Trente ans de tourments, trente ans de mauvaise conscience, trente ans de supplice. Il n’est pas pire supplice que cette mauvaise conscience qui vous taraude, vous confond, vous montre du doigt, vous colle à la peau, se dresse en vous pour vous accuser, vous torturer, vous châtier. La mauvaise conscience est un juge impitoyable, un triumvir implacable ; un bourreau sans pitié qui vous condamne à jamais. Tel un rongeur corrosif, écharpant, qui ne meurt jamais ;  elle vous fait vivre l’enfer au-delà de l’enfer ; elle fait de vous un damné à vous-même ; elle vous dresse contre vous-même. Trente ans que Polanski vit affligé, troublé par son acte.

Oui, certes, mais la mauvaise conscience n’est pas en soi une peine purgée, elle n’absout en rien l’acte commis, elle ne rend pas quitte. La question essentielle est toute autre : Polanski a-t-il reconnu la nature, la gravité de son acte ? L’énormité de la souffrance infligée ? Sa responsabilité ? Oui, et sans chercher aucune excuse le déresponsabilisant. A-t-il demandé alors pardon à sa victime, à Samantha Geimer ? Oui. A-t-il essayé ensuite de réparer ce qui est réparable ? Oui, en fonction de ses moyens. Alors haine ou pardon ? Haine, vengeance, justice ou pardon ?  Sans aucune injonction, la victime a choisi de pardonner, de pardonner dans son cœur, mieux, d’offrir une justice négociée, réparatrice à Polanski ; une justice de paix. Elle a déjà déposé trois demandes d’abandon des poursuites contre le cinéaste.

Alors pourquoi encore aujourd’hui cet acharnement judiciaire contre Polanski? Pour affirmer l’ordre de la loi ? Oreille coupée pour oreille coupée, œil crevé pour œil crevé ? Que Polanski additionne des années derrière les barreaux ! La justice ne pardonne jamais ? La condamnation et la punition ? Oui, mais pourquoi pas aussi l’accommodement et la négociation entre parties? La question est aussi  bien celle-là : celle parfois de l’aveuglement d’un certain légalisme judiciaire qui perd de sa légitimité en privilégiant la rigidité, la dureté, le pouvoir de punir au détriment de l’équité. De quoi s’agit-il en fin de compte dans cette affaire : rendre justice ou mettre en scène « l’éclat de justice », le spectacle de la peine en quelque sorte, châtier sur la place publique.

2 Commentaires

  1. Je partage absolument ce billet où tout est dit avec nuance, clarté par quelqu’un de sensible et d’éclairé. Moi-même effaré par la violence des attaques distribuées sur les forums et autres blogs par des internautes s’auto-proclamant procureurs, je suis heureux de voir que cette folie inquisitoriale et populiste est rééquilibrée par des personnes de bon sens et qui gardent leur part d’humanité. Polanski a commis une faute, un jour, mais il n’est pas pour autant devenu un être abject à jeter aux chiens. Moi, en tout cas, je continue à l’aimer.

  2. David Gakunzi merci pour votre article.

    Pourquoi s’acharne-t-on autant sur tous ceux qui soutiennent Roman Polanski sous-prétexte qu’ils sont célèbres et appartiennent au monde artistique et au monde littéraire? On peut être rien de tout cela et soutenir quand même Roman Polanski. Ce qui est mon cas.

    Roman Polanski n’est pas un pédophile car il n’a jamais récidivé.

    Pourquoi n’est-il jamais question des parents de cette jeune fille de 13 ans? Ils savaient bien que Jack Nicholson et Roman Polanski n’étaient pas des baby-sitters. Des parents responsables n’auraient jamais envoyer leur fille de 13 ans, même si elle n’était déjà plus vierge, à une telle soirée sans l’accompagner! A moins qu’ils cherchent à en retirer un profit quelconque… Justement je ne pense pas que tous les parents qui soutiennent Polanski auraient envoyé leur fille de 13 ans à cette soirée-là. C’est pourquoi cet argument contre les parents qui soutiennent Polanski qui est souvent utilisé «et si c’était arrivé à votre fille…» est un argument fallacieux, car des parents «normaux» ne laissent pas leur fille participer toute seule à une soirée pareille!

    La Suisse ayant quelques «petits problèmes» avec le fisc américain a voulu redorer son blason auprès des autorités américaines en arrêtant Polanski, cinéastre célèbre, par un véritable traquenard.

    Donc, contrairement à ce que certains pensent, on dirait que c’est plutôt sa notoriété qui a joué et qui joue encore de mauvais tours à Polanski.
    N’oublions pas que les juges américains sont élus. Pourquoi ne se feraient-ils pas de la publicité sur le dos de personnes célèbres?

    On peut aussi se poser la question: qui cherche à empêcher Roman Polanski de terminer son film «The Ghost»? En effet, dans ce film Tony Blair et ses liens avec une certaine «entité américaine» sont mis en cause. Qui ça dérange au point de vouloir museler maintenant Polanski? Souhaitons qu’il puisse terminer son film en prison… et encore mieux libre!

    J’adresse tout mon soutien à Roman Polanski et à sa famille.

    Libérez Roman Polanski!