Lettre d’amour (comme un supplice chinois) de Fernando Arrabal.Dans ce texte à la beauté poignante, écrit en 1999, l’auteur revient sur l’incarcération de son père par les troupes franquistes et sa disparition mystérieuse. Accusant sa mère de l’avoir livré à la milice, Fernando Arrabal retient avec elle une correspondance nourrie où il exprime, par delà les années et les ressacs de l’Histoire, tout l’amour qu’il a gardé pour elle, et toute la rancune qu’il n’a su étouffer. Évoluent pour tisser avec leur fils la trame d’un dialogue à la fois poétique et violent.La mère de Fernando Arrabal vient de recevoir la première lettre de son enfant depuis dix-huit ans. Lui, si plein de dévotion pour elle, avait brisé les liens qui les unissaient. Le père, condamné à mort au début de la guerre civile espagnole, avait-il été dénoncé par son épouse ? Pour protéger son fils ? L’histoire, « cette marâtre », était-elle responsable de cette tragédie ? Elle les avait plongés, tous trois enchaînés, au fond d’un puits, « comme dans un supplice chinois ». Lettre d’amour, créée au National Theatre of Israël, a été accueillie triomphalement partout dans le monde, et particulièrement au Centro Dramatico Nacional d’Espagne où la pièce a reçu une douzaine de prix, et où elle est jouée sans interruption depuis 2001. Un théâtre fou, brutal, clinquant, joyeux (. ). Arrabal hérite de la lucidité d’un Kafka et de l’humour d’un Jarry ; il s’apparente, dans sa violence, à Sade ou à Artaud. Mais il est sans doute le seul à avoir poussé la dérision aussi loin. Le rire devient alors un rituel d’évasion, une catharsis capable de déjouer la peur qui hanta l’enfance du dramaturge. Il y a là une énergie cannibale, un hédonisme de la confusion. (. )joyeusement ludique, révoltée et bohème, l’oeuvre d’Arrabal est le syndrome de notre siècle de barbelés et de goulags : une façon de se maintenir en sursis. Dictionnaire des littératures de langue française (Editions Larousse-Bordas, Paris, 1998).