Depuis quelques temps maintenant, journalistes et politiciens ont pris la sale habitude de donner plus d’importance aux petites phrases qu’aux vraies déclarations politiques. Tout fonctionne comme si, d’un coup, la forme avait pris le pas sur le fond, que tout s’était inversé, que la vérité se trouvait désormais dans le off, dans le buzz, dans le lapsus… Il est difficile de dire depuis quand et surtout pourquoi cette nouveauté s’est officialisée. Reste que le mouvement a très certainement été accéléré depuis la dernière élection présidentielle. L’omniprésence, au Parti Socialiste comme à l’UMP, de porte-paroles singes-savants donnant leur avis sur tout et bondissant sur les erreurs (fussent-elles minimes) de leurs « adversaires » pour mieux les enfoncer, a pourri le débat. De l’échelon municipal à l’échelle nationale, le constat ne change désormais plus : le combat politique a perdu de sa noblesse, il ne se résume aujourd’hui qu’à un cirque pathétique qui n’intéresse plus que ses propres acteurs. Certains de ces acteurs sont d’ailleurs plus fautifs que d’autres, Frédéric Lefebvre ou Benoit Hamon, champions de l’indignation sur commande, sont sans surprise les premiers sur la liste.
Le plus embêtant dans l’omniprésence du buzz politique, c’est qu’il détourne l’attention citoyenne d’inadmissibles scandales. La récente « affaire Guerlain » en est un. Il faut en dire un mot. Il faut y revenir car il serait impensable que les propos de Jean-Paul Guerlain restent impunis, du moins non-commentés. Sur le plateau du 13h de France 2, l’héritier de la célèbre marque de parfum revenait sur la création de Samsara : « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. (Rires) Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… »
Ici l’on ne parle plus de buzz ni de petite phrase. Le dérapage est assumé, contrôlé. On ne dit certainement pas ces choses-là sans les penser, surtout pas à la télévision publique, à une heure de grande écoute, juste après un débat sur l’Identité nationale qui a ravivé racismes et mauvais communautarismes.
Si le CSA a adressé une mise en demeure à France 2, peu de réactions de la part des partis politiques et dans la presse. Hamon, Lefebvre et tous les communicants sont restés étonnement, désespérément muets sur le sujet. Heureux Jean-Paul Guerlain dont le dérapage passe entre les goutes de l’indignation. Seul le billet d’Audrey Pulvar sur France Inter a remis les pendules à l’heure. « Le nègre il t’emmerde » disait-elle en reprenant les mots de Césaire ! Audrey Pulvar s’inquiétait du silence des intellectuels à ce sujet. Qu’elle sache que toute la presse d’opinion ne reste pas muette à propos de cette affaire, qu’à la Règle du Jeu les esprits ne supportent pas non plus l’emploi de clichés racistes.
Il ne faut être noir pour trouver cela insupportable !
Quelques organisations comme SOS Racisme et le CRAN ont décidé de porter l’affaire en justice. J’ai rencontré à New York Patrick Lozès, aux États-Unis pour sensibiliser les leaders politiques à cette énième occurrence raciste. Au programme, des entrevues avec les dirigeants des plus influents lobbies afro-américains, la SCLC (Southern Christian Leadership Conférence, œuvre de Martin Luther King) et la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People). Ceux-là prennent la question très au sérieux. Il faut en effet rappeler que l’emploi du mot « nigger » aux États-Unis est aujourd’hui quasiment prohibé, honteux. Pour souligner cet état de fait, on autocensure le mot dans le langage courant en parlant de N-word comme l’on parle souvent ici de F-word.
Les nègres… Outre-Atlantique, il serait impensable d’entendre un chef d’entreprise s’exprimer en de tels termes et l’on aurait pu penser que face à des intérêts économiques colossaux, le racisme se tairait au moins par bon-sens, par cupidité. Il n’en est rien et la leçon de cette affaire Guerlain est terrible. Le racisme est plus fort que tout, il est un penchant immaîtrisable et tant pis s’il ruine des réputations glorieuses.
Espérons que l’action en justice permettra de créer un précédent concernant l’utilisation de telles expressions. Celles-ci doivent totalement disparaître de notre langage, devenir tellement taboues qu’elles finiraient par tomber en désuétude.
Car a t-on idée, en 2010, d’utiliser le mot nègre pour parler des noirs, le mot youpin pour parler des juifs, le mot bougnoule pour désigner les arabes ?
Une consolation malgré tout…Tout cela relève de la langue à grand-papa vouée, à terme (et c’est heureux) à l’extinction.
Quelle horreur!
Que de médiocrité…
Je cite « les français lambda en ont un peu marre qu’on leur rabatte les oreilles avec des histoires de racisme à longueur de journées et que l’on ne s’intéresse pas à eux et à leurs problèmes. »
Il n’y a donc pas de français noirs…
« Si vous voulez mon avis, c’est à cause de points de vue de sainte-nitouche comme le vôtre que le racisme s’entretient. Qu’on laisse M. Guerlain tranquille. Les nègres sont capables de se défendre tout seuls (cf. Pulvar). Et c’est très bien comme ça. »
???!!!!!
Je note que l’Humanité avec un grand H n’a aucun sens pour beaucoup et que le Racisme avec un grand R à ce train là a de très longs jours devant lui.
-Peut on insulter tout une partie de la population française et de l’humanité qui comme vous l’avez fait remarquer « tant les noirs ont été dénigrés, rabaissés et caricaturés et ce, en utilisant tous les moyens de communications disponible à l’époque (presse écrite, radio, télé, cinéma, livres, BD, expositions, etc…) ».
-Il y a t-il en république des sous citoyens, une hiérarchisation raciale? « Les nègres sont capable de se défendre tout seul et c’est très bien comme çà »…
Tout comme Isabelle ce qui m’a profondément choqué outre le racisme, c’est surtout le caractère négationniste de ces propos… Se demander si les esclaves noirs est jamais travaillé c’est juste d’une ignominie impensable, de la négation moralement et selon la loi française de crime contre l’humanité…
Je suis ébahie du degré de relativisme moral, intellectuel de nombre… Et comme l’a si bien exprimé Pulvar, mais ou sont donc les « penseurs » d’aujourd’hui?
Je salue les noirs de France et les autres qui se sont mobilisés lors de manifestations oh combien nécessaire, moins que les propos de ce sinistre con c’est le manque de réactions que je n’arrive pas à qualifier tant le mot inqualifiable prend ici tout son sens, c’est non seulement une honte mais aussi extrêmement dangereux et contraire à une Evolution positive de notre société, des rapports humains que tout un chacun appelle de ses vœux, aux valeurs que nous défendons…
Pardonnez-moi Laurent David ! J’ai été quelque peu excédé en vous lisant et un peu violent dans ma réponse. Mais il faut se rendre compte que les français lambda en ont un peu marre qu’on leur rabatte les oreilles avec des histoires de racisme à longueur de journées et que l’on ne s’intéresse pas à eux et à leurs problèmes. Eh oui ! Ils en ont, ne serais-ce que pour survivre Si je devais employer une image, je décrirais la famille « France » autours de la table familiale avec des tas de frères et sœurs qui s’entendent plutôt bien, des parents qui roucoulent et s’apprêtent à fabriquer le dernier. Et puis il y en a deux qui se chamaillent tout le temps, qui ne cessent de prendre à témoin les autres, qui ne cessent de pleurer, qui finissent par « emmerder le monde » et qui ne tardent pas à recevoir » la tarte qu’ils n’ont pas volé ». Si j’appuie sur le trait, c’est pour que vous réalisiez que, à force de défendre on ne rend pas nécessairement service à la cause que l’on défend. Cause qui est, au demeurant et sans conteste possible une cause plus que défendable. Mais je pose une vraie question. Les racistes, les vrais de vrai, peuvent-ils être sensibles aux histoires et aux images, aux témoignages de l’horreur, qu’elle soit antisémite, anti-arabe, anti noir? Une dernière question ? Antifrançais, anti blanc, antichrétien, ça n’existe pas ? Parce que ça, j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien à ce sujet …. Je suis pourtant bien placé pour constater tous les jours que « ça existe » au sein même de ma famille de France ! Et j’en souffre monsieur ! Je veux dire : ça me fait de la peine !
Parlez-en. Vous serez surpris par le nombre de ceux qui se sentent concernés.
Monsieur Samama, vous écrivez des bêtises. Nègre n’est pas un mot traditionnellement péjoratif, contrairement à « youpin » ou « bougnoule ». Vous oubliez la « négritude » de Senghor ou Césaire, que vous n’avez probablement pas lu, lui qui écrit « Et comme le mot soleil est un claquement de balles / et comme le mot nuit un taffetas qu’on déchire / le mot nègre / dru savez-vous / du tonnerre d’un été / que s’arrogent / des libertés incrédules ». Vous oubliez aussi les rappeurs américains qui ponctuent leurs punchlines de « nigga » sans que vous vous en émeuviez le moins du monde. Si vous voulez mon avis, c’est à cause de points de vue de sainte-nitouche comme le vôtre que le racisme s’entretient. Qu’on laisse M. Guerlain tranquille. Les nègres sont capables de se défendre tout seuls (cf. Pulvar). Et c’est très bien comme ça.
Le plus embêtant dans l’omniprésence du buzz politique, c’est qu’il détourne l’attention citoyenne d’inadmissibles scandales. La récente « affaire Guerlain » en est un exemple très signifiant. Il faut en dire un mot.
Qui savait que monsieur GUERLAIN était encore vivant? Personne !
Quelle influence politique, philosophique, morale a-t-il ? Aucune !
Rapporter les phrases stéréotypées d’un vieillard ont donc le même intérêt que reprendre les termes du jeune noir qui « nique ma mère » ou » va chier sur moi, sale français ».
Alors, changez de sujet et si vous n’avez rien de mieux pour gagner le prix douteux de votre pige, demandez-nous de vous subventionner à ne rien dire. Nous le ferons comme oeuvre de salut public.
la phrase de Guerlain est emblématique de ce racisme institutionnel directement lié au passé colonialiste français.
Je dis bien « institutionnel » tant les noirs ont été dénigrés, rabaissés et caricaturés et ce, en utilisant tous les moyens de communications disponible à l’époque (presse écrite, radio, télé, cinéma, livres, BD, expositions, etc…).
Les propos de Guerlain sont une résurgence de ce passé pas si lointain ou le racisme était la norme.
Et ce n’est d’ailleurs qu’assez récemment la patisserie appelée « tête de nègre » a officiellement été rebaptisée « tête au choco »… Un nom d’un autre âge, une insulte au quotidien, présente et banalisée jusque dans les patisseries, les boulangeries. Pas les bars de quartiers ou les commissariats, non les innocentes pâtisseries ou les mères de familles amènent leur gamins et demandent sans sourciller une tête de nègre. Ca me sidère, c’est comme appeler les tartelettes au citron « têtes de niak ». Et pourtant c’était la norme jusqu’ en 1992.
Merci pour ce billet, Monsieur. Je viens d’apprendre que la 1ère sanction politique du scandale Guerlain est tombée (annulation par la ville de Montpellier d’une manifestation sponsorisée par Guerlain). Un peu de baume au coeur en ces temps troublés.
Je tiens juste à apporter une précision : ce n’est pas l’emploi du terme “Nègre” qui nous a choqué, en tous cas, pas aux Antilles. Sur la terre du poète Aimé Césaire, ce terme est réhabilité et revalorisé depuis longtemps, en français comme en créole. J’ai entendu de la bouche de Césaire lui-même la fameuse anecdote de l’automobiliste du Quartier Latin qui l’avait interpellé dans les années 30 : “Eh toi, le nègre !”, ce à quoi il répondit, avec une verve qu’il a gardé jusqu’à sa mort : “Eh bien, le Nègre, il t’enmerde !”.
Notre histoire est sensiblement différente de celle des Afro-américains, quant à l’emploi de ce terme. Au contraire, tout comme Césaire a repris le terme “Nègre” à son compte, et l’a magnifié, j’espère bien que nous reprendrons à notre compte l’expression “travailler comme un nègre” pour la revendiquer à notre tour. Je suis fière d’être la descendante de gens qui ont survécu à l’horreur esclavagiste pour transmettre la vie, au fil des générations. Et je suis fière de descendre de gens qui ont travaillé même dans des circonstances ignobles, plutôt que de gens qui ont profité de cette ignominie, en n’en f… pas une rame, en plus.
Par contre, ce qui est intolérable c’est la sous-entendu exécrable contenu dans la 2ème phrase. Sous-entendre que les nègres “n’ont pas tellement travaillé”, c’est faire exactement la même chose que ceux qui nient les chambres à gaz, et font des jeux de mots douteux à ce sujet : c’est du négationnisme pur et simple.
Pour information, l’espérance de vie moyenne d’un esclave sur une plantation était de 6 ans. On ne plaisante pas avec ça. JAMAIS.
En tous cas, je dormirai plus rassurée sur la France et les Français ce soir. Comme dit Harry Roselmack avec beaucoup de sagesse, ces problèmes se règleront par l’éducation, pas par la peur et la répression. Mais il importait de marquer le coup quand même.
Il y a une scène dans Le Jouet où Rambal-Cochet, yeux en points finaux, bouche en tiret, nez en point d’interrogation inversé, ordonne à Blénac, rédacteur en chef de France-Hebdo dont il est le propriétaire, de se déshabiller et d’aller arpenter les couloirs de la salle de rédaction tout nu de sorte qu’ils puissent juger de l’effet comique. Alors que celui-ci s’exécute, le grand patron lui assène : «J’ai une question à vous poser, Blénac. Qui de nous deux est le monstre? Moi qui vous demande d’ôter votre pantalon ou vous qui acceptez de montrer votre derrière?» Jusqu’à quel degré d’inclinaison chacun de nous est-il prêt à creuser sa révérence pour ne point risquer de perdre sa place, à France 2 ou n’importe quel autre numéro du grand cirque social?
«Je me suis mis à travailler comme un nègre, je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin…»
Ces grands malfrats pendus au bout de leur cravate ont pris l’habitude que leurs interlocuteurs réduits à des auditoires bavent d’admiration à l’émission de leurs relents. Ils aimaient à justifier du fait qu’on ait pu les traiter avant l’abolition selon comme on avait dû avec des hommes de cette espèce, quand les descendants de leurs esclaves désormais affranchis ne profitant pas de leur liberté acquise pour s’élever sur l’échelle sociale, démontraient d’incapacités relevant de leur propre nature. «Pour devenir socialement supérieur, encore faut-il ne pas être naturellement inférieur», s’extasient-ils d’eux-mêmes au risque de voir coincer un tronçon de ris de veau par leur sphincter œsophagien. Or, mettez-vous dans le crâne, vieux salopard, que flanquer un coup de trique à un homme exténué comme dans la couenne d’une bête de somme, tout en lui hurlant dans l’oreille : «Travaille, fainéant!», ce n’est pas lui enseigner l’effort, c’est lui infliger une séance de torture. Essayez de donner dans le verre à cognac où stagne votre cervelet, une consistance au fait que barrer toutes les routes, verrouiller toutes les portes, inonder tous les tunnels où un homme libre s’élance afin de s’en sortir, pourra l’amener un jour, va savoir, à baisser les bras. Mais il faudrait enfin pousser monsieur Guerlain une heure sous la lune glaciale d’une tribu Massaï et voir comment il s’en sortirait devant une gueule de lion claquant des dents. On pourrait même offrir une seconde de suée dans le mille d’un champ de coton à son âme desséchée, qu’elle nous la pique enfin, sa crise de larmes! qu’elle nous le braille, son «Maman!»
«Je me suis mis à travailler comme un héritier, je ne sais pas si les héritiers ont toujours tellement travaillé, mais enfin…»
Merci pour ce billet, Monsieur. Je viens d’apprendre que la 1ère sanction politique du scandale Guerlain est tombée (annulation par la ville de Montpellier d’une manifestation sponsorisée par Guerlain). Un peu de baume au coeur en ces temps troublés.
Je tiens juste à apporter une précision : ce n’est pas l’emploi du terme « Nègre » qui nous a choqué, en tous cas, pas aux Antilles. Sur la terre du poète Aimé Césaire, ce terme est réhabilité et revalorisé depuis longtemps, en français comme en créole. J’ai entendu de la bouche de Césaire lui-même la fameuse anecdote de l’automobiliste du Quartier Latin qui l’avait interpellé dans les années 30 : « Eh toi, le nègre ! », ce à quoi il répondit, avec une verve qu’il a gardé jusqu’à sa mort : « Eh bien, le Nègre, il t’enmerde ! ».
Notre histoire est sensiblement différente de celle des Afro-américains, quant à l’emploi de ce terme. Au contraire, tout comme Césaire a repris le terme « Nègre » à son compte, et l’a magnifié, j’espère bien que nous reprendrons à notre compte l’expression « travailler comme un nègre » pour la revendiquer à notre tour. Je suis fière d’être la descendante de gens qui ont survécu à l’horreur esclavagiste pour transmettre la vie, au fil des générations. Et je suis fière de descendre de gens qui ont travaillé même dans des circonstances ignobles, plutôt que de gens qui ont profité de cette ignominie, en n’en f… pas une rame, en plus.
Par contre, ce qui est intolérable c’est la sous-entendu exécrable contenu dans la 2ème phrase. Sous-entendre que les nègres « n’ont pas tellement travaillé », c’est faire exactement la même chose que ceux qui nient les chambres à gaz, et font des jeux de mots douteux à ce sujet : c’est du négationnisme pur et simple.
Pour information, l’espérance de vie moyenne d’un esclave sur une plantation était de 6 ans. On ne plaisante pas avec ça. JAMAIS.
En tous cas, je dormirai plus rassurée sur la France et les Français ce soir. Comme dit Harry Roselmack avec beaucoup de sagesse, ces problèmes se règleront par l’éducation, pas par la peur et la répression. Mais il importait de marquer le coup quand même.