L’homme est une oie gavée d’images. Il allume la télé le matin, la regarde à midi, s’endort avec son doux bourdonnement le soir. Son estomac dilaté demande toujours plus d’images. L’homme est téléphage et l’affaire Merah tombe à pic pour le rassasier.
Ainsi se déroule la surexposition médiatique des tueries de Montauban et de Toulouse. Plusieurs jours durant, la France suit comme un feuilleton, chaque soir à 20h, le parcours semé de mort de celui que l’on ne connaît pas encore sous le nom de Mohamed Merah. La tuerie de l’école juive Ozar Hatorah va faire entrer son auteur dans la sale face de l’Histoire. Rien de glorieux dans les agissements du meurtrier, rien que de la lâcheté guidée par un fanatisme religieux aveuglant, deshumanisant. Mohamed Merah n’est pas un bon musulman. C’est un idiot qui fait du tort à ses coreligionnaires, à son pays, à l’humanité toute entière. Reste qu’avec Ozar Hatorah, Merah tient son quart d’heure warolien de célébrité. Non qu’il faille spécialement tuer des juifs pour l’obtenir. Il suffit simplement de bouleverser le vivre-ensemble, de le ruiner, et le règne du buzz roi fera le reste.
En couvrant en direct sa mort, des heures durant, on a donné à Merah ce qu’il voulait : de l’exposition médiatique. Car Merah est bien un moyenâgeux fasciné par les moyens de communications. Il ressemble au Jacquouille des Visiteurs passant de la logique étriquée du château-fort à celle essoufflante du bling-bling capitaliste. Merah est un obscurantiste d’un autre temps qui vit à la mauvaise époque. Il ne recherche que la pureté et la vérité dans un monde de mensonges et de vices. Merah est un croisé à l’envers…
Camera collée sur le buste, il a compris tout le bénéfice qu’il pouvait tirer de la captation de ses crimes. Il l’a compris ou bien on lui a enseigné…
L’islamisme fanatique est malin. Il s’engouffre dans les brèches de nos sociétés pour la détruire, il détourne ses outils collectifs pour se montrer.
Bien avant que le Raid ne se décide à intervenir, les chaînes d’infos couvraient en direct sa future arrestation. Toute la France était spectatrice et au bout de quelques heures, ne voyant rien d’autre à l’écran que le va-et-vient incessant de CRS inoccupés, le spectateur s’est impatienté. On voulait du spectacle (« le client est roi »). Est-il possible que la pression médiatique ait poussé le gouvernement et les forces de Police à agir plus rapidement que prévu ? Le simple fait de pouvoir se poser la question fait froid dans le dos.
D’aucuns pourraient penser que la mort de Merah intéressait les Français à titre cathartique. L’envie, en somme, de voir l’angoissant criminel hors d’état de nuire. L’envie de voir la défaite du terroriste par les armes. Ce besoin de voir les détenteurs de la violence légitime mettre fin au parcours d’un esprit dément. C’est possible. L’ultime niveau d’obscénité se situe ailleurs. Mardi soir dernier ou mercredi matin, au jour même de l’assaut du Raid, une copie des vidéos prises par Merah pendant les tueries de Toulouse et Montauban avait été envoyée au siège français de la chaîne qatarienne Al-Jazeera. Le terroriste avait filmé ses forfaits, on le savait. Plusieurs copies circulent aujourd’hui et il y a fort à parier que ces images se transmettent déjà de cellules islamistes en cellules islamistes, au quatre coins du monde.
Dès réception, Al-Jazeera France a envoyé les images des massacres à son siège qatarien. Les dirigeants du CNN arabe se demandent aujourd’hui si ils diffuseront ou non ces images. Ils seraient avisés de ne pas le faire. Ils seraient avisés de ne pas le faire si ils ne veulent pas apporter la touche finale aux crimes de Merah. Ils seraient avisées de conserver les images au fond de leurs archives si ils ont de bonnes notions de ce que l’on nomme l’éthique journalistique. Ils devraient oublier ces images si ils ne veulent pas relancer la polémique faisant état de leur connivence avec le terrorisme. Les familles des victimes ont bien le droit de ne pas voir défiler en boucle les images du meurtre de leurs proches. Le spectateur n’a pas tous les droits. Nous savons ce qu’il s’est passé à Toulouse et à Montauban. Al-Jazeera ne doit pas diffuser les images des crimes de Mohamed Merah car ces images n’ont aucun intérêt journalistique.
Comment ont ils eu les videos??
La question du jour est… Comment une chaîne de télévision que les États-Unis qualifiaient de porte voix du Jihâd a-t-elle pu se découvrir une soudaine raison éthique à ladite origine de sa «décision» de ne pas diffuser les vidéos du Peeping Tom d’Allah? – j’ignore si Dieu a créé le mal, mais à coup sûr Il créa les dingues. – Car après une journée d’atermoiements qui m’auraient filé la nausée si je n’avais pas traité Al Jazeera la Finasseuse exactement comme FN le Finaud, en d’autres termes, comme s’ils n’existaient pas, me parvient aux oreilles que la chaîne qatari choisirait de ne pas faire pour Mohamed Merah ce qu’elle avait toujours fait avec Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri, Haqqani Père & Fils et Aqiltour… Elle ne relaiera pas cette fois l’action d’un suppôt d’Al-Qaïda. Elle n’exaucera pas le souhait d’un criminel contre l’humanité sous couvert du devoir d’informer. Et là, on a droit à l’explication qui tue. Bien assis?… Bien. Mais c’est cause qu’entre-temps, euh… si vous voulez… comment dire? Euh… y’aurait eu comme un printemps, vous voyez, chez deux ou trois tyrans à qui l’on avait retiré notre protectorat. Et là, qu’est-ce donc qui s’est-y pas passé? Al Jazeera, la chaîne de propagande des barbares de l’islam, qui ne se met pas comme n’importe quel serious observer du monde arabe l’aurait cru, du côté du pouvoir, mais du côté des contre-pouvoirs de ces régimes d’horreur ayant porté la corruption au comble de la banalité. Bon sang! mais c’est Bourrel! Et c’est sans doute ce qui explique qu’à l’empressement de mise en de telles circonstances on préfère le prolongement d’un suspense insoutenable aux martyrs du scoop, qu’on force un président de la République à formuler une «demande de ne pas» en forme d’«interdiction de», et puis enfin, qu’on informe ses congénères de ce qu’on est aussi humain qu’eux, en tout cas qu’on va l’être, au moins sur ce coup-là. Alors, je ne me poserai pas sur ma question mais je ferai l’inverse, en bon démocrate que je suis, n’oubliant pas qu’une question ne contient pas en elle-même sa réponse quand la réponse à laquelle elle appelle ouvre un champ de questionnement plus vaste… Se pourrait-il, mesdames et messieurs les montreurs de monstres, que le passage des adversaires de Bush Jr aux adversaires de Ben Ali n’ait induit aucun revirement de quelque nature que ce soit au Relais-Califat-TV? Peut-on encore, ici, maintenant, oser imaginer que la tribune principale du Rambo afghan ait trahi les démocrates fous d’espoir d’un Maghreb à bout de souffle en apportant leur soutien à ceux de leurs compagnons d’armes qui dès qu’ils le pourraient leur planteraient le poignard de la justice pour tous un centimètre sous l’omoplate gauche? Attends! Qu’est-ce que je fabrique (du consentement)? Woh! je crois que je suis en train de déconner complet, moi. OK. Bon. On efface tout. Et on recommence. Les relations de la France, je veux dire de nous, autrement dit de moi et du Qatar, si elles sont bien ce qu’elles sont, le sont du fait qu’il est plus intéressant pour moi etc… qu’elles le soient. Tâchons donc de faire en sorte que les relations du Qatar avec la France etc… continuent de représenter à ses yeux un avantage notable avant qu’il n’échange notre alliance économique et politique pour une autre qui nous affaiblirait, elle, nous et moi. On pourrait même aller jusqu’à tout renverser, à supposer que le double langage n’ait jamais pris au piège que ceux qui croyaient prendre. C’est bien ce que je pensais. Ce que je fais ne sert à rien. Mais choisit-on jamais de qui l’on est le serviteur? La clé USB de Merah est une bombe. En cas de présence d’un objet de ce type, on téléphone aux démineurs. Ils arrivent. Ils sécurisent les lieux. Ils désamorcent l’engin. Ils le posent dans un coffre. Ils déposent le coffre dans un véhicule de l’armée. Ils repartent. Les vidéos nazislamistes d’aujourd’hui ou d’hier ne sont pas censées résider à l’intérieur d’un coffre privé, pas davantage sous le toit d’Al Jazeera que sous le sol de CNN.
La caméra subjective de Merah est une came de violeur. Un GHB de HB. Elle vous fourre les tripes de l’ordure dans le bide. Elle vous affame d’abomination. Le simple fait qu’un médium contraigne un État à expliquer la raison de sa démarcation d’avec le méfait, de son opposition à propager, à partager, à engager la chimie interne du tueur de Toulouse dans Toulouse et au-delà, le simple fait que nous soyons en train de justifier ce qui est déjà juste et devrait l’être aux yeux de tous, nous édifie sur l’état de déliquescence de nos humanités. Ceux qui auront eu besoin qu’on leur fasse comprendre cela ne seront jamais ceux pour lesquels un gros plan en plongée sur le regard d’un enfant dont l’univers est sur le point d’exploser demeure un plaisir dont ils laissent se repaître quelques chefs SS.
J’espère bien naïvement qu’ils ne le feront pas. Et s’ils diffusent ces images nous sauront quoi penser!
J’espère bien naïvement qu’ils ne le feront pas. Et s’ils diffusent ces images nous auront quoi penser