‘Arrabalesques’ (Fernando Arrabal, 88, satrape du Collège de Pataphysique)
Le 14 mars de 14h30 à 18h.
Auditorium de la Halle St-Pierre, 2, rue Ronsard 75018 Paris, métro Anvers.
Alejandra Chulia Jordan : « Arrabal et le théâtre panique en France »
Pierre Lamassoure : « Le miroir » (vidéo arrabalalesque)
Livres de Bibliophilie (Damien Hirst, Isabel Echarri, Jean-Marc Brunet, Jeffrey L. Koons, Alii…)
Modérateur : Wanda Mihuleac.
Manifestation le 14 mars de 14h30 à 18h.
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Topor aurait été ravi de leur création par ces escalofriantes créatrices :
les princesses (irrecuperables) du cours Florent
Valentine Mizzi, Zoe Dugardyn, Caroline Collet, comédiennes dans la pièce d’Arrabal,
« Les Neuf fiancées du Topor »
avec des costumes et des masques maison inédites
(ad majorem Pan gloriam).
Paris, Provence, festivals, pays limitrophes et autre-monde
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Topor a été fidèle à ses neuf fiancées et à ses neuf pièces de théâtre. Il ne savait pas mentir. C’était d’après lui son plus grand défaut.
– «Que fais-tu à Rome [Juvénal] toi qui ne sais pas mentir?»
…une fiancée était si intelligente et si communiste ! Avec la tête de Hegel et les rêves de Tysson. C’était une créature si enjouée et masculine. Topor prétendait qu’elle était capable de supporter sa présence, de plaisanter, de lui tenir des propos de femme fatale ou de camionneur en manque. Il écrivit une pièce.
…une fiancée aimait le sport. Elle s’installait dans la baignoire tandis qu’il l’écoutait assis sur le bidet, oubliant la guerre, tout ! Il n’était pas trop loin de l’Eden ou d’un tank même si l’idée de compétition, y compris dans le sport, lui paraissait crapuleuse. Il écrivit une pièce.
…une fiancée était fascinée par Lacan, Freud et la psychanalyse. Parfois, elle et lui allongés sur le lit, presque heu-reux, il l’écoutait comme s’il la recevait en morse. Elle était obscène. Vertigineusement, comme un garçon manqué. Il écrivit une pièce.
…une fiancée souhaitait avoir une réussite de chanteuse star du rock. Elle aurait été son homme d’affaires sans sensiblerie pour connaître le succès. Il écrivit une pièce.
[Le point commun de toutes ces fiancées c’étaient l’intelligence et une grâce de joueur de baseball avec des ballerines aux ailes d’écume. Il écrivit plusieurs dialogues]
…une fiancée avait un corps de scaphandrier et courait pieds nus dans le couloir de son appartement. Elle lui a dit par deux fois, le premier soir, avant d’attraper sa bite comme un homme : «seuls les gens stupides s’attachent à une idée sans jamais en changer». Elle a pensé à leur séparation dès les premiers moments. Elle n’avait connu qu’un seul panneau de signalisation : «attention à l’amour». Il écrivit une pièce.
…une fiancée lisait et aimait Milton et Spinoza… en même temps. Quand on l’entendait parler de Milton on aurait dit qu’elle mettait sa petite tête dans la gueule de son énorme lion. Elle restait là, tout heureuse, à déclamer son monologue d’actrice. Il écrivit une pièce.
…une fiancée brièvement et par téléphone l’a informé qu’elle avait loué une chambre ailleurs, loin de lui. Comme d’autres l’avaient déjà fait… pour préserver son identité. Il écrivit une pièce.
…une fiancée a été peinte par lui, un serpent enroulé autour d’une jambe, et la tête pointée vers le pubis du désir. Il acceptait le destin et la séparation comme un stoïcien-sans-frontières. Il écrivit une pièce.
…une fiancée était tombée en parachute, les lèvres accueillantes, dans son propre lit. Il écrivit une pièce.
– A chacune des séparations qu’il a vécues, il m’a toujours semblé que c’était comme s’il découvrait ce moment pour «la première fois». Il écrivit une pièce.
– Mais… qu’est-ce que c’est que cette litanie que le «personnage» de ton dessin écrit… sur l’oreiller de sa fiancée…?
…n’importe quoi, Arrabal. Une chose vraiment sans importance aucune.
… «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime» «je t’aime». Il écrivit une pièce.
Topor a été le meilleur ami de beaucoup d’entre nous. Pour certains, depuis quarante ans, il a été le premier. Nous tous (ses amis étrangers) avec lui perdions notre accent… et nos racines. Et nous récupérions nos jambes, nos rires et nos palais. Topor avec qui nous avons tant aimé et avec qui nous nous sommes tant amusés ! Grâce à lui le mouvement panique a été une fête constante. Le destin nous a accordé la chance imméritée de connaître André Breton, Picasso, Beckett, Dali, Ionesco, Duchamp et de nombreux êtres d’exception. Malgré leur talent aucun d’eux n’a montré tant de clairvoyante intelligence, de joyeuse générosité, d’éblouissante créativité, et dans tous les domaines ! Comment avons-nous pu vivre sans lui ? Il est parti vers le grand soleil. Bien sûr ! Tout l’univers bénéficie de son humour ? de son génie ? Je suis sûr qu’il aurait aimé que nous disions maintenant au théâtre : A tout à l’heure, au bistro ! «Champagne pour tous!»