Hier soir, j’étais en train de penser à ce que j’allais dire ici. Et ce faisant, je tombe sur le film La Guerre des Mondes, adapté du livre de H.G Wells qui était en réalité une parabole du massacre des Tasmaniens et de la déstructuration violente de leur société au 19ème siècle par les colons britanniques. Les Tasmaniens disparurent en quelques décennies au contact d’une civilisation qui mit fin à 35.000 ans d’existence. Tout cela, sous l’impulsion d’individus pétris de la supériorité de leur civilisation.
Et en me remémorant les images de Truganini, cette femme dont la mort marqua la disparition des Tasmaniens, je me rappelai que les colons avaient voulu la civiliser, en l’accoutrant à l’européenne, au mépris de ses désirs et de ses choix. Je me souvins que l’on avait exposé son squelette dans une vitrine de musée pendant plusieurs décennies. Cela me rappela cette formidable exposition du Quai Branly qui montre comment, à travers les exhibitions et les zoos humains, le mythe du « sauvage » avait été inventé, à une époque où, pour résoudre la contradiction entre l’Humanisme hérité de la Renaissance et la brutalité de la colonisation, il fallut notamment nier le génie civilisationnel aux peuples d’Afrique. Occultés l’empire de Méroé, la cour royale d’Axum, les mégalithes du Zimbabwe, les structures politiques des royaumes du Congo ou du Mali. Et quand ils ne furent pas occultés, ils furent expliqués par l’infâme théorie hamitique qui associait ces preuves de civilisation non pas à des nègres attardés mais à des peuples de contact, dont la part de sang blanc leur permettait d’accéder à une certaine grandeur.
Je pensai alors à mon père, né au Togo, et à l’enfance que j’avais eue dans une petite ville du Valenciennois, dans une rue dont la plaque indiquait « 19 mars 1962 ». Pensant au Togo, mes pensées allèrent vers le Bénin voisin et le port de Ouiddah, d’où une énorme partie des esclaves noirs furent déportés vers les Amériques. Au nom d’une civilisation qui se vivait comme supérieure. Je pensais à Valenciennes, berceau de la famille de ma mère et dont le centre-ville fut rasé pendant une guerre menée par les nazis. Au nom d’une civilisation qui se vivait comme supérieure. Je pensais au nom de ma rue – 19 mars 1962 -, qui commémorait la fin de la Guerre d’Algérie, lointain aboutissement d’une entreprise coloniale menée par la France. Au nom d’une civilisation qui se vivait comme supérieure.
Et immanquablement, je ne pouvais m’empêcher de penser à cette France et à sa part lumineuse. Cette France dans laquelle des gens manifestèrent pour le très rigide capitaine Dreyfus comme si leur vie en dépendait. Une France dans laquelle mon grand-père Eugène, marqué par la culture ouvrière, accueillit mon père dans sa famille et ne fit jamais de différence entre ses petits-enfants quelle que fut leur couleur de peau. Une France dans laquelle, au milieu des crimes racistes et des discriminations quotidiennes, le métissage s’opérait de façon de plus en plus affirmée.
Et je me disais que la société à laquelle nous appartenons a pu présenter cette part lumineuse grâce à un idéal porté par des générations de révolutionnaires et de républicains à travers le triptyque « Liberté Égalité Fraternité ». C’est d’ailleurs pour cela que contester les discours sur la supériorité d’une civilisation par rapport à une autre ne renvoie à aucune honte puisque nous pouvons précisément nous enorgueillir de réalisations formidables. La société française est d’ailleurs une société qui, malgré ses nombreuses défaillances, porte en elle un idéal d’égalité et une capacité à construire une réalité complexe où cohabitent, s’entrechoquent, se mêlent et se recomposent constamment des populations aux origines diverses. Voilà ce qui est le meilleur de notre société et de notre civilisation.
Et ce qui me semble désagréable dans la période actuelle, c’est que celles et ceux qui se présentent comme les défenseurs de la civilisation européenne sont précisément ceux qui semblent vouloir en exhumer le pire et en consumer le meilleur. Il est en outre toujours étonnant que ceux qui crient le plus fort être les porte-drapeaux de notre civilisation sont ceux-là même qui la rendent petite et méprisable aux yeux du monde entier.
Vous aurez compris que cette réfléxion visait les récents propos de Monsieur Guéant sur la supériorité de notre civilisation. Un ministre de l’Intérieur dont les actes et les propos ont, avec une constance jamais démentie depuis qu’il s’est hissé au sommet de l’État, tourné le dos aux idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.
Liberté bafouée à travers le rêve d’une France policière et fichée.
Égalité attaquée lorsque l’on en vient à s’ébattre dans les eaux saumâtres d’un racisme larvé. Fraternité effritée lorsque l’on fait de la France non plus une société qui tend la main au reste du monde mais un pays dont le projet devrait être de se recroqueviller et de se plonger dans un bocal de formol.
Notre civilisation – supérieure – devrait se protéger selon Monsieur Guéant ?
Quelle étrange peur !
Quel peu de considération pour la solidité de nos idéaux !
Et quelle étrange stratégie que de prétendre défendre un modèle de vie en en sapant les fondements !
A l’issue de ces années où Monsieur Guéant a sévi, il est indéniable que son action et ses propos resteront comme autant de tâches sur la République. Des tâches dont on peut espérer, quel que soit le résultat des élections à venir, qu’elles ne survivront pas au printemps de cette année.
Je le dis d’autant plus fort que la société française souffre de ces attaques constantes contre le vivre ensemble à travers cette manipulation sans fin des peurs et des angoisses. L’Europe est aujourd’hui en crise et s’aperçoit, même si cela n’est finalement pas si nouveau que cela, qu’elle ne domine plus le monde. Dans cette phase de son histoire, l’Europe se trouve tiraillée, en Hongrie, en Autriche, en Grèce, en Italie, en Suède, à des expressions électorales et même à des actes terroristes, si je pense à la Norvège, qui versent dans l’extrémisme de la haine.
C’est en réalité pour draguer le Front national, qui est l’expression française de cette vague qui balaie l’Europe, que Monsieur Guéant, déclaration après déclaration, s’en est pris avec autant de violence aux musulmans. Un ministre de l’Intérieur dont l’animosité qu’il entretient à l’endroit des musulmans n’est que la piteuse euphémisation de la haine des Arabes.
Au final, Monsieur Guéant se rêvait comme le Talleyrand de Nicolas Sarkozy. On se souviendra de lui comme du valet de chambre de Marine Le Pen.
Campagne : Chaque jour une idée pour faire baisser le Front National
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A vos claviers, à vos stylos, à vos plumes, la lutte contre le Front National commence maintenant !
et donc monsieur Sopo, les civilisations de l’excision à la pierre taillée ou de la lapidation à la mode barbue ne doivent pas être opposées à la civilisation des Droits de l’Homme?
François Hollande a des yeux, je l’ai remarqué en l’écoutant. J’ai vu aussi qu’il avait des oreilles. C’est à ces quatre organes que je décide maintenant de ne pas me remettre plus tard. François va devoir rassembler les Français. Certains disent «jusqu’à qui», – vous me faites honte, – mais certains s’interdisent le jusqu’à quoi. Le droit d’inventaire n’a pas eu lieu. Mais l’interdit fut et sera transgressé. Autant inventorier ensemble puisque de toute façon, les caisses du sous-sol national finiront éventrées sur des piles de pelletées pleines d’os de dossiers. «2012… ah! 2012…» Drrrrring! «Deux mille drrrrring!» Drrrrring! «Drrrrrrrrrrrrring!» 2012 : Année historique. 2012, célébration du jubilé de l’indépendance de l’Algérie. En France, vous n’ignorez pas qu’il s’agit d’un anniversaire d’un genre tout autre. Le genre que l’on ne célèbre pas depuis cinquante ans. Alors je vois trois options, l’option néOASienne et la nostalgie impérialiste, l’option de la page tournée du livre fermé, ou l’option carmélite et son plat ventre au poteau d’une accusation aporétique jusque dans les termes de «génocide culturel». Et puis, une quatrième. L’option vérité. L’option frontale contre l’option frontiste. Car il se pourrait bien si nul n’y prenait garde, qu’un tel anniversaire soit celui d’une annonce faite à Marine. C’est pourquoi je me risque, au lieu du c’est-ma-faute-ma-très-grande-faute, à reprendre la rampe du temps mais cette fois-ci, à ne dépasser sous aucun prétexte l’étage où l’Ottoman mettait en place une politique de terreur et confisquait la mer à l’une entre autres des nations les plus puissantes de Méditerranée. Une grosse branche de ma généalogie participa, côté dhimmi, de cette politique. C’est donc en probable fils de pirate que je saute à pieds joints dans le plat qui fout la frousse. Plutôt que d’extension de l’empire français je préfère aujourd’hui parler, à propos de la colonisation, de rempart contre le retour inévitable et immédiat de la piraterie organisée en cas de restitution territoriale. En revanche, contre la nostalgie colonialiste et la conception odieuse d’une politique de civilisation des peuples barbares, j’attends des regrets humanistes pour une ère d’injustice faite aux indigènes de l’empire, victimes collatérales de la guerre des empires. Mea culpa, d’accord, mais bilatéral. Les méthodes employées par l’armée française furent par moments inhumaines et atroces, à peu près aussi atroces et inhumaines que l’étaient à d’autres moments les méthodes des indépendantistes. Opter l’été prochain pour une banalisation, que dis-je, une justification du terrorisme algérien, c’est préparer le terrain au terrorisme actuel qu’il a inspiré. Inversement, les remords réciproques ouvriront la voie d’une réconciliation binationale peut-être à même d’apaiser une quantité de tensions externes, mais aussi internes à notre corps social.
Vous avez la chance de (pouvoir) compter parmi vous (sur) de grands talents, Malek Boutih, Kader Arif, Najat Vallaud-Belkacem, Razzy Hammadi, dont la nouvelle approche historique si jamais ils s’en emparaient se montrerait à même de désamorcer ce qui risque de devenir une année de plomb. Et ce ne sont pas les seuls rapatriés qui s’en trouveraient apaisés. Les Français originaires du peuple composite qui jusqu’en 1830 ploiera sous le joug turc ne peuvent que souhaiter vivre au sein d’un peuple n’ayant jamais eu pour motif initial de mettre le leur à sa botte mais simplement, de sauver sa barbaque des barbaresques flottantes qui les mettaient l’un et l’autre à la leur. Car feindre de voir des esclaves dans les autochtones qu’administraient Caïds, Cadi et Moqadem reconduits dans des fonctions certes réduites mais néanmoins partiellement maintenues, est non seulement une contre-vérité, mais c’est un contresens. Les Ottomans ne furent pas les esclaves des Français, ce sont les Français qui furent les esclaves des Ottomans. Ç’avait précisément été l’impératif colonial, mettre fin aux razzias humaines et aux drapeaux trompeurs que ni l’empereur romain germanique ni le roi solaire ni l’expédition américaine de 1815 ni les flottes combinées d’Angleterre et de Hollande n’avaient pu empêcher de se désengloutir. C’est dans ce contexte, que certains historiens qualifient de prétexte, que la France va décider d’assécher le tribut prékadhafien qu’elle versait complaisamment, atrocement, cyniquement et peut-être un tout petit peu lâchement à un empire censé en retour la protéger d’une maffia dont les deys étaient jetés sur la roulette astrale de Ptolémée. La situation est donc radicalement opposée à celle dont nous sommes transcendantalement comptables, Français de souche ou Français de cime, à l’endroit des esclaves des roitelets de la Corne dont l’Ánoûs de nos rois, avec l’á privatif, avait monnayé le corps, et l’esprit! avec l’aide d’un détournement exégétique de la gallicanerie qui dans le même temps, s’amusait à brûler, puis décapiter alchimistes ou sages-femmes pour délit de juiverie. L’apothéose de 1962 procéda même du fait que les populations nord-africaines contrairement à leurs strates ancestrales objet chacune leur tour de l’esprit de conquête, n’avaient jamais été sommées de se convertir sous peine de mort à la nouvelle religion dominante. Qu’en outre vous reconnaissiez que les colons ne composaient pas un pourcentage de la population plus élevé dans l’Oranais ou le Constantinois que l’on ne dénombrait de grands propriétaires terriens dans le Gers ou la Creuse, et le fils ou la fille d’un ex-indigène de la République se sentira moins ressentimental parmi des fils et filles de journaliers, d’ouvriers ou d’employés pieds-noirs aux salaires de misère.
Je vous propose une autre méthode si vous voulez faire descendre, dans les sondages s’entend, celle à qui une chanson de Katerine a indiqué de quelle façon elle pourrait amener toute la France à la suivre comme un seul homme, une méthode pour lui faire VALLSer le valseur : la vérité. Même la plus sombre nous éclaire. La vérité. Laquelle sombre si elle n’est pas dite, et si elle n’est pas toujours bonne à ça, doit l’être à tous les coups ou presque. Je ne vous demande pas d’adopter ma méthode, juste de l’essayer, de la comparer, puis de choisir en votre âme et conscience.
Le plus drôle, dans cette histoire, c’est la condamnation des propos infâmes de Guéant par Marine Le Pen et Gilbert Collard – tandis que Sarkozy les approuvait.
Du coup, l’idée n°5 semble aujourd’hui oublier le Front National version Marine Le Pen : il s’agirait plutôt alors de « Chaque jour une idée pour faire baisser l’UMP raciste de Sarkozy et Guéant ».