Les stratèges le savent bien ; lorsqu’une option stratégique s’est révélée performante, il est très difficile de s’en défaire alors même que les indices montrant son inefficacité nouvelle se multiplient. C’est pourtant bien cette erreur que le Président de la République commet en ce moment même vis-à-vis du Front National.
A grands renforts de débats identitaires, d’amendements législatifs ultra-sécuritaires et de rhétorique guerrière, Nicolas Sarkozy tente de reproduire la manœuvre qui a contribué à le faire élire en 2007 : séduire l’électorat frontiste pour prendre une avance confortable, voire irrattrapable, sur n’importe quel adversaire en vue de l’élection présidentielle à venir.
De prime abord, les bénéfices électoraux d’une telle manœuvre semblent plaider en sa faveur.
D’abord l’issue de la présidentielle de 2007 a montré que Nicolas Sarkozy avait, par un discours pour le moins musclé, considérablement réussi à siphonner l’électorat du FN. Ainsi, entre le premier tour de la présidentielle de 2002 et celui de 2007, Jean-Marie le Pen a perdu près de 1 million de suffrages, et près de 1,7 million si l’on observe les élections législatives de ces mêmes années.
L’aphasie du fondateur du Front National depuis 2007 pourrait également convaincre; Jean-Marie le Pen semble n’avoir toujours pas trouvé de parade adéquate pour contrer celui qui, en s’inspirant de ses analyses, est parvenu à l’affaiblir. A titre d’exemple, le simple visionnage sur Dailymotion de l’avant-dernière édition (numéro 201) du Journal de Bord – l’interview promotionnelle hebdomadaire du dirigeant frontiste – suffira. On peut y voir le vieux leader nationaliste s’escrimer au sujet des Roms « Monsieur Sarkozy et les membres de son gouvernement n’ont jamais rien fait contre l’immigration […] Il y a un bluff qui peut tromper un certain nombre de citoyens patriotes qui croiraient que Sarkozy est le défenseur de la France [….] Sarkozy est en fait le principal responsable de l’immigration ».
Les résultats des derniers sondages enfin ; en dépit d’une profonde impopularité du Président de la République parmi les français, ce dernier semble connaître un net regain d’approbation parmi les sympathisants du Front National depuis le début de l’été 2010 et son discours de Grenoble.
Ces éléments suffiraient à priori à convaincre les plus dubitatifs de la pertinence du procédé. Ils autorisent en tout cas les canonniers du sarkozysme à assumer pleinement le choix tactique de leur leader. Ainsi dimanche 19 septembre, le ministre de l’immigration Eric Besson déclarait au micro du grand jury RTL-LCI-le Figaro « Il faut être à l’écoute des électeurs du Front National afin de les ramener dans le cercle des partis républicains ». Même les membres de l’UMP les plus libres de ton à l’égard du Président de la République semble partager ses vues sur ce point : Jean-François Copé, patron de la majorité à l’Assemblée Nationale déclarait ainsi début juillet 2010 à l’occasion des Universités d’été de son groupe de réflexionGénération France « Si le FN remonte c’est que nous n’avons pas été au rendez-vous ».
Efficacité éprouvée d’une méthode suscitant la plus large adhésion : rien ne laisse donc penser qu’il faille changer d’approche pour combattre le Front National.
Pourtant, il faut craindre que ce qui a fonctionné en 2007 ne devienne inopérant en vue de l’élection présidentielle de 2012.
Le vote Front National est en grande partie protestataire : Les sympathisants FN peuvent approuver ponctuellement la surenchère sécuritaire du Président, mais ils ne voteront sans doute pas pour Nicolas Sarkozy car le fait d’avoir été au pouvoir le rend premier responsable de la crise dont ils sont pour beaucoup les premières victimes, ou a minima incapable à l’enrayer, et ce faisant le disqualifie.
L’autre partie de cet électorat est idéologisée. Elle se caractérise notamment par ce que Michel Winock dans son Histoire de l’extrême-droite en France nomme justement une « haine du temps présent ». Pour toutes les extrême-droites, et notamment pour le Front National, le temps présent est décadent : le modèle familial traditionnel est en crise, l’école désorganisée, la Nation attaquée. Pour cette France acescente, le divorce et le remariage en cours de mandat du Président de la République, ses amitiés industrielles et ses joggings new-yorkais ont largement endommagé sa « stature de Président » si déterminante dans son succès de 2007.
Enfin, l’alternative à l’extrême-droite risque d’être séduisante. La situation se sera tout simplement inversée entre 2007 et 2012. En 2007, les électeurs tentés par le Front National avaient le choix entre Nicolas Sarkozy, un candidat ayant réussi l’exploit d’incarner la rupture tout en étant membre sortant du Gouvernement, et Jean-Marie le Pen un quasi-octogénaire dirigeant son parti depuis 35 ans et se présentant pour la cinquième fois à une élection présidentielle. Dans l’hypothèse où Sarkozy se présenterait en 2012, alors ce serait précisément l’inverse ; Sarkozy briguant un second mandat incarnera la stagnation, tandis que le candidat du Front National, probablement Marine le Pen, symbolisera le renouvellement.
C’est donc le même raisonnement qui a poussé une partie des électeurs du Front National à choisir Nicolas Sarkozy dès le 1er tour de l’élection présidentielle de 2007, qui les motivera à voter pour le candidat désigné par le Front National en 2012.
De ce point de vue, les résultats des dernières études d’opinions sont annonciateurs. On pourra par exemple analyser les préférences des sympathisants du Front National dans une audacieuse enquête CSA pour le quotidien le Parisien intitulée Le candidat de la droite et le Président de la République souhaité aujourd’hui réalisée tout dernièrement. A la question« Quel Président préféreriez-vous avoir aujourd’hui ? » si 90 % des sympathisants UMP préfèrent naturellement Sarkozy à Aubry, ils ne sont plus que 43% parmi les sympathisants FN, contre 40% pour Aubry ! Même Dominique Strauss-Kahn, dont on pourrait croire qu’il synthétise à lui seul tous les motifs d’une détestation durable parmi les membres de la droite xénophobe et antimondialiste, résiste à cet hypothétique duel ; seuls 47% des sympathisants FN préfèrent Sarkozy à DSK !
Et pour terminer ; Nicolas Sarkozy était en 2007 le champion incontesté de l’UMP. Il avait réussi à mobiliser l’ensemble de son électorat tout en chassant des voix à sa droite, en promettant le Karcher ou le Ministère de l’identité Nationale. Mais la situation a changé. Le candidat est devenu président. A partir du mandat qui lui est accordé, il ne se contente plus de formules chocs mais porte gravement atteinte à des principes, comme il l’illustre en ce moment avec son projet de déchéance de Nationalité pour les meurtriers de dépositaires de l’ordre publique. Ces propositions ne manquent pas de susciter l’indignation de certains responsables politiques de la majorité, qui semblent faire preuve ces derniers temps d’un aplomb inédit pour critiquer le Président. Occupé à courir après d’improbables voix du FN, Nicolas Sarkozy risque de disloquer ses propres rangs dans des proportions mésestimées.
La stratégie gagnante et controversée d’hier est devenue perdante et détestablement cynique aujourd’hui. En jouant ainsi avec le feu des idées frontistes pour tenter de capter durablement son électorat, le Président de la République parvient surtout à semer les idées les plus dangereuses dans les esprits républicains.
[…] un précédent papier publié en septembre 2010, « l’échec annoncé d’une détestable stratégie », j’avais tenté d’expliquer pourquoi la course aux voix du Front National était, à droite […]
Oui, le pouvoir, Sarkozy, fait tout pour enfoncer le pays dans la fragmentation et le rejet envers les pauvres et les minorités. L’extrême droite aujourd’hui, n’a plus aucun complexe, grâce a ce monsieur. Sarkozy avait dit qu’il n’y aurait plus de tabou et bien c’est fait. J’attendais le totem de puis pas mal de temps et il est venu hier, avec le fameux dossier de Pétain, qui montre bien, les faits, concernant le sort des juifs de France. Un vieil homme sans pitié et rajoutant, l’homme a foison dans les wagons de la mort.. Je ne cache pas ma joie, car on ne pourra plus jouer sur l’ambiguïté du Maréchal Pétain, que la République a toujours voulut préservé a cause de 14 18. Même tonton a déposé une gerbe sur sa tombe. Il ne le ferait plus aujourd’hui. Alors ne désespérons pas, quelque fois le miracle surgit sans prévenir.
Ce sont les plus hauts responsables de l’opposition qui depuis le discours de Grenoble, n’ont plus cessé de jongler avec la référence à la dernière guerre mondiale. Or c’est l’usage non maîtrisé d’une comparaison qui ne resserre pas l’objectif sur les points de divergence pour ne laisser paraître qu’un effet de convergence parfaite, que l’on devrait taxer de va-t-en-guerre.
PARLER POUR NE RIEN DIRE ASERMOUR ON EST EN 2010 LA GUERRE C EST FINI TU PEUX FAIRE TON JARDIN
excellent
Fusionner Sarkozy et Nazi relève d’une imposture poétique vouée à se hisser aux nues rimbaldiennes par la poulie d’un dictionnaire de rimes. Infiniment plus infecte qu’un crime de diffamation, c’est un crime de profanation, un glaviot de jalousie verdâtre dégoulinant sur le casque d’un soldat noyé à 6 heures 30, le 6 juin 44. Aussi, le parallèle entre la politique actuelle et celle d’un autre gouvernement français basé sept décennies plus tôt dans les murs d’une ville d’eaux, désobligerait ceux qui l’établiraient. Il n’empêche que Vichy nous oblige. S’y référer n’est pas une honte, mais la honte serait de ne pas s’y référer. Le sort d’un assassin naturalisé que l’on déchoirait de sa nationalité ne ressemblerait en rien à celui d’un Juif destitué de son identité française pour le seul crime d’être Juif et condamné à être exterminé pour le même chef d’inculpation, mais notre conception de l’identité nationale a opéré sa refondation après qu’elle se fut si monstrueusement effondrée. Ceux qui ne perdront plus l’esprit de notre vision de l’Homme, de ses Droits, et de leur Nation, ne se permettront pas davantage le moindre écart d’avec leurs trois régions mentales de crainte qu’un grain de sable ne provoque l’enrayement de la machine à humaniser, certes imparfaite, mais battant des records de perfectibilité. En résumé, déchoir de sa nationalité un Français d’origine étrangère en l’an 10 du siècle XXI ne signifiera pas que celui qui y procéderait soit un copycat de l’empereur des Serial Killers, mais c’est parce que Vichy nous a fait la démonstration de ce que pouvait produire en terme d’inhumanité la destitution d’une identité acquise, que Cordier, dit «Caracalla», veillera jusqu’à son dernier souffle à ce que soit respecté l’édit dont il se fit l’alias.