La philosophe Jeanne Hersch avait réussi à obtenir en 1966 de créer à l’Unesco un secteur d’intervention de la philosophie. Elle l’avait centré sur le moteur de son enseignement et de son engagement : les droits de l’homme. Rien n’est plus clair que ceci : si la philosophie existe dans l’United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization, c’est pour la défense et la promotion des “droits humains”, comme on dit désormais pour insister sur les droits des femmes — lesquels se concentrent en 2010 sur un nom : Sakineh.

Or les “Journées mondiales de la philosophie 2010” organisées par l’Unesco sont toujours prévues à Téhéran du 21 au 23 novembre prochain. L’institution fondée par Jeanne Hersch et qui a le devoir de se maintenir dans la trajectoire voulue par celle qui l’a lancée, se trouve ainsi prise au piège d’une confusion gravissime entre diplomatie et non pas simple compromission, mais criminelle complicité. Complicité avec le crime organisé. Car aux yeux du monde entier, la mobilisation pour Sakineh fait apparaître la lapidation pour ce qu’elle est : un crime organisé.

Que le nom de Jeanne Hersch se trouve marié par l’Unesco à celui d’Ahmadinejad est insupportable. Celles et ceux qui auront amené à cette infamie, à cette insulte à une mémoire, seront jugés au tribunal de l’histoire et de la pensée.

Il est évident que la première à signer la pétition pour Sakineh serait aujourd’hui Jeanne Hersch. Que Jeanne Hersch serait aujourd’hui la première à se mobiliser pour éviter à l’Unesco cette honte, cette abjection qu’est la livraison en otage à Ahmadinejad du renom de la philosophie. Cette espèce de suicide moral. Voilà pourquoi il faut que le nom de Jeanne Hersch devienne au contraire l’autre nom de Sakineh, face à l’erreur de la direction actuelle de l’Unesco s’alliant à la direction actuelle de l’Iran.

Face à ce qui s’est hideusement conjointé, concocté de façon horriblement fusionnelle, entre l’Unesco à Paris, le bureau d’Ahmadinejad à Téhéran, et celui du secrétaire général de l’ONU à New York, et qui prétend se sceller du nom de Jeanne Hersch. Alors que sous les dehors onctueux et vicieux d’une rhétorique de langue de bois, il s’agit d’une liquidation flagrante, brutale, de la philosophie des droits de l’homme élaborée et transmise par Jeanne Hersch.

Une tache indélébile risque d’enlaidir à jamais le visage de l’Unesco. Même s’il était trop tard pour sauver son honneur — et à travers elle, celui de l’ONU, qu’elle représente —, il faudra de toute façon arracher à cette étrange perdition le nom de Jeanne Hersch. Le sens de sa vie, les valeurs de son œuvre.

2010 est le centième anniversaire de sa naissance le 13 juillet 1910 (elle est décédée en 2000). On mesure le raffinement de perversion, dans la manipulation de son nom et le détournement de son institution, au fait que dans l’année de son centenaire les “Journées mondiales de la philosophie” se tiennent dans l’Iran persécuteur des droits humains. Comment en est-on arrivé au point qu’il faille rétablir la dignité du nom et de l’esprit de Jeanne Hersch… contre l’Unesco ?

Son livre le plus connu s’intitule l’Etonnement philosophique. Elle serait au moins “étonnée”, aujourd’hui, de voir que la philosophie se retrouve prostituée jusqu’à servir de prétexte au scandale hurlant que voici, qui s’étale sur internet — l’accolement de deux sigles en images, celui du régime iranien et celui de l’Unesco :

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L’actuelle directrice générale de l’Unesco, Mme Irina Bukova, avait été élue grâce à la résistance à l’islamisme et à l’antisémitisme, après une révolte logique contre la négation par les islamistes égyptiens de la légitimité historique éminente de la langue hébreue à Alexandrie : c’est à des rabbins de cette ville, les fameux Septante (ils étaient soixante-dix) que l’on doit la première traduction de la Bible, en grec, sans laquelle ce livre serait resté celui d’un seul peuple — voir ici : L’hébreu phare d’Alexandrie

Il sera(it) pénible et triste de devoir reprendre contre Mme Irina Bukova le combat auquel elle a dû son élection et qu’elle semble trahir dès lors qu’elle refuse le débat ouvert et public.

Le nom de jeune fille de Jeanne Hersch (celui de son père) était Liebmann : prédestiné pour une championne des droits de l’homme puisque composé de “Liebe”, amour, et de “Mann”, homme. Ses parents, Juifs, avaient quitté la Pologne pour la Suisse. Son père devint professeur à l’université de Genève (spécialisé en démographie statistique), sa mère (née Lichtenbaum, “arbre aux lumières”) médecin. La philosophe Jeanne Hersch fut la disciple de Karl Jaspers, puis son assistante ; elle a connu et reconnu Heidegger, mais n’a pas cédé à ses charmes ; au contraire.

Jeanne Hersch en 1936Jeanne Hersch et ses parents ne s’appellent pas Ahmadinejad, mais Sakineh. Je propose en hommage à sa mémoire d’associer son nom — ses noms, qui portent « le Nom juif » (Claude Lanzmann) et tous les noms inscrits sur les “murs des noms” des Mémoriaux de la Shoah — à tous les noms des victimes du régime iranien, à travers celui de Sakineh : une sorte de “comité Jeanne Hersch-Sakineh Ashtiani”, pour sauver l’honneur de la philosophie si l’Unesco persistait dans sa collusion avec Ahmadinejad. Et qui pourrait servir de haut-parleur en priorité à tous les étudiant(e)s, lycéen(ne)s, professeur(e)s concerné(e)s par la philosophie : pour affirmer que sa mondialisation ne peut être que celle des droits humains. C’est la ligne de Jeanne Hersch. C’est le bon moyen de célébrer son centenaire.

L’esprit de Jeanne Hersch déshonoré par l’Unesco trouve refuge à la Règle du Jeu : avec la mobilisation pour Sakineh, à travers les articles de Jacques Henric (Iran: Irina Bokova persiste et signe) et d’Armin Arefi (voir ici : L’iran révise sa philosophie).

2 Commentaires

  1. Entièrment d’accord avec ce texte, je retiens :
    « pour la défense et la promotion des “droits humains”… lesquels se concentrent en 2010 sur un nom : Sakineh. »
    « la mobilisation pour Sakineh fait apparaître la lapidation pour ce qu’elle est : un crime organisé. »
    « Il est évident que la première à signer la pétition pour Sakineh serait aujourd’hui Jeanne Hersch. »
    « il faut que le nom de Jeanne Hersch devienne au contraire l’autre nom de Sakineh »

    Mais aussi :
    « Je propose en hommage à sa mémoire d’associer son nom — ses noms, qui portent « le Nom juif » (Claude Lanzmann) et tous les noms inscrits sur les “murs des noms” des Mémoriaux de la Shoah — à tous les noms des victimes du régime iranien, à travers celui de Sakineh : une sorte de “comité Jeanne Hersch-Sakineh Ashtiani”, « 

  2. LA LOI DU TALION POUR TOUS

    SAKINEH REPRESANTE PLUS QUE LA PALESTINE

    ON VOIS BIEN LE SIONISME

    CHAQUE COMUNOTES A SONT TERME FIXE

    IL NI A DE PUISANCE QUE DE DIEU