« Je viens de relire …ce mélodrame décapant, Les deux bourreaux.
Quel réquisitoire contre toutes les bonnes consciences qui se nourrissent de leur propre culpabilité
comme un heureux viatique,
Quelle démonstration aussi , implacable, du fait que la culpabilité nourrit toujours la lâcheté !
Ceux qui la cultivent, cette autoflagellation, qui la vénèrent même,
sont en définitive eux-mêmes toujours prêts à légitimer la flagellation réelle,
infligée à ceux qu’ils prétendent aimer
C’est ce qui se passe dans ta pièce.
Françoise, la femme, s’autoflagelle en permanence d’une culpabilité aussi imaginaire qu’indéterminée,
ce qui la conduit paradoxalement à légitimer d’autant plus,
voire même à accentuer, les effets épouvantables (vinaigre et sel) de la flagellation réelle
infligée à son mari, qui d’ailleurs l’emportera dans la mort.
Au demeurant, autre remarque, j’ai noté que la pièce compte six personnages.
En quête d’auteur?
Hommage implicite à Pirandello?
Ces six personnages constituent trois doublettes :
le mari et la femme, les deux frères, les deux bourreaux.
Je note que les personnages des deux premières doublettes,
monopolisent la parole (mais, en fait, pas du tout l’action…).
Ils ont un nom, mais en définitive, ce sont les hommes sans nom qui font ici l’histoire,
en réussissant magnifiquement à la rendre aussi horrible.
Jean et Françoise d’un côté,
Benoit et Maurice d’un autre.
En revanche, les deux bourreaux ne sont pas nommés.
Au surplus, au sein des deux doublettes, mari et femme, Benoît et Maurice,
ce qui prédomine, c’est, contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’une femme par rapport à son mari,
ou d’un frère par rapport à son frère,
c’est le seul désir d’annuler l’autre,
pour consolider, par le rejet de sa différence avec lui, sa propre bonne conscience à soi.
Du coup, seul triomphe en fait le duo des deux bourreaux anonymes,
qui ne s’embarrassent pas de conscience du tout, ni bonne ni mauvaise,
et qui donc, eux, se contentent de se nourrir de la lâcheté/culpabilité des autres,
les deux concepts, finissant ainsi ici par se confondre.
La pièce en tire son caractère radicalement décapant.
D’où une sorte de leçon, peut-être, qui résonne comme un joyeux rappel nietzschéen :
le courage, la vie, impliquent d’apprendre à bannir en nous la culpabilité des lâches, pour être à même de combattre la violence silencieuse et efficace de ceux qui savent l’exploiter : les deux bourreaux ».
Jean-Pierre VILLAIN (París, 18-X-2015).
___________________________________________________________ …LORSQUE 60 ANS AURONT PASSÉ … ASí QUE PASEN 60 AÑOS
… en français puis en español et en català (Jordi Soler):
« LES DEUX BOURREAUX »
MÉLODRAME EN UN ACTE
de
FERNANDO ARRABAL (12-II-1956).
PERSONNAGES:
LES DEUX BOURREAUX (j’ignore leur nom),
LA MÈRE (FRANÇOISE),
LES DEUX FILS (BENOIT et MAURICE),
LE MARI (JEAN).
La pièce se déroule dans une salle très obscure. A gauche, la porte qui s’ouvre sur la rue. Au fond, la porte qui donne sur un cachot. Murs nus. Au centre de la pièce, une table et trois chaises.
Il fait nuit. Les deux bourreaux sont assis sur les chaises. Ils sont seuls. On frappe à la porte de la rue avec insistance. On dirait vraiment que les bourreaux n’entendent rien. La porte s’ouvre lentement, non sans grincer. Une tête de femme apparaît. La femme examine la pièce. Elle se décide à pénétrer dans la salle et s’approche des bourreaux.
FRANÇOISE. – Bonjour, messieurs… Excusez-moi… Je vous dérange? (Les bourreaux ne bougent toujours pas comme si la chose ne les concernait pas.) Si je vous dérange, je m’en vais… (Silence. On dirait que la femme veut reprendre des forces. Enfin, elle se décide. Elle parle précipitamment.) Je suis venue vous chercher parce que je n’y tiens plus. Il s’agit de mon mari (pathétiquement), l’être en qui j’ai mis toute ma confiance, l’homme à qui j’ai donné toute ma jeunesse et que j’ai aimé comme jamais je n’aurais cru que je pouvais aimer. (Baissant le ton, avec plus de calme.) Il est coupable. Je dois le reconnaître.
Tout à coup les bourreaux s’intéressent aux paroles de la femme. L’un d’eux tire de sa poche un crayon et un cahier.
Oui, il est coupable. Il habite huit, rue des Laboureurs, et il s’appelle Jean Aznar.
Le bourreau en prend note, Aussitôt, les deux bourreaux sortent par la porte de la rue. On entend s’éloigner une auto. Françoise sort aussi par la porte de la rue.
VOIX DE FRANÇOISE – Entrez mes enfants, entrez.
VOIX DE BENOIT. – Il fait très noir ici.
VOIX DE FRANÇOISE. – Oui, la pièce est très s’ombre. J’ai peur aussi, mais nous devons entrer. Il faut que nous attendions petit père.
Entrent Françoise et ses deux fils, Benoît et Maurice.
FRANÇOISE. – Asseyez-vous, mes enfants. Ne craignez rien.
Tous trois s’assoient autour de la table.
FRANÇOISE, elle parle toujours sur un ton geignard. – Quels tristes et dramatiques moments vivons-nous ! Quels péchés avons-nous commis pour que la vie nous punisse si cruellement ?
BENOIT. – Ne te fais pas de souci, maman.. Ne pleure pas.
FRANÇOISE. – Non, je ne pleurerai pas, je tiendrai tête à l’adversité qui nous assaille de toutes parts. Comme je te sais gré d’être attentif à tout ce qui me concerne ! Mais vois plutôt ton frère Maurice toujours aussi dénaturé. (Maurice, l’air sombre, regarde, délibérément semble-t-il, dans la direction opposée à l’endroit où se trouve sa mère.) Regarde-le, aujourd’hui où plus que jamais j’ai besoin de votre soutien; il se tourne contre moi et m’accable de son mépris. Quel mal t’ai-je fait, fils indigne ? Parle, dis-moi quelque chose.
BENOIT. – Ne fais pas attention à lui, maman, il ignore la reconnaissance que l’on doit à une mère.
FRANÇOISE, s’adressant à Maurice. – Est-ce que tu n’entends pas ton frère? Ecoute-le. Si l’on m’avait dit à moi une chose pareille, j’en serais morte de honte. Mais toi, tu n’as pas honte. Grand Dieu ! Quel calvaire !
BENOIT. – Maman, ne t’échauffe pas, ne t’afflige pas pour lui, il n’en vaut pas la peine. Quoi que tu fasses, il ne sera jamais d’accord avec toi.
FRANÇOISE. – Oui, mon fils, tu ne te rends pas bien compte. Quand ce n’est pas à cause de ton père, c’est à cause de Maurice : toujours des souffrances. Moi qui ai toujours été leur esclave. Vois combien. de femmes de mon âge mènent joyeuse vie, se divertissent nuit et jour au bal, au cabaret, au cinéma ! Combien de femmes ! tu ne t’en rends pas bien compte, tu es encore trop jeune. J’aurais pu en faire autant, mais j’ai préféré me sacrifier pour mon mari et pour vous, silencieusement, humblement, sans rien en attendre, en sachant même qu’un jour, les êtres qui m’ont été les plus chers me diraient ce que me dit aujourd’hui ton frère, que je n’en ai pas assez fait. Tu vois, mon fils, comme ils répondent à mes sacrifices ? Tu le vois, en me rendant toujours le mal pour le bien, toujours.
BENOIT. – Comme tu es bonne ! Comme tu es bonne !
FRANÇOISE. – Et qu’est-ce que je gagne à le savoir ? Cela revient au même. Tout revient au même. Je n’ai plus de goût à rien, tout m’est égal, rien n’a plus d’importance pour moi. Je veux être bonne et me sacrifier toujours pour vous, sans rien attendre en échange, en sachant même que les êtres qui me sont le plus proches, ceux qui devraient m’être reconnaissants de mes inquiétudes ignorent délibérément mes renoncements. J’ai été toute ma vie une martyre à cause de vous et je serai martyre jusqu’à ce que Dieu veuille me rappeler à lui.
BENOIT. – Maman Chérie !
FRANÇOISE. – Oui, mon fils, je ne vis que pour vous. Puis-je avoir dans la vie d’autres préoccupations ? Le luxe, les toilette, les soirées, le théâtre, rien de tout cela ne compte pour moi, je n’ai qu’un seul souci : vous. Que m’importe le reste ?
BENOIT, à Maurice. – Maurice, entends-tu ce que dit Maman ?
FRANÇOISE. – Laisse-le, mon enfant. Crois-tu que je puisse espérer qu’il sache m’être reconnaissant de mes sacrifices ? Non. Je n’attends rien de lui. Je sais même qu’il doit penser que je n’en ai pas fait assez.
BENOIT, à Maurice. – Tu es une canaille.
FRANÇOISE, excitée. – Ne me fais pas souffrir, Benoît, ne lui adressons pas de reproches. Je veux que nous vivions tous en paix, dans l’ordre. Surtout je ne veux pas qu’entre frères, vous vous disputiez.
BENOIT. – Comme tu es bonne, maman !… et bonne avec lui qui ne vaut rien. Si ce n’était pas toi qui me demandais de l’épargner, je ne sais pas ce que je lui ferais. (A Maurice d’un ton agressif.) Tu peux dire merci à maman, Maurice, car tu mérites une bonne correction.
FRANÇOISE. – Non, mon enfant, non, ne le bats pas. Je ne veux pas que tu le battes même s’il le mérite grandement. Je veux que la paix et l’amour règnent parmi nous. C’est la seule chose que je te demande, Benoît.
BENOIT. – Tranquillise-toi, je ferai ce que tu voudras.
FRANÇOISE. – Merci, mon fils, Tu es un vrai baume pour les plaies que la vie m’a faites. Vois-tu, Dieu, enfin, dans sa très grande bonté, m’a accordé un fils comme toi qui panse les blessures dont souffre mon pauvre coeur, apaise les douleurs que me causent, à ma grande tristesse, les êtres pour lesquels j’ai le plus lutté : mon mari et Maurice.
BENOIT, en colère. – Personne ne te fera plus souffrir, désormais.
FRANÇOISE. – Ne te fâche pas, mon fils, ne soit pas contrarié. Ils se sont mal conduits, et ils le savent bien. Ce que nous devons faire, c’est leur pardonner, et ne pas leur en garder rancune. D’ailleurs, bien que ton père soit fautif, et même très fautif, tu n’en dois pas moins le respecter.
BENOIT. – Le respecter, lui ?
FRANÇOISE. – Oui, mon fils. Ne tiens pas compte de tous les malheurs dont il est la source. C’est moi qui devrais lui refuser mon pardon, et, vois-tu, mon fils, je lui pardonne. Même s’il me fait souffrir plus que je n’ai encore souffert, si c’est possible, je continuerai à l’attendre la bras ouverts et je saurai lui pardonner ses innombrables fautes. La vie m’a appris à souffrir, depuis le jour de ma naissance. Mais je porte cette croix avec dignité, par amour de vous.
BENOIT. -Maman comme tu es bonne !
FRANÇOISE, sur un ton encore plus humble. – J’essaie, Benoît, d’être bonne.
BENOIT, interrompant sa mère, dans un élan d’affection spontané. – Maman, tu es la meilleure femme du monde.
FRANÇOISE, humble et honteuse. – Non, mon fils, je ne suis pas la meilleure femme du monde, je ne peux prétendre à une telle gloire, je suis trop peu de chose. D’autre part, j’ai probablement commis quelques fautes. Malgré beaucoup de bonne volonté, mais enfin, ce qui compte c’est que j’aie commis quelques fautes.
BENOIT, d’un ton convaincu. – Non, maman, jamais.
FRANÇOISE. – Si, mon enfant, quelquefois. Mais je peux dire avec joie que je n’en suis toujours repentie, toujours.
BENOIT. – Tu es une sainte.
FRANÇOISE. – Tais-toi ! Que pourrais-je rêver de plus beau que la sainteté ! Je ne peux pas être une sainte. Pour être une sainte, il faut être quelqu’un de très grand et moi, je ne vaux rien. J’essaie seulement d’être bonne, sans plus de prétentions.
La porte de la rue s’ouvre. Entrent les deux bourreaux portant le mari de Françoise, Jean, pieds et poings liés et suspendu à un gros bâton, à peu près de la façon dont on transporte les lions ou les tigres capturés en Afrique. Jean est bâillonné ; en entrant dans la pièce, il lève la tête et regarde sa femme, Françoise, en ouvrant tout grands les yeux et peut-être avec quelque colère. Françoise examine attentivement, avidement son mari. Maurice voit passer le cortège avec une violente indignation. Les deux bourreaux, sans s’arrêter, traversent la pièce et transportent Jean de la porte de la rue jusqu’au cachot. Ils disparaissent tous trois.
MAURICE, avec une grande indignation, s’adressant à sa mère. -Qu’est-ce que c’est ? Dis-moi, qu’est-ce que ce nouveau forfait ?
BENOIT, à Maurice. – Ne parle pas à maman sur ce ton.
FRANÇOISE. – Laisse-le, mon enfant, laisse-le m’insulter. Laisse-le me faire des reproches. Laisse-le traiter sa mère comme un ennemi. Laisse-le, mon enfant. Laisse-le, Dieu punira cette mauvaise action.
MAURICE. – C’en est trop. (Avec colère, à sa mère.) C’est toi qui l’as dénoncé.
BENOIT, prêt à se jeter sur son frère. – Je t’ai déjà dit de parler poliment à maman. Comprends-tu ? Poliment ! Est-ce que tu entends ?
FRANÇOISE. – Calme-toi, mon fils, calme-toi, laisse-le me traiter grossièrement. Tu sais bien qu’il ne se plaît qu’à me faire du chagrin, donne-lui cette satisfaction. C’est mon rôle : me sacrifier pour lui et pour vous; vous donner tout ce que vous voulez.
BENOIT. – Je ne permettrai pas qu’il crie en s’adressant à toi.
FRANÇOISE. – Obéis-moi, mon fils, obéis-moi.
BENOIT. – Je ne t’obéirai pas. Tu es trop bonne et il en profite.
Maurice est abattu.
FRANÇOISE. – Mon enfant, toi aussi, tu veux me faire souffrir ? S’il est méchant avec moi, qu’il soit méchant, il fallait s’y attendre, mais toi, mon fils, toi tu es différent; c’est toujours ce que j’ai pensé, du moins. Laisse-le me torturer si cela réjouit son mauvais coeur.
(Un temps.)
BENOIT. – Non, jamais, du moins, en ma présence.
On entend des coups de fouet puis des plaintes étouffées par le bâillon. C’est Jean ; sans doute les bourreaux sont en train de le flageller dans le cachot. Françoise et Maurice se redressent et se dirigent vers la porte du cachot. La mère écoute avidement, les yeux écarquillés, le visage grimaçant (presque. souriant ?), hystérique. Les coups de fouet redoublent pendant un long moment. Jean se plaint avec une dignité virile. Enfin les coups et les plaintes cessent.
MAURICE, rageur et au bord des larmes, dit à sa mère. C’est ta faute si l’on torture papa. C’est toi qui l’as dénoncé.
BENOIT. – Tais-toi ! (Violemment.) Ne te tourmente pas, maman.
FRANÇOISE.. – Laisse-le, laisse-le, Benoît. Laisse-le m’insulter. Je sais très bien que si tu n’étais pas là, il me battrait. Mais c’est un lâche et il a peur de toi, c’est tout ce qui l’arrête car il est très capable de lever la main sur sa mère, je le lis dans ses yeux. Il a toujours essayé.
Gémissement aigu de Jean. Silence. Françoise fait une grimace qui est presque un sourire. Silence.
FRANÇOISE. – Allons voir ce pauvre petit père. Allons voir comme il souffre, le pauvre. Car sans aucun doute, ils ont dû lui faire beaucoup de mal.
Grimaces de Françoise. Silence. Françoise s’approche du cachot, entrouve la porte et examine l’intérieur sans franchir le seuil.
FRANÇOISE, elle s’adresse à Jean, son mari, qui est dans le cachot et que, par conséquent, on ne peut voir. – Jean, ces bourreaux ont dû te faire beaucoup de mal. Pauvre Jean ! Comme tu as dû souffrir et comme ils vont encore te faire souffrir. Mon pauvre Jean !
Jean, bien que gêné par le bâillon, pousse un cri de colère.
FRANÇOISE. -Ne te mets pas dans cet état. Il vaut mieux que tu prennes patience. Pense que tu es seulement au commencement de tes peines. Tu ne peux rien faire en ce moment, tu es attaché et ton dos est plein de sang. Tu ne peux rien faire. Calme-toi ! D’ailleurs, tout ceci te fera grand bien, cela t’apprendra à avoir de la volonté, tu en as toujours manqué.
Françoise se décide à franchir le seuil, elle entre dans le cachot (elle quitte donc la scène).
VOIX DE FRANÇOISE, elle parle comme, à elle était à l’église, mais tout haut. – C’est moi qui t’ai dénoncé, Jean. C’est moi qui ai dit que tu étais coupable.
Jean veut parler, mais gêné par le bâillon, il n’émet que des sons. On entend le rire anormal de Françoise . Maurice est très excité. Françoise reparaît.
FRANÇOISE, à ses fils. – Le pauvre souffre beaucoup, il n’a pas de patience, il n’en a jamais eu.
Plainte de Jean.
MAURICE. – Laisse papa. Ne continue pas. Ne vois-tu pas que tu le tourmentes ?
FRANÇOISE. – C’est lui qui se tourmente, lui seul, sans motif. (Elle parle de nouveau à son mari à travers la porte.) Je vois bien que c’est toi qui te tourmentes tout seul. Je vois bien que mes paroles t’irritent. (Pause-sourire.) Qui peut prêter plus d’attention que moi à ton malheur? Je serai à tes côtés chaque fois que tu souffriras. Tu es coupable et ton devoir c’est d’accepter avec patience ton châtiment bien mérité. Tu doits même remercier les bourreaux qui te traitent avec tant d’égards. Si tu étais un homme normal, humble et juste, tu les remercierais, mais tu as toujours été un révolté. Ne va pas t’imaginer à présent que tu es à la maison où tu faisais tes quatre volontés, maintenant, tu es au pouvoir des bourreaux. Accepte le châtiment sans rébellion. C’est ta purification. Repends-toi de tes fautes et promets que tu ne retomberas pas dans l’erreur. Et ne te tourmente pas en pensant que je me réjouis de te voir puni.
Long gémissement de Jean.
MAURICE. – Est-ce que tu n’entends pas ses plaintes ? Ne vois-tu pas que tu le tortures ? Laisse-le en paix !
BENOIT. – Je t’ai déjà dit de ne pas parler à maman sur ce ton.
FRANÇOISE. – Qu’il me parle comme il veut, mon fils. J’y suis habituée. C’est mon lot : me faire du souci pour eux, pour lui et pour papa, qui ne le méritent pas, et que personne ne m’en remercie.
Plaintes de Jean.
MAURICE. -Papa ! Papa ! (Au bord des larmes.) Papa !
FRANÇOISE. – Il se plaint toujours. C’est signe qu’il souffre des blessures que lui font les coups de fouet et les cordes qui lui tient les pieds et mains. (Elle ouvre le tiroir de la table et fouille à l’intérieur. Ensuite, elle pose sur la table un flacon de vinaigre et une salière qu’elle a trouvés.) Voilà mon affaire. Je lui mettrai du vinaigre et du sel sur les plaies pour les désinfecter. Un peu de vinaigre et de sel sur ses blessures feront merveille ! (Avec un enthousiasme hystérique.) Un pou de sel et de vinaigre ! Un tout petit peu seulement sur chaque plaie, voilà ce qu’il lui faut.
MAURICE, en colère. – Ne fais pas ça.
FRANÇOISE. – C’est ainsi que tu aimes ton père ? Toi qui es sont fils préféré, c’est ainsi que tu le traites. Toi, justement toi, mauvais fils ! Toi qui sais bien que les bourreaux le battront jusqu’à ce que mort s’ensuive, c’est maintenant que tu l’abandonnes et que tu ne me laisses même pas panser ses blessures.
Françoise se dirige vers le cachot, le vinaigre et le sel à la main.
MAURICE. – Ne lui mets pas de sel ! S’ils le tuent de toute façon, laisse-le tranquille au moins, n’aggrave pas ses peines.
FRANÇOISE. – Toi, mon fils, tu es encore très jeune, tu ne sais rien de la vie, tu n’a pas d’expérience. Que serais-tu devenu sans moi ? La vie a toujours été très facile pour toi. J’ai tout fait à ta place. Tu es habitué à cc que ta mère te donne ce, que tu désires. Souviens-toi bien de mes paroles. Ce sont celles d’une mère et une mère ne vit que pour ses enfants. Respecte la tienne, respecte-la, ne serait-ce que pour les cheveux blancs qui ornent son front. Pense qu’elle fait tout pour toi par affection. Quand as-tu vu, mon fils, que ta mère fasse quelque chose pour elle ? Je n’ai pensé qu’à vous. D’abord, mes enfants; ensuite, mon mari. Moi je ne compte pour personne et encore moins pour moi. Voilà pourquoi, mon fils, à présent que je vais soigner les plaies de ton père, tu ne dois pas me barrer la toute. D’autres baiseraient le sol que je foule aux pieds. Je ne t’en demande pas tant, je souhaite seulement que tu saches me remercier de mes efforts (pause).
Françoise se dirige vers. le cachot avec le sel et le vinaigre.
FRANÇOISE. – Je vais mettre au pauvre petit père un peu de sel et de vinaigre sur ses blessures.
Maurice, saisit brutalement sa mère par le bras et lui interdit l’entrée du cachot.
BENOIT. – Ne prends pas maman par le bras.
FRANÇOISE. – Laisse-le me battre. C’est ce qu’il a toujours cherché. Vois comme il a laissé la marque de ses doigts sur mon pauvre bras. Voilà ce qu’il cherchait : me frapper.
BENOIT, très en colère. – Comment as-tu osé battre maman ?
Benoît essaie de frapper son frère. Françoise s’interpose avec violence entre les fils pour qu’ils ne se battent pas.
FRANÇOISE. – Non, mon fils, en ma présence, non. La famille est une chose sacrée. Je ne veux pas que mes fils se battent. (Benoît se contient difficilement.) Il peut m’écorcher vive s’il veut, mais: je t’en prie, mon enfant, ne le frappe pas en ma présence. Je ne veux pas qu’en ma présence il y ait des disputes entre frères. Il m’a battue, mais je lui pardonne.
Longue plainte du mari.
FRANÇOISE. – Il souffre… ils le font souffrir… Il souffre beaucoup. Il faut que je lui mette du vinaigre au plus vite. Tout de suite.
Françoise entre dans le cachot.
VOIX DE FRANÇOISE. – Un petit peu de sel et de vinaigre te feront beaucoup de bien. Ne bouge pas, je n’en ai pas beaucoup. Là, voilà.
Gémissement de Jean.
C’est ça, là, là, un petit peu de sel maintenant.
Cri de colère de Jean.
MAURICE, crie. – “ Papa ! ” et il pleure.
VOIX DE FRANÇOISE. – C’est ça, un petit peu plus, là, un petit peu plus, ne bouge pas. (Françoise parle haletante.) Ne bouge pas. Là. Encore un petit peu.
Gémissement de Jean.
VOIX DE FRANÇOISE. – C’est ça, encore un petit peu, là, là, ça te fera du bien. (Plainte de Jean.) Pour finir, voilà. (Plainte de Jean.) Il ne m’en reste plus !
Long silence. Plainte de Jean, silence.
VOIX DE FRANÇOISE. – Voyons, voyons. Comment sont tes plaies ? Je vais les toucher pour voir comment elles sont.
Forte plainte de Jean. Maurice, trompant la vigilance de son frère, entre dans la salle.
VOIX DE MAURICE. – Que fais-tu ? Tu griffes ses blessures !
Maurice fait sortir sa mère du cachot en la poussant. Benoît se jette sur son frère pour le frapper. La mère s’interpose et sépare les frères.
FRANÇOISE. – Non, mon fils, non. (A Benoît.) Hélas ! c’est à moi que tu fais mal. Non, ne bats pas ton frère. Je ne veux pas que tu le battes.
Benoît se calme.
BENOIT. – Je ne vais pas tolérer qu’il te fasse du mal.
FRANÇOISE. – Si, laisse-le me faire du mal. Laisse-le cela lui plaît. C’est ce qu’il veut. Laisse-le. Il veut que je pleure à cause de ses coups. Mon fils, ton frère, est ainsi fait. Quel martyre ! Quel calvaire ! Pourquoi, mon Dieu, ai-je le malheur d’avoir un fils qui ne m’aime pas et qui ne cherche qu’un instant de faiblesse de ma part pour me battre et me tourmenter ?
BENOIT, furieux. – Maurice !
FRANÇOISE. – Mon fils, calme-toi. (Abattue.) Quel calvaire ! Quelle croix, mon Dieu ! Pourquoi me punir ainsi, mon Dieu ? Qu’ai-je fait pour m’attirer un tel châtiment ? Ne vous disputez pas, mes enfants, faites-le pour votre pauvre mère qui ne cesse de souffrir, faites-le pour ses cheveux blancs. (A Benoît.) Et s’il ne veut pas prendre en pitié mes peines, toi, au. moins Benoît, aie pitié de moi. Ou est-ce que, toi non plus, tu ne m’aimes pas ? (Benoît, ému, veut dire quelque chose. Sa mère ne le laisse pas parier et poursuit.) Oui, c’est cela, tu ne m’aimes pas non plus.
BENOIT, au bord des larmes. – Si, maman, moi, je t’aime.
FRANÇOISE. – Alors, pourquoi ajouter de nouvelles épines à cette comme à douleurs que je porte ?
BENOIT. – Maman !
FRANÇOISE. – Est-ce que tu ne vois pas ma douleur ? Est-ce que tu ne vois pas mon immense douleur de mère ?
BENOIT, pleurant presque. – Si.
FRANÇOISE. – Merci, mon fils, tu es mon bâton de vieillesse. Tu es l’unique consolation que Dieu m’ait donnée en cette vie.
On entend à nouveau les bourreaux fouetter Jean. Le mari sanglote. Tous trois (Françoise et ses fils) écoutent en silence.
FRANÇOISE. – Ils le fouettent encore… Et ils doivent lui faire beaucoup de mal… (Françoise parle en haletant.)… Il pleure ! Il pleure… Il gémît, n’est-ce pas ?.. (Personne ne lui répond.) Oui, oui, il gémit, il gémit. Je l’entends parfaitement.
Coups de fouet et gémissements. Jean, tout à coup, pousse un cri plus aigu. Les bourreaux continuent à frapper, Jean ne gémît plus. Françoise va à la porte et regarde à l’intérieur du cachot.
FRANÇOISE. – Ils l’ont tué ! Ils l’ont tué !
Silence absolu Maurice s’assoit, appuie sa tête sur la table. Il pleure peut-être. Silence. Longue pause. Entrent les deux bourreaux avec Jean attaché comme la première fois. Jean est mort. Sa tête pend, inerte.
FRANÇOISE, aux bourreaux. – Laissez-moi le voir. Laissez-moi le voir comme il faut, à présent qu’il est mort.
Les bourreaux, sans prêter attention à Françoise, traversent la salle et sortent pas la porte de la rue. Françoise et Benoît s’assoient de chaque côté de Maurice. Ils le regardent. Silence.
MAURICE, à Françoise. – Ils ont tué papa à cause de toi.
FRANÇOISE. – Comment oses-tu dire cela à ta mère ? A ta mère qui s’est toujours saignée pour toi ?
MAURICE, l’interrompant. – Ne me raconte pas tes rengaines. Ce dont je t’accuse, c’est d’avoir dénoncé papa.
Benoît, abattu, n’intervient pas.
FRANÇOISE. – Oui, mon fils, comme tu voudrais. Si cela te fait plaisir, je dirai que c’est ma faute. C’est ce que tu veux ?
MAURICE. – Assez de discours entortillés. (Pause, long silence.) Pourquoi as-tu traité papa de cette façon, papa à qui tu ne peux faire aucun reproche ?
FRANÇOISE. – C’est ça. Je m’y étais toujours attendue, toute ma vie. Après que ton père a compromis l’avenir de ses enfants et de sa femme parce qu’il…
MAURICE, l’interrompant. – Qu’est-ce que cette histoire d’avenir compromis ? Qu’est-ce que cette nouvelle invention ?
FRANÇOISE. – Ah ! mon fils ! Quelle douleur ! Quel calvaire ! (Pause.) Bien sûr qu’il a compromis l’avenir de ses enfants par ses faiblesses. Il savait bien que s’il continuait dans cette voie, il finirait tôt ou tard comme il a fini. Il le savait bien, mais il n’a pas changé, il a poursuivi, vaille que vaille, son coupable chemin. Combien de fois le lui ai-je répété ! Combien de fois lui ai-je dit : tu vas me laisser veuve et tes fils orphelins. Mais qu’a-t-il fait ? Il a négligé mes conseils et il a persisté dans ses erreurs.
MAURICE. – Tu es la seule à dire qu’il était coupable.
FRANÇOISE. – Oui, bien sûr, maintenant, non content de m’avoir insultée pendant toute la nuit, tu vas me taxer de mensonge et tu vas affirmer que je suscite de faux témoignages. Voilà comme tu traites une mère qui, depuis ta naissance, t’a prodigué tous ses soins et consacré toute son attention. Tandis que votre père compromettait all7grement votre avenir, j’ai veillé sur toi, et je n’ai tu qu’un but, te rendre heureux, te donner tout le bonheur que je n’ai pas connu. Parce que, pour moi, la seule chose qui compte, c’est que ton frère et toi vous soyez satisfaits, tout le reste n’a aucune importance. Je suis une pauvre femme ignorante et sans instruction qui ne désire que le bien de ses enfants, coûte que coûte.
BENOIT, conciliant. – Maurice, les lamentations sont inutiles maintenant, papa est mort, on ne peut plus rien y faire.
FRANÇOISE. – Benoît a raison.
Long silence.
MAURICE. – On aurait pu éviter la mort de papa.
FRANÇOISE. – Comment ? Est-ce faute ? Non. C’est lui le coupable, lui-même, ton père. Que pouvais-je faire ? Que pouvais-je faire contre lui ? Il s’est obstiné : je ne suis qu’une pauvre femme sans aucune culture et presque sans instruction, j’ai passé toute ma vie à m’inquiéter pour les autres, en m’oubliant moi-même. Pour moi, c’est vous qui comptez. Quand m’as-tu vu acheter une jolie toilette ou aller au cinéma ou aux premières théâtrales qui me plaisaient tant ? Non, je n’en ai rien fait, malgré tout le plaisir que j’en aurais tiré, et tout cela, uniquement parce que j’ai préféré me consacrer à vous corps et âme. Je ne vous demande qu’une chose : que vous ne soyez pas ingrats et que vous sachiez apprécier le sacrifice d’une mère comme celle que vous avez eu la chance d’avoir.
BENOIT. – Oui, maman, moi j’apprécie tout ce que tu as fait pour nous.
FRANÇOISE. – Oui, toi, je sais bien, mais ton frère, non. Pour ton frère c’est encore trop peu. Ce n’est pas suffisant pour ton frère. Comme nous pourrions être heureux, si nous étions tous unis, tous d’accord !
BENOIT. – Maurice, oui, nous devrions mutuellement nous comprendre et vivre en paix tous les trois. Maman est très bonne, je sais qu’elle t’aime beaucoup et qu’elle te donnera tout ce dont tu auras besoin. Même si ce n’est que par égoïsme, reviens à nous. Nous vivrons tous les trois heureux et dans la joie en nous aimant.
MAURICE. – Mais… (Pause.) Papa…
BENOIT. – C’est déjà passé. Ne regarde pas en arrière. Ce qui importe, c’est l’avenir. Ce serait trop bête de s’en tenir au passé. Tu n’auras que des satisfactions avec maman. Tout ce qui est à elle t’est destiné. N’est-ce pas, maman ?
FRANÇOISE. – Oui, mon fils, tout ce qui est à moi sera à lui. (Héroïquement.) Je lui pardonne.
BENOIT. – Tu vois comme elle est bonne : elle te pardonne même.
FRANÇOISE. – Oui, je te pardonne et j’oublierai toutes tes insultes.
BENOIT. – Elle oubliera tout ! (Joyeux.) Voilà l’important. Ainsi nous vivrons sans rancune tous les trois ensemble; maman, toi et moi. Quoi de plus beau ?
MAURICE, à demi convaincu. – Oui, mais…
BENOIT, l’interrompant. – Ne sois pas rancunier. Imite maman. Elle qui a ses raisons d’être fâchée contre toi a promis de tout oublier. Nous serons heureux, si tu veux être gentil.
Maurice baisse la tête, ému. Long silence. Benoît pose son bras sur l’épaule de son frère.
BENOIT. – Embrasse maman.
Silence.
BENOIT. – Embrasse-la, sans rancune.
Maurice s’approche de sa mère et l’embrasse.
FRANÇOISE. – Mon fils !
BENOIT, à Maurice. – Demande pardon à maman.
MAURICE, pleurant presque. – Pardonne-moi, maman.
Maurice et Françoise s’étreignent. Benoît se joint à eux et tous trois restent enlacés tandis que tombe le
RIDEAU
Hôpital Foch, Suresnes, 1956.
____________________________________________________________________
LOS DOS VERDUGOS
Fernando Arrabal
PERSONAJES
LOS DOS VERDUGOS (ignoro sus nombres)
FRANCISCA, la madre
BENITO y MAURICIO, los dos hijos
JUAN, el padre
La acción se desarrolla en una habitación muy oscura. A la izquierda, la puerta que comunica con la calle. Al fondo la puerta que comunica con la celda de castigo. Paredes desnudas. En el centro de la habitación una mesa y tres sillas.
Noche. LOS DOS VERDUGOS están sentados. Llaman a la puerta de la calle, insistentemente. LOS VERDUGOS parece que no oyen. La puerta se abre lentamente, pero chirriando. Una mujer asoma la cabeza e inspeccionaba la sala. Por fin entra en la habitación y se dirige a LOS VERDUGOS.
FRANCISCA. —Buenos días, señores… Discúlpenme… ¿Les molesto? (LOS VERDUGOS siguen inmóviles, como si la cosa no fuera con ellos.) Si que les molesto, me marcho.
Silencio. La mujer parece que quiere tomar fuerzas. Por fin, dice atropelladamente.
He venido a buscarles porque ya no resisto más. Se trata de mi marido. (Patéticamente.) La persona en quien puse toda mi confianza, el hombre a quien di mi juventud entera y al que quise como jamás pensé haber querido. (Bajando el tono.) Tengo que confesarlo: es culpable.
LOS VERDUGOS, de pronto, se interesan por lo que dice la mujer. Uno de ellos saca un lápiz y un cuaderno.
Vive en la calle de Labradores, número ocho, y se llama Juan Laguna.
EL VERDUGO toma los datos. Inmediatamente ambos VERDUGOS salen por la puerta de la calle. Se oye la partida de un coche. FRANCISCA sale también por la puerta de la calle.
VOZ DE FRANCISCA. —Entrad, hijos míos, entrad.
VOZ DE BENITO. —Está muy oscuro.
VOZ DE FRANCISCA. —Sí, está muy oscura la habitación. A mí también me da miedo, pero debemos entrar. Hemos de esperar a papaíto.
Entran FRANCISCA y sus dos hijos, BENITO y MAURICIO.
FRANCISCA. —Sentaos, hijos míos. No tengáis miedo.
Los tres se sientan en torno a la mesa. FRANCISCA habla en un tono lastimero.
¡Qué momentos estamos viviendo tan dramáticos, tan tristes! ¿Qué pecados hemos cometido para que la vida nos castigue de esta forma tan cruel?
BENITO. —No te preocupes mamá, no llores.
FRANCISCA. —No, hijo mío, no lloro, no lloraré, me haré fuerte ante tanta adversidad como nos rodea. Cuánto te agradezco que estés siempre tan pendiente de mí en todo. Pero ya ves a tu hermano Mauricio: siempre tan descastado. (MAURICIO, sombrío, mira, al parecer deliberadamente, en dirección contraria a su madre.) Ya lo ves, ahora que yo necesito más que nunca el apoyo de vosotros él se vuelve contra mí y me maltrata con su despego. ¿Qué te he hecho yo, mal hijo, hijo indigno? Habla, dime algo.
BENITO. —No le hagas caso, mamá, él no sabe lo que es el agradecimiento a una madre.
FRANCISCA. —(A MAURICIO.) ¿No oyes a tu hermano? Escucha lo que dice. Si a mí alguien me hubiera dicho algo parecido, se me caería la cara de vergüenza. ¡Ay Dios mío! ¡Qué calvario!
BENITO. —Mamá, no te exaltes, no te aflijas por él. No se lo merece. Él nunca estará de acuerdo con lo que hagas tú.
FRANCISCA. —Sí, hijo, sí, tú no lo sabes bien. Cuando no es con papá es con Mauricio: siempre sufriendo. Yo que no he sido más que la esclava de ellos en todo momento. Ya ves cuántas, cuantísimas mujeres viven de cualquier manera divirtiéndose día y noche en bailes, en cabarés, en cines. ¡Cuantísimas! Tú no lo sabes bien, tú eres muy joven aún. Yo podía haber hecho lo mismo, pero he preferido sacrificarme por mi marido y por vosotros de una forma silenciosa y humilde sin esperar nada, incluso sabiendo que un día los seres que más he querido, me dirían, como hoy me dice tu hermano, que aún no he hecho bastante. Ya ves, hijo, ¿cómo responden a mis sacrificios?, dándome mal por bien siempre, siempre.
BENITO. —¡Qué buena eres! ¡Qué buena eres!
FRANCISCA. —¿Y qué gano yo sabiéndolo? Da lo mismo. Todo es lo mismo. Yo ya no tengo ilusiones por nada, todo me da igual, ya nada me importa. Yo deseo ser buena y sacrificarme por vosotros sin esperar recibir nada, sabiendo incluso que los seres más próximos a mí, los que deberían agradecer mis desvelos, no reconocerán mi actuación. He sido toda la vida una mártir por vosotros y mártir seguiré siendo hasta que Dios quiera que me muera.
BENITO. —¡Mamaíta!
FRANCISCA. —Sí, hijo, sólo vivo por vosotros. ¿Qué otra cosa me puede importar en la vida? ¿El lujo, los trajes, las fiestas de sociedad, el teatro? Todo esto para mí no cuenta; sólo tengo una preocupación: vosotros. ¿Qué me importa el resto?
BENITO. —Mauricio, ¿no oyes a mamá?
FRANCISCA. —Déjalo, hijo. ¿Crees que yo puedo esperar que él sepa agradecer mis sacrificios? No. Yo nada espero de él. Bien sé que incluso pensará que no me sacrifiqué suficientemente.
BENITO. —(A MAURICIO.) Eres una canalla.
FRANCISCA. —No me hagas sufrir. Benito, no le riñas. Yo quiero que todos vivamos tranquilos, en orden… Sobre todo no quiero que vosotros, que sois hermanos, riñáis.
BENITO. —¡Qué buena eres mamá!… Y buena con él que no se merece nada. Si no fuera porque tú me lo pides, no sé lo que haría con él. (A MAURICIO, agresivo.) Ya se lo puedes agradecer a mamá, que bien mereces que te pegue.
FRANCISCA. —No, hijo, no le pegues. No quiero que le pegues por mucho que lo merezca. Quiero que entre nosotros reine la tranquilidad y el amor. Es lo único que te pido, Benito.
BENITO. —No te preocupes, haré lo que me pides.
FRANCISCA. —Gracias, hijo. Qué bálsamo eres para las heridas que la vida me ha hecho. Ya ves, al fin, Dios, en su inmensa bondad, me ha dado un hijo como tú que me calma los dolores que sufre mi pobre alma. Estos dolores que, para mayor tristeza mía, me los causan los seres por los que más he luchado: mi marido y Mauricio.
BENITO. —Nadie te volverá a molestar.
FRANCISCA. —No te enfades, hijo, no te disgustes. Ellos, bien lo sabemos, se han portado mal. Nosotros lo que debemos hacer es perdonarles y no ser rencorosos con ellos. Además, aunque tu padre es culpable, no por eso debes dejar de respetarle.
BENITO. —¿Respetarle a él?
FRANCISCA. —Sí, hijo. No te fijes en todo lo mucho que él me ha hecho sufrir. Yo soy quien no debería perdonarle, y ya ves, hijo mío, le perdono. Aunque me haga sufrir más de lo que hasta hoy me ha hecho, si esto es posible, yo seguiré esperándole con los brazos abiertos y le sabría perdonar sus infinitas faltas. La vida me ha enseñado a sufrir desde que nací. Pero este calvario lo sufro con dignidad por amor a todos vosotros.
BENITO. —Mamá, ¡qué buena eres!
FRANCISCA. —Eso intento, Benito, ser buena.
BENITO. —(De pronto, interrumpiendo a su madre, en un movimiento espontáneo de afecto.) Mamá, eres la mujer más buena del mundo.
FRANCISCA. —(Humildemente.) No, hijo, no soy la mujer más buena del mundo, no puedo aspirar a tanta gracia: yo soy demasiado sencilla y, además, probablemente, yo habré cometido algunas faltas. Bien es verdad que con toda mi alma, mi buena intención. Pero al fin y al cabo, lo que me importa es que he cometido faltas.
BENITO. —(Convencido.) No, mamá, tú nunca.
FRANCISCA. —Sí, hijo, algunas veces. Pero tengo la alegría de que siempre me he arrepentido de ellas.
BENITO. —Eres una santa.
FRANCISCA. —No digas eso. ¡Qué más quisiera que ser una santa! Yo no puedo ser santa. Para ser santa hay que ser algo muy grande y yo no valgo nada. Yo sólo procuro ser buena sin aspirar a más.
La puerta de la calle se abre. Entran LOS DOS VERDUGOS que llevan al marido de FRANCISCA —JUAN— atado de pies y manos y colgado de un palo grueso, como se transporta la caza mayor en las cacerías. JUAN va amordazado, al entrar en la habitación levanta la cabeza y mira a su mujer con los ojos muy abiertos y quizás cargados de ira. FRANCISCA mira a su marido con atención, con avidez. MAURICIO ve pasar la comitiva violentamente irritado. LOS DOS VERDUGOS sin detenerse cruzan la habitación, llevando a JUAN de la puerta de la calle a la celda de castigo, por donde desparecen los tres.
MAURICIO. —(Irritadísimo, a su madre.) ¿Qué es esto? Di, ¿Qué es esta nueva fechoría tuya?
BENITO. —No trates así a mamá.
FRANCISCA. —Hijo, déjale. Déjale que me insulte. Déjale que trate a su madre como si fuera un enemigo. Déjale, hijo mío. Déjale. Dios castigará su mala acción.
MAURICIO. —Esto es demasiado. (Colérico, a su madre.) Tú le has denunciado.
BENITO. —(A punto de pegar a su hermano.) Te he dicho que trates bien a mamá. ¿Lo entiendes? Que la trates bien. ¿Me oyes?
FRANCISCA. —Cálmate, hijo, cálmate. Déjale que me maltrate. Si él sólo está a gusto viéndome sufrir, dale esa satisfacción. Ése es mi papel: sacrificarme por él y por vosotros; daros todo lo que queréis.
BENITO. —No consentiré que te trate a gritos.
FRANCISCA. —Obedéceme, hijo, obedéceme.
BENITO. —No te obedeceré: tú eres demasiado buena y de eso se aprovecha él.
FRANCISCA. —¡Hijo mío! ¿Tú también quieres hacerme sufrir? Si él es malo conmigo que lo sea, no podía esperar nada mejor. Pero tú, hijo mío, eres diferente; eso al menos he creído siempre. (Pausa.) Déjale que me atormente si es que eso satisface su alma ruin.
BENITO. —No, nunca, por lo menos en mi presencia.
Se oyen latigazos. También se oyen los quejidos amortiguados por la mordaza de JUAN. A JUAN le están dando latigazos en la celda de castigo; FRANCISCA y MAURICIO se incorporan y van a la puerta de la celda. La madre oye con avidez, abriendo mucho los ojos y con una mueca histérica. Los latigazos se oyen fuertes durante largo rato. JUAN se queja virilmente. Por fin, cesan los latigazos y los quejidos de JUAN.
MAURICIO. —(Excitado y a punto de llorar le dice a su madre.) Tú eres la culpable de que torturen a papá. Tú le has denunciado.
BENITO. —(Violentamente.) Cállate. No atormentes a mamá.
FRANCISCA. —Déjale, déjale, Benito. Déjale que me insulte. Bien sé que si no estuvieras delante me pegaría. Pero es un cobarde y te tiene miedo, sólo eso le retiene. Él es muy capaz de levantar la mano a su madre, lo veo en sus ojos. Siempre lo ha intentado.
Fuerte quejido de JUAN. FRANCISCA hace una mueca que es casi una sonrisa. Silencio.
Vamos a ver al pobre papaíto. Vamos a ver cómo sufre. Porque, sin duda le habrán hecho muchísimo daño.
Muecas de FRANCISCA. Silencio. FRANCISCA se acerca a la celda de castigo, entreabriendo la puerta, inspecciona el interior sin pasar el umbral.
(Habla a JUAN, que está dentro de la celda y que, por tanto, no se ve.) Juan, estos verdugos te tienen que haber hecho mucho daño. ¡Pobre Juan! ¡Cuánto tienes que haber sufrido y cuánto te tienen aún que hacer sufrir! Mi pobre Juan. (JUAN, impedido por la mordaza, intenta gritar.) No te pongas así. Lo mejor es que lo tomes con paciencia. Piensa que sólo has comenzado a sufrir. Ahora no puedes hacer nada, estás atado y con la espalda llena de sangre. No puedes hacer nada. ¡Cálmate! Además, todo esto te hará bien, te enseñará a tener voluntad de la que siempre careciste.
FRANCISCA, por fin, pasa el umbral y entra en la celda.
VOZ DE FRANCISCA. —(Habla como si estuviera en una iglesia, pero en un tono muy fuerte.) Fui yo quien te denunció, Juan. Fui yo quien dijo que eras culpable.
JUAN, impedido por la mordaza, sólo logra emitir algunos ruidos. Se oye reír a FRANCISCA histéricamente. MAURICIO está muy excitado. FRANCISCA aparece de nuevo.
FRANCISCA. —(A sus hijos.) El pobre sufre mucho, no tiene paciencia, nunca la tuvo.
Quejido de JUAN.
MAURICIO. —Deja a papá. No sigas. ¿No ves que le atormentas?
FRANCISCA. —Es él quien se atormenta. Él solo, sin motivo. (De nuevo habla a su marido a través de la puerta.) Bien veo que te estás atormentando tú solo. Bien veo que lo que te digo te irrita. (Pausa.) ¿Quién puede estar más pendiente que yo de tus dolores? Siempre que sufras me tendrás a tu lado. Tú te has portado mal y lo que debes hacer es aceptar con paciencia el castigo, tu merecidísimo castigo. Aún debes dar las gracias a los verdugos de que te traten con tantos miramientos. Si fueras un hombre normal, justo y humilde, les darías las gracias a los verdugos; pero tú siempre has sido un rebelde. No te creas que ahora estás en casa, donde hacías lo que querías, ahora estás en manos de los verdugos. Acepta el castigo sin rebeldía. Es la purificación. Arrepiéntete de tus culpas y promete no volver a las andadas. Y sobre todo no te atormentes pensando que yo me alegro de tus castigos.
Fuerte quejido de JUAN.
MAURICIO. —¿No oyes cómo se queja? ¿No te das cuenta de que estás haciendo sufrir? Déjale en paz.
BENITO. —Te he dicho que no hables así a mamá.
FRANCISCA. —Que me hable como quiera, hijo. Ya estoy acostumbrada. Éste es mi papal: preocuparme por ellos, por él y por papá, que no se lo merecen y que ni siquiera me lo agradecen.
Quejido de JUAN.
MAURICIO. —¡Papá! ¡Papá!
FRANCISCA. —Sigue quejándose. Eso es señal de que le hacen daño las heridas de los latigazos que le han dado en la espalda, y las rozaduras de las cuerdas que le atan manos y pies. (Abre el cajón de la mesa. Busca dentro de él. Después pone sobre la mesa un frasco de vinagre y un salero que ha encontrado.) Esto me viene muy bien. Le echaré sal y vinagre sobre las heridas para impedir que se infecten. Un poco de vinagre y de sal sobre las heridas le irá de perlas. (Con entusiasmo histérico.) ¡Un poco de sal y vinagre! Sólo un poquito en cada herida.
MAURICIO. —No hagas eso.
FRANCISCA. —¿Es así como quieres a tu padre? Tú, que eres su hijo predilecto, es así como le tratas. Tú, precisamente tú. ¡Mal hijo! Tú, que bien sabes que los verdugos le pegarán hasta matarle, es ahora cuando le rechazas y cuando ni siquiera me permites que cure sus heridas.
FRANCISCA, con la sal y el vinagre en la mano, va hacia la celda de castigo.
MAURICIO. —No, ¡No le eches sal! De todas formas van a matarle, déjale tranquilo, no le aumentes los dolores.
FRANCISCA. —Tú, hijo mío, eres aún más joven, no conoces nada de la vida, no tienes experiencia. ¿Qué hubiera sido de ti sin mí? Para ti la vida ha sido siempre muy fácil. Yo te lo he dicho. Estás acostumbrado a que tu madre te dé todo lo que quieres. Acuérdate siempre de mis palabras. Son las palabras de una madre y una madre no vive nada más que para sus hijos. Respeta a tu madre. Respétala aunque nada más sea que por las canas que coronan su frente. Piensa que tu madre te lo hace todo por amor. ¿Cuándo tú has visto que tu madre haga algo por ella? Yo sólo he pensado en vosotros. Lo primero, mis hijos, luego mi marido. Yo no cuento para nadie y menos para mí. Por eso, hijo mío, ahora que voy a curar las heridas de tu padre no debes imponerte en mi camino. Otros hijos estarían besando el suelo que yo piso. Yo no te pido tanto; yo sólo te pido que sepas agradecer mi esfuerzo. (FRANCISCA se dirige hacia la celda de castigo con la sal y el vinagre.) Voy a ponerle al pobre papaíto un poquitín de sal y vinagre sobre las heridas.
MAURICIO coge violentamente a su madre por el brazo impidiéndola entrar en la celda.
BENITO. —No cojas a mamá por el brazo.
FRANCISCA. —Déjale que me pegue. Eso es lo que ha buscado siempre: pegarme. Ya ves cómo me ha dejado todos sus dedos señalados en mi débil brazo. Eso era lo que buscaba: pegarme.
BENITO. —(Irritadísimo.) ¿Cómo te has atrevido a pegar a mamá?
BENITO trata de golpear a su hermano. FRANCISCA se interpone violentamente entre sus dos hijos para que no se peguen.
FRANCISCA. —No, hijo. En mi presencia, no. La familia es una cosa sagrada. No quiero que mis hijos se peguen. (BENITO se contiene de mala manera.) Él me puede arrancar la piel si quiere, pero yo te ruego, hijo mío, que no le pegues en mi presencia. No quiero que en mi presencia hayas riñas entre hermanos. Él me ha pegado, pero yo le perdono.
Fuerte quejido de JUAN.
Sufre…está sufriendo… está sufriendo mucho. Tengo que ponerle vinagre cuanto antes. Ahora mismo.
FRANCISCA entra en la celda de castigo.
Un poquito de sal y vinagre te irá muy bien. No te muevas que no tengo mucho. Así, así. (Lamento de JUAN.) Eso es, así, así, un poquito de sal ahora.
Quejido de JUAN. MAURICIO grita: “Papá”.
Eso es, un poquito más. Así, un poquito más. (Habla con la respiración entrecortada.) No te muevas. Así, otro poquito.
Lamento de JUAN.
Eso es, otro poquito, así, así. Esto te vendrá muy bien.
Quejido de JUAN.
Lo último. Así.
Quejido de JUAN.
Ya no me queda más.
Largo silencio. Fuerte quejido de JUAN.
A ver, a ver, ¿cómo tienes las heridas? Voy a tocarlas para ver cómo están.
Quejido muy fuerte de JUAN. MAURICIO, burlando la vigilancia de su hermano, entra en la celda.
VOZ DE MAURICIO. —¿Qué haces? ¡Estás arañando sus heridas!
MAURICIO saca de la celda a su madre a empujones. BENITO se lanza sobre su hermano para pegarle. La madre se interpone y separa a los dos hermanos.
FRANCISCA. —No, hijo mío, no. (A BENITO.) ¡Ay! Que me haces daño a mí. No le pegues a tu hermano. No quiero que le pegues.
BENITO se calma.
BENITO. —No voy a consentir que te maltrate.
FRANCISCA. —Sí, déjale que me maltrate. Déjale si eso le gusta. Déjale que
me maltrate. Déjale. Él lo quiere así. Déjale. Él quiere que yo llore por sus golpes, hijo mío. Tu hermano es así. ¡Qué martirio! ¡Qué calvario! ¿Por qué, Dios mío, tengo la desgracia de tener este hijo que no me quiere y que sólo busca un momento de debilidad mía para pegarme y para atormentarme?
BENITO. —(Colérico.) Mauricio.
FRANCISCA. —Hijo, cálmate (Abatida.) ¡Qué calvario! ¡Qué calvario! ¡Dios
mío! ¿Por qué me castigas así, Dios mío? ¿Qué he hecho yo para que me castigues de esta manera? No riñáis, hijos míos, hacedlo por vuestra pobre madre que no deja de sufrir. Hacedlo por sus canas. (A BENITO.) Y si él quiere compadecerse de mis dolores, tú por lo menos, Benito, compadécete de mí y no me hagas sufrir. ¿O es que tú tampoco me quieres?
BENITO, conmovido, quiere decir algo, su madre no le deja hablar y continúa.
Sí, eso es, tú tampoco me quieres.
BENITO. —(Conmovido.) Sí, mamá, yo te quiero.
FRANCISCA. —Entonces, ¿por qué añades más espinas a esta corona de dolor que llevo?
BENITO. —Mamá.
FRANCISCA. —¿No ves mi dolor? ¿No ves mi inmenso dolor de madre?
BENITO. —(A punto de llorar.) Sí.
FRANCISCA. —Gracias, hijo, eres mi paño de lágrimas. Eres el único consuelo que Dios me ha dado en la vida.
Se oye de nuevo el golpear de LOS VERDUGOS sobre JUAN. FRANCISCA y sus hijos escuchan en silencio. Quejas de JUAN.
Otra vez le azotan… y le harán mucho daño… ¡Llora! ¡Llora!… Está gimiendo, ¿verdad?… Sí, sí, gime, le oigo perfectamente.
Latigazos y gemidos. JUAN de pronto lanza un grito muy agudo. LOS VERDUGOS siguen golpeando; JUAN no gime. FRANCISCA va a la puerta y mira dentro de la celda.
¡Le han matado! ¡Le han matado!
Silencio total. MAURICIO se sienta. Apoya la cabeza sobre la mesa. Silencio. Pausa larga. Salen LOS VERDUGOS con JUAN atado como al comienzo de la acción. JUAN está muerto, la cabeza cae inerte.
(A LOS VERDUGOS.) Déjenme que le vea. Déjenme que le vea bien ahora que ya está muerto.
LOS VERDUGOS, sin hacer caso a FRANCISCA, cruzan la sala y salen por la puerta de la calle. FRANCISCA y BENITO se sientan en torno a MAURICIO. Le miran. Silencio.
MAURICIO. —(A FRANCISCA.) Han matado a papá por tu culpa.
FRANCISCA. —¿Cómo te atreves a decir eso a tu madre? A tu madre que
siempre se ha desvivido por ti.
MAURICIO. —(Interrumpiéndola.) No vengas con tus historias. De lo que te
acuso es de haber denunciado a papá.
BENITO, abatido, no interviene.
FRANCISCA. —Sí, hijo, como tú quieras. Si eso te satisface diré que yo soy
culpable. ¿Eso es lo que quieres?
MAURICIO. —No sigas con tus líos. (Pausa.) ¿Por qué te has portado de esa
manera con papá? Tú no puedes reprocharle nada.
FRANCISCA. —Eso es. Esto me lo esperaba yo de siempre, de toda la vida.
Encima de que tu padre se ha jugado el porvenir, y el de sus hijos y el de su mujer al actuar…
MAURICIO. —(Interrumpiéndola.) ¿Qué es eso de que se ha jugado nuestro
porvenir? ¿Qué nueva invención es ésta?
FRANCISCA. —¡Ah! ¡Hijo mío! ¡Qué dolor! ¡Qué calvario! (Pausa.) Claro que se ha jugado el porvenir de sus hijos por sus debilidades. Él bien sabía que si seguía por el mismo camino acabaría tarde o temprano como ha terminado. Él bien lo sabia, pero no vario y continuo erre que erre. Cuántas veces se lo repetí. Cuántas veces le dije: “Me vas a dejar viuda y a tus hijos huérfanos”. ¿Pero qué hizo él? Él dejó aparte mis advertencias y siguió su culpable camino.
MAURICIO. —Eres tú la única persona que ha dicho que era culpable.
FRANCISCA. —Si, claro, ahora, no contento con haberme injuriado durante
toda la noche, vas a tacharme de mentirosa y vas a afirmar que levanto falsos testimonios. Es así como tratas a una madre que desde que naciste ha estado pendiente de ti. Mientras tu padre se jugaba el porvenir alegremente, yo he vigilado tu felicidad y sólo he tenido una mira: hacerte dichoso, todo lo dichoso que yo no he podido ser. Porque para mí lo único importante es que tú y tu hermano viváis contentos, todo lo demás no tiene importancia. Soy una pobre mujer ignorante y sin estudios que sólo desea el bien de sus hijos cueste lo que cueste.
BENITO. —(Conciliador.) Mauricio, ahora ya no sirven para nada más
lamentaciones, papá ha muerto, nada se puede hacer.
FRANCISCA. —Benito tiene razón.
MAURICIO. —La muerte de papá se podía haber evitado.
FRANCISCA. —Cómo? He sido yo culpable? No. El culpable ha sido él, él mismo, tu padre. Qué podía hacer yo? Yo soy una pobre mujer sin ninguna cultura y sin apenas instrucción que no ha hecho en su vida otra cosa que preocuparse por los demás olvidándose de sí misma. Para mí sois vosotros los que contáis. ¿Cuándo me has visto a mi comprarme un buen traje o ir al cine o a los estrenos de teatro que tanto me gustan? No, no he hecho nada de eso, solamente porque he preferido darme toda entera a vosotros. Solo pido que no seáis desagradecidos y que sepáis apreciar el sacrificio de una madre como la que habéis tenido la suerte de tener.
BENITO. —Sí, mamá, yo aprecio todo lo que has hecho por nosotros.
FRANCISCA. —Sí, tú bien sé que sí, pero tu hermano no. A tu hermano aún le
parece poco. A tu hermano aún no le basta. Qué felices podíamos ser si todos estuviéramos unidos y juntos.
BENITO. —Mauricio, eso es, deberíamos compenetrarnos y vivir tranquilos
los tres. Mama es muy buena, yo sé bien que ella te quiere mucho y te dará todo lo que necesites. Aunque sólo sea por egoísmo, únete a nosotros. Los tres viviremos felices y alegres queriéndonos.
MAURICIO. —Pero… (Pausa.) … Papá.
BENITO. —Eso ya pasó, no mires atrás, lo que importa es el porvenir. Sería
demasiado tonto que sólo nos fijáramos en el pasado. Con mamá sólo tendremos satisfacciones. Todo lo suyo es para ti. ¿Verdad, mamá?
FRANCISCA. —Sí, hijo mío, todo lo mío será para él. (Heroica.) Yo le
perdono.
BENITO. —Ya ves qué buena es; incluso te perdona.
FRANCISCA. —Sí, yo te perdono y olvidaré todas tus injurias.
BENITO. —¡Todo lo olvidará! Esto es lo que importa. Así viviremos sin rencores los tres juntos: mamá, tú y yo. ¿Qué puede haber más bonito?
MAURICIO. —(A medio convencer.) Sí, pero es que…
BENITO. —No seas rencoroso, aprende de mamá. Ella que tiene motivos para
estar ofendida contigo ha prometido olvidarlo todo. Seremos felices si tú quieres ser bueno.
MAURICIO agacha la cabeza conmovido. Largo silencio.
BENITO pasa el brazo sobre el hombro de su hermano.
Dale un beso a mamá. (Silencio.) Dale un beso sin rencor.
MAURICIO se acerca a su madre y la besa.
FRANCISCA. —¡Hijo mío!
BENITO. —(A MAURICIO.) Pide perdón a mamá.
MAURICIO. —(Casi llorando.) Perdóname mamá.
MAURICIO y FRANCISCA se abrazan. BENITO se une a ellos y los tres quedan entrelazados.
TELÓN