Devant le printemps tunisien, je sens de la fierté et de l’inquiétude. Mais c’est la victoire et l’honneur des Tunisiens. Seulement des Tunisiens. En tant que résistant musulman et démocrate arabe, je me mets derrière le peuple tunisien et j’applaudis. En tant que réfugié algérien, j’ai peur que ne se répète le destin maudit.
Le printemps démocratique algérien a duré deux ans. Le gouvernement réformateur avait été torpillé par la Mafia politico-financière, la liberté vampirisée par les islamistes et la démocratie noyée dans plus de deux cents mille morts.
L’histoire des deux pays voisins du Maghreb n’est pas la même. L’avenir ne dépend que de la volonté des peuples. Mon pays d’origine sort d’une effroyable guerre civile, de la barbarie islamiste et des escadrons de la mort créés par certains généraux. La Tunisie n’a pas connu cela. L’Algérie, qui a gagné son indépendance dans le sang, a d’énormes richesses minières dépouillées ou gaspillées par ses propres dirigeants.
Il n’y a plus d’État en Algérie, la Tunisie en a un. Il ne faut pas que les Tunisiens jettent l’État avec les eaux sales du régime. Il faut surtout épargner à la Tunisie un bain de sang que déclenchent les règlements de compte entre miliciens ou entre politiciens.
Il faut que les Tunisiens ne se laissent pas confisquer ou détourner leur soulèvement. Entre la révolte et la révolution, il y a la réussite de la transition démocratique. La société tunisienne, la plus moderne et la plus pacifique du monde arabe, a la maturité nécessaire et les ressorts suffisants pour réussir la mutation démocratique.
Le peuple tunisien a pris conscience de sa valeur et il a pris en main son destin. Il s’est levé comme le matin après s’être chargé des lumières de la raison et de l’honneur. La démocratie est la continuation naturelle du chemin du progrès emprunté par la Tunisie depuis son indépendance.
La Tunisie est un pays apte et capable de réussir la démocratie. La Tunisie, c’est une grande jeunesse instruite, dynamique et pacifique, une riche élite laïque, une large classe moyenne, une énergique diversité culturelle, l’excellence professionnelle et l’indépendance des femmes, la vision moderne et la pratique modérée de l’islam.
A la différence d’autres pays, l’opposition tunisienne n’est ni un vassal ni une façade, et surtout, l’armée n’est pas une mafia étatique ni un clan politique. Jusqu’à présent, l’armée joue un rôle saint. C’est exceptionnel dans le monde arabo-africain. Mais il faut être vigilant ; il ne faut pas qu’une dictature militaire succède à une dictature policière.
Il ne faut pas que règne dans la nouvelle Tunisie une nouvelle peur ou un nouveau triumvirat : armée, intégrisme et insécurité. Il ne faut surtout pas sacrifier les autres exceptions tunisiennes et les acquis de l’ancien régime, comme le développement économique, l’infrastructure touristique, le progrès éducatif, le dynamisme culturel, le statut de la femme et la tolérance religieuse…
Personne n’a entendu « Allah Akbar » pendant les dernières semaines. Ce ne sont pas les islamistes aftershave d’Europe ni les islamistes offshore du Qatar qui ont provoqué ou mené le soulèvement tunisien.
La révolte du Jasmin est un soulèvement de la jeunesse instruite et branchée sur Internet contre l’injustice et l’arbitraire, c’est le soulèvement de la société civile contre l’État confisqué. On peut parler du premier coup de force réussi par WikiLeaks et Al Jazeera. Mais, contrairement à ce que disent les Guevara en soutane, la révolte tunisienne n’est pas la victoire de l’islam contre un État mécréant.
Depuis plusieurs jours, le Che-Cheikh Qaradawi déverse des sermons et des fatwas exaltant les Tunisiens à nettoyer par le sang les résidus de l’État athée et les idoles de la société débauchée. La Tunisie risque de devenir la proie d’un nouveau dessein ou d’un nouveau langage. Certains islamistes vont retourner dans leur pays, longtemps immunisé contre le fondamentalisme, avec des virus et des fantasmes dans leurs bagages.
L’Internationale des Frères Musulmans applaudit la révolte et psalmodie la démocratie intégriste. La Tunisie, qui n’a pas suivi l’Égypte dans la nécrose de l’arabisme et la névrose de l’islamisme, ne suivra pas l’Iraq dans la dégénérescence démocratique. La Tunisie résistera aux islamistes et aux néocolonialistes, gauchistes ou impérialistes. Ibn Khaldoun, le grand sociologue tunisien du moyen-âge, n’a même pas prédit ce miracle.
La Tunisie qui a réussi la lutte contre l’illettrisme et l’intégrisme peut gagner le combat démocratique. Il ne faut surtout pas sacrifier la paix civile pour l’épuration politique. La réconciliation nationale est plus fondamentale que le tourisme. Il faut se méfier de la conjuration des révolutionnaires et des démocrates de la 25ème heure.
La vélocité de la révolte tunisienne ne peut résister à la férocité de la réalité économique. Le temps est capital. La révolte risque de perdre son souffle et son sens dans une asphyxie financière ; le déclin peut suivre les surenchères sectaires et les règlements de compte. L’histoire de la nouvelle Tunisie a déclenché le compte à rebours. Le printemps démocratique risque de ne pas survivre à une saison touristique chaotique. Le jasmin est une fleur fragile.
La Tunisie doit consolider les piliers de la société civile qui seront les barrages contre l’islamisme et le despotisme : les avocats, les journalistes et les féministes avec la jeunesse comme socle. La Tunisie doit mépriser les ingérences étrangères et ne pas nous écouter lui dire ce qu’elle doit faire.
Il est urgent que les Arabes et les Occidentaux se taisent et laissent la nouvelle démocratie tunisienne suivre fidèlement le cri du peuple tunisien rythmé par l’hymne du poète Acchabi : « Quand le peuple veut la vie, alors le destin obéit. »
Farid HANNACHE
Journaliste franco-maghrébin exilé.
Coauteur du livre « Pour l’islam de France. »
Monsieur Farid Hannache,
Je vous lis et vous reli(e) avec tellement de Bonheur. Mon estime, mon amitié ne sont pas feintes. Vous êtes lucide, courageux, volontaire. En proposant à votre peuple de cesser de regarder à l’extérieur et de se retrousser les manches rapidement, vous êtes la preuve que les Badiou et tous les révolutionnaires, les « démocrates de la 25ème heure » feraient bien de se taire et vous laisser agir et parler en votre nom.
Moi, je vous fais confiance.
Moi je vous respecte.
Moi je vous souhaite bonne chance.
Badiou prend ende la graine !
Badiou, l’Occident responsable de tous les maux du monde ça fait cinquante ans qu’on entend cette litanie. ça commence à bien faire !
A cette tirade plus ridicule que honteuse: « Quand un vent d’est balaie l’arrogance de l’Occident, les soulèvements des peuples arabes sont un modèle d’émancipation » d’Alain Badiou, philosophe, et tenant compte positivement de l’avertissement: « Il n’y a pas de révolution sans risque, il ne faut pas condamner par avance l’espoir au nom d’une possible dérive » de Elisabeth Roudinesco, nous serions heureux d’ « assister à un changement général de période historique, le social remplaçant le national, plein d’espoir de Alain Touraine.
» Quel qu’en soit le devenir, les soulèvements tunisiens et égyptiens ont une signification universelle. Ils prescrivent des possibilités neuves dont la valeur est internationale ». J’en passe et des meilleures d’un Alain Badiou, philosophe, qui tire à boulets rouges sur un « Occident décadent et criminel ». Trés bien, monsieur le philosophe, nous sommes tout regard et tout ouïe, en attente de ce bel exemple qu’il nous faudra voir et entendre, venant de l’Est. Le soleil va se lever à l’Est ? Tant mieux, c’est là que nos regards se tournent naturellement. Mais, s’il vous plait, monsieur le philosophe, si ce message venu d’Orient devait tourner à la pantomime, voir à une nouvelle tragédie locale ou Internationale, ne venez pas nous dire une fois de plus que c’est la faute de l’Occident.
J’ai suivit avec grand intérêt la révolution du peuple tunisien, le coeur plein d’espoir et d’inquiétude. Mais aussi plein d’admiration devant la dignité et le niveau de réflexion de ce peuple qui nous donne une autre vision des peuples arabes. On sort des clichés. Puisse la Tunisie prospérer et croitre dans le respect de la liberté et de la dignité humaine, trouver sa voie et faire rayonner la culture tunisienne et le génie de son peuple.
J’aime beaucoup cette citation du poète Acchabi que je ne connais pas « Quand le peuple veut la vie, alors le destin lui obéit. » Que cela soit.
Puisse les tunisiens demeurer unis comme un seul contre les forces de l’obscurantisme qui cherchent à les diviser pour régner ,au mépris de cette dignité humaine que nous avons tous en égal partage. Ces mêmes forces qui constituent un danger dans toutes les nations du monde.
Critique de la raison vénale
Et si l’Amérique était derrière tout ça ?
Derrière quoi ? Derrière vous ? Derrière moi ?
Derrière notre façon de refaire l’histoire,
Je vais paraphraser quelqu’un de mémoire :
Entre la coupe et la lèvre,
Il y a encore de la place pour le désespoir
Je hais l’Amérique… Et je n’aime pas la haine.
Elle est là, sous-jacente, rayonnante … la vilaine !
Sans l’ombre d’un idéal…
Ni en amont, ni en aval
Jamais à la vôtre, toujours à la sienne
Pas un mouvement qui ne lui appartienne
Dealer ou leader… de ses joies et de nos peines.
Je m’élève contre cette raison vénale qui prend tout de travers
Et tourne tout à l’envers.
On a beau crier… elle a fixé le niveau des décibels
On a beau changer… elle a déterminé le taux de change
On a beau s’entretuer… nous sommes déjà morts !
Vive l’Amérique !
http://www.lejournaldepersonne.com/2011/02/critique-de-la-raison-venale/