirment qu’à l’Est souffle bel et bien un vent nouveau réinventant le genre. Fortement politisée, cette nouvelle forme d’opposition n’est pourtant pas du goût des pouvoirs en place. La Russie menaçait ainsi de 7 ans de camp trois membres supposées des Pussy Riot, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans.

On peut identifier deux phases dans les poursuites judiciaires exercées contre le groupe punk : la première se caractérise par une étonnante sévérité qui se croyait sans doute autorisée par le relatif anonymat des Pussy Riot hors des frontières russes. La seconde, très récente, semble quant à elle indiquer que le pouvoir russe compose bon gré mal gré avec la nouvelle aura internationale des punkettes. C’est en effet depuis que la presse internationale s’intéresse aux activistes russes que le ton semble légèrement s’adoucir. Ajoutez à cela la mobilisation de stars internationales (Sting, Madonna, Pete Townshend, les Red Hot Chili Peppers) et vous obtiendrez un cas domestique plutôt banal (sic!) devenant une vraie épine dans le pied du géant russe… En marge d’une visite à Londres à l’occasion des Jeux Olympiques, Vladimir Poutine a ainsi estimé qu’il n’y avait « rien de bon » dans l’action des jeunes femmes mais s’est toutefois montré « indulgent » à leur égard. « Je ne pense pas qu’elles doivent être jugées trop sévèrement pour ce qu’elles ont fait ». S’agit-il ici d’une déclaration de façade qui n’aurait pour but que de brosser l’opinion occidentale dans le sens du poil ou bien d’une véritable injonction à peine voilée à la justice de son pays ? Rien ne permet à l’heure actuelle de le savoir.

Reste que ce mardi, le procureur a requis trois ans de camp contre trois jeunes femmes du groupe Pussy Riot coupables, selon Alexandre Nikiforov (le procureur), « de hooliganisme et d’incitation à la haine religieuse »… Une peine qui, si elle était effective, ne ferait que confirmer l’état lamentable des libertés dans la Russie de Vladimir Poutine…

7 Commentaires

  1. Bon courage à ces femme dont la pensée vas au-delà de toute pensées féministe encore bravo

  2. Soutien à ces jeunes filles qui ont fait une contestation somme toute assez bonne enfant. Le gouvernement russe fait preuve d’unne intolérence dangereuse.

  3. Nous , quelques amis et Mr Mezigue , allons demain filmer les manifs de soutien à  » Pussy-Riot  » en France et les transmettre  » a qui de droit  » .  » A qui de droit  » dispose pour surveiller ses frontières du logiciel de reconnaissance faciale Sova Videpotok http://ladacom.ru/site/node/18 et http://zebrastationpolaire.over-blog.com/article-manifestation-moscou-la-debacle-101301101.html
    Au cas ou les manifestants desireraient manifester masqués , nous avons l’intention de faire du  » barouf  » pour que ce decret soit appliqué : http://droit-finances.commentcamarche.net/legifrance/37-code-penal/546463/de-la-dissimulation-illicite-du-visage-a-l-occasion-de-manifestations-sur-la-voie-publique

    Faites circuler http://russie-libertes.org/

    et SOURIEZ ! DEMAIN VOUS SEREZ FILMES par  » l’oeil de moscou  » ! ;0) Ceci ecrit les FEMEN Bresiliennes se sont faites coxer hier en manifestant devant le consulat de Russie ! http://zebrastationpolaire.over-blog.com/article-bresil-russie-poutine-pussy-riot-subversion-trois-activistes-du-groupe-femen-brasil-em-109128797.html

  4. En fait, les PR ne seraient intervenues que 8 secondes dans l’église: le film est un montage. Le procès qui vient à l’instant de se terminer (le verdict sera prononcé le 17 août à 15 heures) a été une honte: la plupart des témoins convoqués par les trois avocats de la défense n’ont pas été autorisés à se faire entendre. Certains – Iaroslav Nikitenko – ont été virés, manu militari, de la salle. Ce procès « public » se passait derrière des portes fermées, éventuellement à clef, et la rue dans laquelle se trouve le tribunal était régulièrement bloquée par la police. Lundi, j’ai compté 7 voitures de police garées derrière le tribunal. Les filles ont prononcé, ce matin, leurs « dernières paroles », comme de règle dans un procès russe. Elles ont été formidables. Nadia a dit notamment : «Comme Soljenitsyne, je crois que les mots peuvent détruire le béton», «Nous sommes en prison, mais je n’estime pas que nous avons perdu. Les dissidents (soviétiques) n’ont pas perdu non plus.», et Macha a lancé:«Je n’ai pas peur de vous. Je n’ai pas peur des mensonges et de la fiction.» Dehors, des dizaines de jeunes sont venus tous les jours les soutenir.