Avec une superficie inférieure à 30 000 kilomètres carré, à peine 10 millions d’habitants et un PIB annuel d’un peu plus de 7 milliards de dollars, Haïti pouvait difficilement espérer attirer un jour l’attention du monde entier. Il y a dix mois deçà, qui savait que l’on parlait Français en Haïti ? Qui connaissait le nom de sa capitale ? Qui savait que Sidney Poitier, Will Smith, Alexandre Dumas, Beyoncé étaient d’origine haïtienne ? Il aura fallu qu’un terrible tremblement de terre frappe de plein fouet l’Ouest de l’île pour qu’Haïti fasse la Une de tous les Journaux télévisés.
Souvenons-nous de ce 12 janvier 2010… Après un séisme de magnitude 7, Port-au-Prince s’est transformé en véritable champs de ruines. Des dizaines de milliers de victimes ont péri sous les décombres, d’autres ont tenté de résister, en attendant l’arrivée de secours lointains. Les survivants se sont tant bien que mal installés dans des camps de fortune, pour une durée encore indéterminée.
Émue par l’ampleur de la catastrophe, la communauté internationale s’est mobilisée en instantané. Des tonnes de matériel ont été acheminées, des milliers d’ONG ont été dépêchées pour sauver les sinistrés. Du côté de l’opinion publique, la réaction ne s’est pas non plus faite attendre. Les mouvements de solidarité ont émergé spontanément des quatre coins de la planète. Appel aux dons, rassemblements populaires, concerts… Les cris de soutien de la population mondiale sont arrivés jusqu’en Haïti et ont réconforté un peuple meurtri.
Puis, il y a eu le Chili et le Pakistan, la crise financière, le volcan islandais Eyjafjöll, les incendies en Russie… Et tout le monde a commencé à oublier Haïti. Près d’un an après la catastrophe, alors que vient l’heure du premier bilan, Haïti est toujours plongé dans le chaos et la désolation. Nous pourrions croire que grâce aux 14 milliards de dollars promis par les Etats membres de l’ONU, les familles sont aujourd’hui relogées à Port-au-Prince, le peuple mange à sa faim, les enfants sont retournés sur les bancs d’écoles… Au risque d’étonner, si l’heure de gloire médiatique d’Haïti est passée, la crise humanitaire demeure et l’opinion mondiale doit rester plus que jamais en alerte.
Si nous n’avons pas retenu les leçons du Tsunami, nous devons retenir celles d’Haïti. En accompagnant la population et les autorités locales tout au long de la phase de reconstruction bien entendu, mais aussi en mettant en œuvre les moyens nécessaires pour garantir le droit au secours aux prochaines victimes des bouleversements environnementaux. En pensant à demain en somme.
Rappelons-le s’il le fallait, par manque de coordination dans les premières heures de la catastrophe haïtienne, nous avons perdu du temps, de l’énergie mais surtout de trop nombreuses vies humaines. C’est pourquoi le Président haïtien René Préval, à la fois témoin d’une mobilisation internationale sans précédent mais aussi de la plus grande désorganisation des secours de ces dernières années, m’a rejoint dans mon combat pour la création d’une force internationale humanitaire de réaction rapide, placée sous l’égide de l’ONU : les Casques Rouges.
Puis nous avons été suivis par le Vatican, qui a sollicité la « volonté politique des États », dans son quotidien l’Osservatore Romano. L’Union Africaine, par la voix de son Président Jean Ping, a également voulu prendre part au débat en lançant un « Appel pour des Casques Rouges à l’ONU » dans la presse. Plus récemment, après avoir été sollicités par Abdou Diouf, Secrétaire Général de la Francophonie et parrain des Casques Rouges, ce sont les Présidents du Gabon, du Mali, du Liban, du Togo, du Burkina Faso ainsi que le Roi du Cambodge qui ont souhaité s’engager en
faveur de la rénovation du système humanitaire actuel.
Le constat est simple : la communauté humanitaire n’est plus assez forte pour relever seule les défis imposés par la nature déchaînée. Nous n’avons pas besoin d’un acteur supplémentaire : les ONG et les agences intergouvernementales accomplissent déjà un travail considérable. Encore moins d’une nouvelle philosophie. Il n’y en a qu’une qui vaille : sauver des vies. Le monde humanitaire a besoin de préparation, d’encadrement, de coordination, de régulation, de structuration, de veille… Il lui faut une « intelligence humanitaire » pour anticiper et unifier son action.
Si face à l’horreur, de nombreuses consciences se sont éveillées, nous ne devons pas attendre l’avènement d’une prochaine catastrophe pour prendre les décisions qui s’imposent. Aujourd’hui, alors que se tient le XIIIème Sommet de la Francophonie, c’est un nouvel Appel à la responsabilité que nous lançons aux Chefs d’États réunis à Montreux. C’est par solidarité qu’ils doivent veiller à ce que l’histoire ne se répète plus. Pas un point de la planète n’est à l’abri d’une prochaine catastrophe. Il y a urgence. Haïti ne doit pas retomber dans l’oubli.
Par Nicole Guedj
Ancien ministre et Président de la Fondation Casques Rouges
Manifeste « Pour des Casques Rouges à l’ONU ». Ed. Cherche-midi. Septembre 2009.
Plus d’informations : www.casques-rouges.org
Le blog de Nicole Guedj : www.nicoleguedj.com
Et que fait-on aujourd’hui pour éradiquer le choléra qui menace une population haïtienne déjà durement touchée ? Que proposez-vous ?
C’est vrai qu’avec toutes les catastrophes qu’on voit régulièrement dans les journaux, je ne comprends pas que la coordination ne soit pas plus remise en question et réfléchie à l’échelle mondiale !
Oui, c’est vrai, Haïti est désormais moins présent sur la scène médiatique … Si ce n’est pour parler de Wyclef Jean … Triste. Malgré tout, des ONG y sont, et elles y font du bon travail aujourd’hui, donc, n’oublions pas non plus de les saluer ! Une nouvelle force internationale humanitaire pour coordonner le tout ? l’idée est bonne, à voir si les Chefs d’Etats se sentiront assez responsables pour pousser à sa création …
Il est en effet temps que l’action humanitaire s’affranchisse du battage médiatique!
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