Oraison by Fernando Arrabal
from French to Persian by Milad Esmzadeh.
(In recently years, the translation of this book has  republished again in Iran.  Of course is  possible for us  to have the opportunity to begin my translation with your precious play.)
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« …une œuvre empreinte du sentiment de nouveauté et de tendresse de Fernando Arrabal. Auteur espagnol installé à Paris et rédigeant dans la langue de Molière, Arrabal,  remet sur le devant de la scène, les préoccupations métaphysiques d’un poète  qui s’est voulu aussi citoyen du monde. Cette œuvre toute en contestation et folie d’un imaginaire moderne débridé, jette la lumière,  sur la déperdition humaine… Dans sa version anglaise Oraison est devenue Oration . Pièce très  étrange et comique dans ses paradoxes, contradictions corrosives et dérangeants… Oraison donc funèbre, ample et majestueuse, où la langue française tonne comme des orgues. Avec un couple drôlement assorti et joignant les antipodes de l’esthétique humaine.  Du chapiteau (comme le ciel !) pendent en fil de plastique de grosses clefs en carton. Au milieu de la lumière un petit cercueil, une pierre tombale et un arbre  garni de cloportes et de scorpions comme un sapin de Noël serait couvert d’escarboucles et de confettis….de quoi  émerveiller. Le ton est donné! Et s’éveillent ces deux personnages dormis dans des menottes qu’ils vont rapidement jeter aux orties. Et se déroule un discours délirant, surréaliste où faire du bien, constamment, reste une punition insupportable pour ces deux êtres… Oui, le paradis peut toujours attendre… Art dramatique profondément fondé sur un  discours, des personnages  et des situations nouvelles, c’est ainsi que se présente l’œuvre de Fernando Arrabal, admirateur de Kafka, Goya, Lewiss Carroll et Artaud. Les deux acteurs   donnent vie à un texte génial et  des personnages  si consistants!  La pièce  d’Arrabal et son enjeu a  gagné. .. » : Louis Khadarjean.
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Oraison

by Fernando Arrabal

DRAME MYSTIQUE

EN SCÈNE

Les deux personnages : Fidio et Lilbé, homme et femme.

Un cercueil d’enfant, noir.

Quatre cierges.

Un crucifix de fer.

Au fond, un rideau noir.

(La pièce ne comprend qu’un seul tableau.)

Obscurité. Faibles vagissements d’un nouveau-né pendant un moment. Soudain, cri perçant du bébé, suivi aussitôt d’un silence.

FIDIO. – A partir d’aujourd’hui, nous serons bons et purs. LILBÉ. – Que t’arrive-t-il ? FIDIO. – Je dis qu’à partir d’aujourd’hui, nous serons bons et purs comme les anges. LILBÉ. – Nous ? FIDIO. – Oui. LILBÉ. – On ne pourra pas. FIDIO. – Tu as raison. (Un temps.) Ce sera très difficile. (Un temps.) On essaiera. LILBÉ. – Comment ? FIDIO. – En observant la loi du Seigneur. LILBÉ. -Je l’ai oubliée. FIDIO. – Moi aussi. LILBÉ. – Alors, comment allons-nous faire ? FIDIO. – Pour savoir ce qui est bien et mal ? LILBÉ. -Oui. FIDIO. – J’ai acheté la Bible. LILBÉ. – Et ça suffit ? FIDIO. – Oui, ça nous suffira. LILBÉ. – Nous serons des saints. FIDIO. – C’est trop demander. (Un temps.) Mais on peut essayer. LILBÉ. – Ça va être tout différent. FIDIO. – Oui, très. LILBÉ. – Comme ça, en ne s’ennuiera pas, comme maintenant. FIDIO. – Et puis ce sera très beau. LILBÉ. -Tu es sûr ? FIDIO. – Oui sans doute. LILBÉ. – Lis-moi un peu le livre. FIDIO. -La Bible ? LILBÉ. – Oui. FIDIO, lisant. – “Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. ” (Enthousiaste.) Comme c’est joli. LILBÉ. – Oui, c’est très joli. FIDIO, lisant. – “ Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu dit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le premier jour. ” LILBÉ. – Tout a commencé comme ça ? FIDIO. – Oui. Tu vois comme c’est simple. LILBÉ. – Oui, on me l’avait expliqué d’une façon beaucoup plus compliquée. FIDIO. – Les histoires de cosmos ? LILBÉ, souriant. – Oui. FIDIO, souriant. – A moi aussi. LILBÉ, souriant. – Et aussi l’évolution. FIDIO. – Quelles drôles de choses ! LILBÉ. – Lis-m’en encore un peu. FIDIO, lisant. – “ L’éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses mains un souffle de vie et l’homme devint un être vivant ! ” (Un temps.) “ Alors l’Eternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme qui s’endormit ; il prit une des ses côtes, et referma la chair à sa place. L’Eternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme. ”

Fidio et Lilbé s’embrassent.

LILBÉ, inquiète. – Et on pourra coucher ensemble comme avant ? FIDIO. – Non. LILBÉ. – Il faudra que je dorme toute seule alors ? FIDIO. – Oui. LILBÉ. – Mais je vais avoir très froid. FIDIO. – Tu t’y habitueras. LILBÉ. – Et toi ? Tu ne vas pas avoir froid ? FIDIO. – Si, moi aussi. LILBÉ. – Alors, on ne se disputera pas comme lorsque tu prends tout le drap ? FIDIO. – Bien sûr. LILBÉ. – En voilà une affaire difficile, la bonté. FIDIO. – Oui, très. LILBÉ. – Je pourrai mentir ? FIDIO. – Non. LILBÉ. – Même pas faire des petits mensonges ? FIDIO. – Même pas. LILBÉ. – Et voler des oranges à l’épicière ? FIDIO. – Non plus. LILBÉ. – On ne pourra pas aller, s’amuser, comme avant au cimetière ? FIDIO. – Si pourquoi pas ? LILBÉ. – Et crever les yeux des morts, comme avant. FIDIO. – Ça, non. LILBÉ. – Et tuer ? FIDIO. – Non. LILBÉ. – Alors, on va laisser les gens continuer à vivre ? FIDIO. – Evidemment. LILBÉ. – Tant pis pour eux. FIDIO. – Est-ce que tu ne te rends pas compte de ce qu’il faut faire pour être bon ? LILBÉ. -Non. (Un temps). Et toi ? FIDIO. – Pas très bien. (Un temps.) Mais j’ai le livre, comme ça je saurai. LILBÉ. – Toujours le livre. FIDIO. – Toujours. LILBÉ. – Et qu’arrivera-t-il ensuite ? FIFIO. – On ira au ciel. LILBÉ. – Tous les deux ? FIDIO. – Si nous avons une bonne conduite, tous les deux, oui. LILBÉ. – Et que ferons-nous au ciel ? FIDIO. – On s’amusera. LILBÉ. – Toujours ? FIDIO. – Oui, toujours. LILBÉ, incrédule. – Ce n’est pas possible. FIDIO. – Si, si, c’est possible. LILBÉ. – Pourquoi ? FIDIO. -Parce que Dieu est tout-puissant, Dieu fait des choses impossibles. Des miracles. LILBÉ. – Ça alors ! FIDIO. – Et de la façon la plus simple. LILBÉ. – Moi, à sa place, j’en ferais autant. FIDIO. – Ecoute ce que dit la Bible : “ On amena vers Jésus un aveugle qu’on le pria de toucher. Il prit l’aveugle par la main et le conduisit hors du village ; puis il lui mit de la salive sur les yeux, lui imposa les mains, et lui demanda s’il voyait quelque chose. Il regarda et dit : j’aperçois les hommes, mais je vois comme des arbres et qui marchent. Jésus lui mit de nouveau les mains sur les yeux, et quand l’aveugle le regarda fixement, il fut guéri et vit tout distinctement. ” LILBÉ. – Comme c’est joli. FIDIO. – Il disait qu’il fallait être bon. LILBÉ. -Alors nous serons bons. FIDIO. – Et qu’il faudrait être semblable aux enfants. LILBÉ. – Comme des enfants ? FIDIO. – Oui, purs comme des enfants. LILBÉ. – C’est difficile. FIDIO. – On essaiera. LILBÉ. -Pourquoi as-tu pris cette manie maintenant ? FIDIO. – J’en avais assez. LILBÉ. – Seulement pour ça ? FIDIO. – Et puis c’était très laid ce que nous avons fait jusqu’à présent. LILBÉ. – Et qu’est-ce que c’est cette histoire de ciel ? FIDIO. – C’est là que nous irons après notre mort. LILBÉ. – Si tard ? FIDIO. – Oui. LILBÉ. – On ne peut pas y aller plus tôt ? FIDIO. – Non. LILBÉ. – Ce n’est pas drôle. FIDIO. – Oui, c’est le plus ennuyeux. LILBÉ. – Et que ferons-nous au ciel ? FIDIO. – Je te l’ai déjà dit : on s’amusera. LILBÉ. – Je voudrais te l’entendre dire encore une fois. (Un temps.) Ça semble impossible. FIDIO. – Nous serons comme les anges. LILBÉ. – Comme les bons ou comme les autres ? FIDIO. – Les autres ne vont pas au ciel, les autres ce sont les démons et ils vont en enfer. LILBÉ. – Et qu’est-ce qu’ils y font ? FIDIO. – Ils souffrent beaucoup : ils brûlent. LILBÉ. – En voilà un changement ! FIDIO. – Ces anges-là étaient très mauvais et ils se sont révoltés contre Dieu. LILBÉ. – Pourquoi ? FIDIO. – Par orgueil. Ils voulaient être plus que Dieu. LILBÉ. -Ils exagéraient ! FIDIO. – Oui, beaucoup. LILBÉ. – Nous, nous nous contentons de beaucoup moins. FIDIO. – Oui, de beaucoup moins. LILBÉ. – Dis, je veux commencer tout de suite à être bonne. FIDIO. – On commence à l’instant même. LILBÉ. – Comme ça, sans transition ? FIDIO. – Oui. LILBÉ. – Personne ne va s’en apercevoir. FIDIO. – Si, Dieu s’en apercevra. LILBÉ. – C’est sûr ? FIDIO. – Oui, Dieu voit tout. LILBÉ. – Il voit même quand je fais pipi ? FIDIO. – Oui, même ça. LILBÉ. – Je vais avoir honte maintenant. FIDIO. – Dieu marque avec des lettres d’or dans un très beau livre tout ce que tu fais de bien et dans un livre très vilain avec une écriture très laide tous tes péchés. LILBÉ. – Je serai bonne. Je veux qu’il écrive toujours avec des lettres d’or. FIDIO. – Tu ne dois pas être bonne seulement pour ça. LILBÉ. – Pour quoi d’autre ? FIDIO. – Pour ton bonheur. LILBÉ. -Quel bonheur ? FIDIO. -Pour être heureuse. LILBÉ. – Je pourrai être heureuse aussi en étant bonne ? FIDIO. – Oui, aussi. LILBÉ. – Est-ce que le bonheur existe ? FIDIO. – Oui. (Un temps.) On le dit. LILBÉ. triste, – Et ce que nous avons fait avant ? FIDIO. – Cc que nous avons fait de mal ? LILBÉ. – Oui. FIDIO. – Il faudra le confesser. LILBÉ. – Tout ? FIDIO. – Oui, tout. LILBÉ. – Et aussi que tu me déshabilles pour que tes amis couchent avec moi ? FIDIO. – Oui, ça aussi. LILBÉ, triste. – Et aussi… que nous avons tué ? (Elle montre le cercueil.) FIDIO. – Oui, aussi. (Un temps triste.) Nous n’aurions pas dû le tuer. (Un temps.) Nous sommes mauvais. Il faut être bon. LILBÉ, triste. – On l’a tué pour la même raison. FIDIO. – La même raison ? LILBÉ. – Oui, on l’a tué pour s’amuser. FIDIO. – Oui. LILBÉ. – Et on ne s’est amusé qu’un instant. FIDIO. – Oui. LILBÉ. – Si on essaie d’être bon, ça ne sera pas la même chose ? FIDIO. – Non, ça c’est plus complet. LILBÉ. – Plus complet ? FIDIO. – Et plus joli. LILBÉ. – Et plus joli ? FIDIO. – Oui, tu sais comment est né le fils de Dieu ? (Un temps.) C’est arrivé il y a très longtemps. Il est né dans une crèche très pauvre de Bethléem et comme il n’avait pas d’argent pour se chauffer, une vache et un âne le réchauffaient de leur haleine. Et comme la vache était toute contente de servir Dieu elle faisait meuh-meuh. Et l’âne brayait. Et la maman de l’enfant, qui était la mère de Dieu, pleurait, et son mari la consolait. LILBÉ. – Ça me plaît beaucoup. FIDIO. – A moi aussi. LILBÉ. – Et que lui est-il. arrivé, à l’enfant ? FIDIO. – Il ne disait rien, bien qu’il fût Dieu. Et comme les hommes étaient méchants ils ne lui ont presque rien donné à manger. LILBÉ. – En voilà des gens ! FIDIO. – Mais un jour dans un royaume très lointain des rois qui étaient très bons ont vu une étoile qui glissait, accrochée au ciel. Ils l’ont suivie. LILBÉ. Qui étaient ces rois ? FIDIO. – C’étaient Melchior, Gaspard et Balthazar. LILBÉ. – Ceux qui mettent les jouets dans les souliers ? FIDIO. – Oui. (Un temps). Et les voilà qui suivaient l’étoile et qui la suivaient ; enfin, ils sont arrivés un jour à la crèche de Bethléem. Alors ils ont offert à l’enfant tout ce qu’ils portaient sur leurs chameaux : beaucoup de jouets et de bonbons et aussi du chocolat. (Un temps. Ils sourient avec enthousiasme.) Ah, j’oubliais, ils lui ont offert aussi de l’or, de la myrrhe et de l’encens. LILBÉ. – Que de choses ! FIDIO. – Alors l’enfant a été très content et ses parents aussi et la vache et l’âne. LILBÉ. – Et ensuite qu’est-il arrivé ? FIDIO. – Ensuite l’enfant a aidé son père qui était charpentier à faire des tables et des chaises. Comme il était très sage sa maman l’embrassait souvent. LILBÉ. – Un enfant pas comme les autres. FIDIO. – Il était Dieu. LILBÉ. – Oui, c’est vrai… FIDIO. – Ce qui était bien c’est qu’alors il ne faisait aucun miracle pour manger mieux ou s’acheter des habits chers. LILBÉ. – Et qu’est-il arrivé ? FIDIO. – Ensuite, il s’est fait homme, et ils l’ont tué : ils l’ont crucifié, avec des clous aux mains et aux pieds. Tu te rends compte ? LILBÉ, contente. – Ça devait faire très mal ? FIDIO. – Oui, beaucoup. LILBÉ. – Il devait beaucoup pleurer ? FIDIO. – Non, pas du tout. Il se retenait. D’ailleurs pour mieux se moquer de lui ils l’ont mis entre deux larrons. LILBÉ. – Des larrons mauvais ou sympathiques ? FIDIO. – Des mauvais, des pires, les deux plus mauvais qu’ils ont pu trouver. LILBÉ. – Ça c’est mal ! FIDIO. – Ah ! et puis ne voilà-t-il pas qu’un des deux larrons était plutôt un imposteur ! Un individu qui trompait son monde. LILBÉ. – Qui trompait son monde ? FIDIO. – Oui, il avait fait croire qu’il était méchant et tout à coup on s’aperçoit qu’il était bon. LILBÉ. – Et que s’est-il passé ? FIDIO. – Eh bien Dieu est mort sur la croix. LILBÉ. – Oui ? FIDIO. – Oui. Mais il a ressuscité le troisième jour. LILBÉ, contente. – Ah ! FIDIO. – Et tous se sont rendu compte alors qu’il disait vrai. LILBÉ, enthousiaste. – Je veux être bonne. FIDIO. – Moi aussi. LILBÉ. – Tout de suite. FIDIO. – Oui, tout de suite. LILBÉ. – Je veux être comme l’enfant qui est né dans la crèche. FIDIO. — Moi aussi.

Fidio prend les mains de Lilbé dans les siennes.

LILBÉ, inquiète. – Et comment passerons-nous le temps ? FIDIO. – A faire des bonnes actions. LIILBE. – Tout le temps ? FIDIO. – Enfin, presque tout le temps. LILBÉ. – Et les autres jours ? FIDIO. – On peut aller au zoo. LILBÉ. – Pour voir les choses du singe ? FIDIO. – Non. (Un temps.) Pour voir les poules et les pigeons. LILBÉ. – Et qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? FIDIO. – On jouera de l’ocarina. LILBÉ. – Le l’ocarina ? FIDIO. – Oui. LILBÉ. – Bon. (Un temps.) Ce n’est pas mal ? FIDIO réfléchit. – Non. Je ne crois pas. LILBÉ. – Et comment ferons-nous pour être vraiment bons ? FIDIO. – Tu vas comprendre. Si on voit que quelque chose gêne quelqu’un, on ne le fera pas. Si on voit que quelque chose ferait plaisir à quelqu’un, on le fait. Si on voit qu’un pauvre vieux paralysé n’a personne, eh bien on va lui rendre visite. LILBÉ. – On ne le tue pas ? FIDIO. – Non. LILBÉ. – Pauvre vieux ! FIDIO. – Mais tu ne comprends pas qu’on ne peut plus tuer. LILBÉ. – Ah ! Continue. FIDIO. – Si on Voit qu’une femme porte une lourde charge, on l’aide. (Voix de juge.) Si on voit que quelqu’un commet une injustice, on la répare. LILBÉ. -Les injustices aussi ? FIDIO. – Oui, aussi. LILBÉ, satisfaite. – On va être des gens importants. FIDIO. – Oui, très. LILBÉ, inquiète. – Et comment saurons-nous si c’est une injustice ? FIDIO. – On verra ça au jugé.

Silence.

LILBÉ. – Ça va être ennuyeux.

Silence. Fidio est découragé.

LILBÉ. – Ça va être comme le reste.

Silence.

LILBÉ. – On va s’en lasser aussi.

Silence.

FIDIO. – On essaiera.

Au loin on entend “ Black and Blue” de Louis Amstrong.

RIDEAU

« …influencés par Aristote, « le rire est le propre de l’homme », mais quel est le contenu du RIRE, ? jugement sur les faiblesses humaines, mépris, orgueil, vanité ?. Non Il y a d’autres noms qui forcerons et clarifierons le RIRE …comme plaisir, désir, bonheur…l’autre vie, la vie légère de Spinoza, a Voltaire,  Ionesco, Arrabal, Queneau, etc… »

Fernando Arrabal – Oración

 

 

 

Oración
por Fernando Arrabal
 
PERSONAJES:
FIDO y LILBE, hombre y mujer
Un ataúd negro de niño. Cuatro velas. Un Cristo de hierro. Una cortina negra de fondo. Esta obra tiene un solo cuadro. 
 
Oscuridad. Llanto de un recién nacido. De pronto, grito terrible del bebé, seguido inmediatamente del silencio.
FIDIO.–Desde hoy seremos buenos y puros.
LILBE.–¿Qué te pasa?
FIDIO.–Digo que desde hoy seremos buenos y puros como los ángeles.
LILBE.–¿Nosotros?
FIDIO.–Sí.
LILBE.–No vamos a poder.
FIDIO.–Tienes razón. (Pausa.) Será muy difícil. (Pausa.) Lo intentaremos.
LILBE.–¿Cómo?
FIDIO.–Cumpliendo la ley de Dios.
LILBE.–Se me ha olvidado.
FIDIO.–A mí también.
LILBE.–Entonces, ¿cómo vamos a hacer?
FIDIO.–¿Para saber qué es bueno y qué es malo?
LILBE.–Sí.
FIDIO.–He comprado la Biblia.
LILBE.–¿Eso basta?
FIDIO.–Sí, nos bastará.
LILBE.–¿Seremos santos?
FIDIO.–Eso es demasiado. (Pausa.) Pero lo podemos intentar.
LILBE.–Va a ser muy diferente.
FIDIO.–Sí, mucho.
LILBE.–Así no nos aburriremos como ahora.
FIDIO.–Además, hará muy bonito.
LILBE.–¿Estás seguro?
FIDIO.–Sí, sin duda.
LILBE.–Léeme un poco del libro.
FIDIO.–¿De la Biblia?
LILBE.–Sí.
FIDIO.–(Leyendo.) “En el principio Dios creó el cielo y la tierra.” (Entusiasmado.) ¡Qué bonito!
LILBE.–Sí, es muy bonito.
FIDIO.–(Leyendo.) «Dios dijo: “Que la luz sea”. Y la luz fue. Dios vio que la luz era buena y separó la luz de las tinieblas. Dios llamó a la luz Día, y a las tinieblas, Noche. La noche llegó después de la mañana: esto fue el primer día.»
LILBE.–¿Así comenzó todo?
FIDIO.–Sí. Ves qué sencillo y qué bonito.
LILBE.–Sí. Me lo habían explicado de una forma mucho más complicada.
FIDIO.–¿Lo del cosmos?
LILBE.–(Sonríe.) Sí.
FIDIO.–(Sonríe.) A mí también.
LILBE.–(Sonríe.) Y también lo de la evolución.
FIDIO.–¡Qué cosas!
LILBE.–Léeme un poco más.
FIDIO.–(Leyendo.) «Dios hizo al hombre de barro. Luego le inspiró en la nariz un espíritu de vida y el hombre se convirtió en un ser viviente.» (Pausa.) «Entonces el Señor hizo dormir profundamente al hombre. Cuando estuvo dormido le quitó una costilla; el hueco que hizo lo tapó con carne. Con esta costilla que había quitado al hombre, Dios hizo a la mujer.»
FIDO y LILBE se besan.
LILBE.–(Intranquila.) ¿Y nos podremos acostar juntos como antes?
FIDIO.–No.
LILBE.–¿Tendré que dormir sola entonces?
FIDIO.–Sí.
LILBE.–Voy a tener mucho frío.
FIDIO.–Te acostumbrarás.
LILBE.–¿Y tú? ¿No vas a tener frío?
FIDIO.–Sí, también.
LILBE.–Así no reñiremos cuando te lleves tú toda la sábana.
FIDIO.–Claro.
LILBE.–La bondad. Fue cosa tan difícil.
FIDIO.–Sí, muy difícil.
LILBE.–¿Podré mentir?
FIDIO.–No.
LILBE.–¿Ni siquiera mentiras pequeñas?
FIDIO.–Ni siquiera.
LILBE.–¿Y robar naranjas a la mujer del puesto?
FIDIO.–Tampoco.
LILBE.–¿No podremos ir a divertirnos, como antes, al cementerio?
FIDIO.–Sí, ¿por qué no vamos a poder?
LILBE.–¿Y podremos pinchar a los muertos en los ojos, como antes?
FIDIO.–Eso no.
LILBE.–¿Y matar?
FIDIO.–No.
LILBE.–¿Entonces es que vamos a dejar que la gente siga viviendo?
FIDIO.–Claro.
LILBE.–Peor para ellos.
FIDIO.–¿No te das cuenta de lo que es un ser bueno?
LILBE.–No. (Pausa.) ¿Y tú?
FIDIO.–No muy bien. (Pausa.) Pero tengo el libro. Así lo sabré.
LILBE.–Siempre con el libro.
FIDIO.–Siempre.
LILBE.–¿Y qué pasará luego?
FIDIO.–Iremos al cielo.
LILBE.–¿Los dos?
FIDIO.–Si los dos nos portamos bien, sí.
LILBE.–¿Y qué haremos en el cielo?
FIDIO.–Divertirnos.
LILBE.–¿Siempre?
FIDIO.–Sí, siempre.
LILBE.–(Incrédula.) No es posible.
FIDIO.–Sí, sí es posible.
LILBE.–¿Por qué?
FIDIO.–Porque Dios es todopoderoso. Dios hace cosas imposibles. Milagros.
LILBE.–¡Vaya!
FIDIO.–Y además de la forma más sencilla.
LILBE.–Yo en su caso haría lo mismo.
FIDIO.–Mira lo que dice la Biblia: «A Jesús, el Hijo de Dios, se le llevó un ciego para que le sanara. Jesús le puso saliva sobre los ojos y le preguntó: “¿Ves algo?” El ciego, mirando, dijo: “Veo los hombres, también veo los árboles como si anduvieran”. Inmediatamente Jesús le puso de nuevo las manos sobre los ojos, el ciego vio claramente y fue curado y distinguía perfectamente de lejos».
LILBE.–Qué bonito.
FIDIO.–Él dijo que debíamos ser buenos.
LILBE.–Entonces seremos buenos.
FIDIO.–Y que deberíamos ser como niños.
LILBE.–¿Como niños?
FIDIO.–Sí, puros como niños.
LILBE.–Qué difícil.
FIDIO.–Lo intentaremos.
LILBE.–¿Por qué te ha dado esta manía ahora?
FIDIO.–Me canso.
LILBE.–¿Sólo por eso?
FIDIO.–Además lo que hacíamos hasta ahora era muy feo.
LILBE.–¿Y eso del cielo qué será?
FIDIO.–Es el sitio al que iremos después de muertos.
LILBE.–¿Tan tarde?
FIDIO.–Sí.
LILBE.–¿No se puede ir antes?
FIDIO.–No.
LILBE.–Pues vaya gracia.
FIDIO.–Sí, eso es lo peor.
LILBE.–¿Y qué haremos en el cielo?
FIDIO.–Ya te lo he dicho: divertirnos.
LILBE.–Quería oírtelo otra vez. (Pausa.) Parece imposible.
FIDIO.–Seremos como los ángeles.
LILBE.–¿Como los buenos o como los otros?
FIDIO.–Los otros no están en el cielo. Los otros son los demonios y están en el infierno.
LILBE.–¿Y qué hacen allí?
FIDIO.–Sufren mucho, se queman.
LILBE.–Pues vaya cambio.
FIDIO.–Es que esos ángeles fueron muy malos y se rebelaron contra Dios.
LILBE.–¿Por qué?
FIDIO.–Por orgullo. Querían ser más que Dios.
LILBE.–Qué exagerados.
FIDIO.–Sí, mucho.
LILBE.–Nosotros nos conformaremos con mucho menos. Oye, quiero comenzar a ser buena enseguida.
FIDIO.–Ahora mismo empezaremos.
LILBE.–¿Así sin más?
FIDIO.–Sí.
LILBE.–Nadie se va a dar cuenta.
FIDIO.–Sí, se dará cuenta Dios.
LILBE.–¿Es cierto?
FIDIO.–Sí, Dios lo ve todo.
LILBE.–¿Incluso ve cuando orino?
FIDIO.–Sí, incluso.
LILBE.–Me va a dar mucha vergüenza desde ahora.
FIDIO.–Dios apunta con letras de oro en un libro muy bonito las cosas buenas que haces y en un libro muy malo y con letra muy fea los pecados.
LILBE.–Seré buena. Quiero que escriba siempre con letras de oro.
FIDIO.–No sólo debes ser buena por eso.
LILBE.–¿Por qué más?
FIDIO.–Por lo de la felicidad.
LILBE.–¿Qué de la felicidad?
FIDIO.–Por ser feliz.
LILBE.–¿También podré ser feliz con eso de ser buena?
FIDIO.–Sí, también.
LILBE.–¿Es que eso de la felicidad existe?
FIDIO.–Sí. (Pausa.) Eso dicen.
LILBE.–(Triste.) ¿Y de lo que hemos hecho antes, qué?
FIDIO.–¿Lo que hemos hecho malo?
LILBE.–Sí.
FIDIO.–Nos tendremos que confesar.
LILBE.–¿Todo?
FIDIO.–Sí, todo.
LILBE.–¿También que tú me desnudas para que tus amigos se acuesten conmigo?
FIDIO.–Sí, eso también.
LILBE.–(Triste.) ¿Y también… que le hemos matado? (Señala el ataúd.)
FIDIO.–Sí, también. (Pausa triste.) No deberíamos haberle matado. (Pausa.) Somos malos. (Pausa.) Tenemos que ser buenos.
LILBE.–(Triste.) Lo matamos por lo mismo.
FIDIO.–¿Por lo mismo?
LILBE.–Sí, lo matamos para divertirnos.
FIDIO.–Sí.
LILBE.–Y no nos divertimos nada más que un momento.
FIDIO.–Sí.
LILBE.–Con esto de ser buenos ¿no pasará lo mismo?
FIDIO.–No, esto es más completo.
LILBE.–¿Más completo?
FIDIO.–Y más bonito.
LILBE.–¿Y más bonito?
FIDIO.–Sí, ¿sabes cómo nació el Hijo de Dios? (Pausa.) Ocurrió hace muchos años. Nació en un portal muy pobre de Belén y como no tenía dinero para la calefacción, una vaquita y un burrito le calentaban con el aliento que le echaban. Además, como la vaquita estaba muy contenta de servir a Dios, hacía «mu, mu» y el burrito relinchaba. Y la mamá del Niño, que era la Madre de Dios, lloraba y su marido la consolaba.
LILBE.–Eso me gusta mucho.
FIDIO.–A mí también.
LILBE.–¿Y qué le pasó al Niño?
FIDIO.–Él no dijo nada a pesar de que era Dios. Por eso, como los hombres eran malos, no le dieron casi de comer.
LILBE.–Vaya gente.
FIDIO.–Pero un día, en un reino muy lejano, unos reyes que eran muy buenos vieron una estrellita colgada del cielo que se movía. Ellos la siguieron.
LILBE.–¿Quiénes eran esos reyes?
FIDIO.–Eran Melchor, Gaspar y Baltasar.
LILBE.–¿Los de los juguetes y los zapatos?
FIDIO.–Sí. (Pausa.) Y venga a seguir la estrella, y venga a seguirla, hasta que un día llegaron al portal de Belén. Entonces le regalaron al Niño todo lo que llevaban en los camellos: muchos juguetes y caramelos y también chocolate. (Pausa. Sonríen entusiasmados.) ¡Ah! Se me olvidaba. También le regalaron oro, incienso y mirra.
LILBE.–¡Qué cosas!
FIDIO.–Así el Niño se puso muy contento y sus papás también, y también la vaquita y el burrito.
LILBE.–¿Y luego qué pasó?
FIDIO.–Luego el Niño ayudó a su padre, que era carpintero, a hacer sillas y mesas. Como era muy bueno su mamá le daba muchos besos.
LILBE.–¡Qué niño tan diferente!
FIDIO.–Era Dios.
LILBE.–Si es así…
FIDIO.–Lo bueno es que no hiciera ningún milagro entonces, para comer mejor o para tener trajes caros.
LILBE.–¿Y qué pasó?
FIDIO.–Luego se hizo hombre y le mataron: le crucificaron con clavos en los pies y en las manos. ¿Te das cuenta?
LILBE.–(Contenta.) Vaya daño que le harían.
FIDIO.–Sí, mucho.
LILBE.–Lloraría mucho.
FIDIO.–No, nada. Se contenía. Además, para mayor escarnio le pusieron en medio de dos ladrones.
LILBE.–¿De los malos o de los simpáticos?
FIDIO.–De los malos, de los más malos que había, los dos peores que había entonces.
LILBE.–Eso sí que está mal.
FIDIO.–¡Ah! Luego resultó que uno de los ladrones era más bien de pega. Un tío tramposo.
LILBE.–¿Tramposo?
FIDIO.–Sí, había hecho creer que era malo y luego resultaba que era bueno.
LILBE.–¿Y qué pasó?
FIDIO.–Pues que Dios murió en la cruz.
LILBE.–¿Sí?
FIDIO.–Sí. Pero al tercer día resucitó.
LILBE.–(Contenta.) ¡Ah!
FIDIO.–Y con ello todos se dieron cuenta de que lo que él decía era verdad.
LILBE.–(Entusiasmada.) Quiero ser buena.
FIDIO.–Yo también.
LILBE.–Enseguida.
FIDIO.–Sí, enseguida.
LILBE.–Quiero ser como el Niño que nació en el portal…
FIDIO.–Yo también.
(FIDIO coge las manos a LILBE.)
LILBE.–(Intranquila.) ¿Y en qué pasaremos el tiempo?
FIDIO.–En hacer cosas buenas.
LILBE.–¿Todo el tiempo?
FIDIO.–Bueno, casi todo el tiempo.
LILBE.–¿Y en el resto del tiempo?
FIDIO.–Podemos ir a la casa de fieras.
LILBE.–Para ver la cosa del mono.
FIDIO.–No. (Pausa.) Para ver las gallinas y las palomas.
LILBE.–¿Y qué más podremos hacer?
FIDIO.–Tocaremos la ocarina.
LILBE.–¿La ocarina?
FIDIO.–Sí.
LILBE.–Bueno. (Pausa.) ¿No es malo?
FIDIO.–(Reflexiona.) No. No creo.
LILBE.–¿Y cómo haremos para ser buenos totalmente?
FIDIO.–Verás. Que vemos que a alguien le molesta una cosa que hacemos, pues bien, no la haremos. Que vemos que a alguien le gustaría que hiciéramos algo, pues vamos y lo hacemos. Que vemos que un pobre viejo y paralítico no tiene a nadie, pues entonces vamos a visitarlo.
LILBE.–¿No le matamos?
FIDIO.–¡No!
LILBE.–¡Pobre viejo!
FIDIO.–Pero no ves que matar ya no se puede.
LILBE.–¡Ah! Sigue.
FIDIO.–Que vemos que una mujer lleva un gran peso, pues vamos y la ayudamos. (Voz de juez.) Que vemos que se hace una injusticia, pues vamos y la deshacemos.
LILBE.–¿También lo de las injusticias?
FIDIO.–Sí, también.
LILBE.–(Satisfecha.) Vaya tíos tan importantes que vamos a ser.
FIDIO.–Sí, mucho.
LILBE.–(Intranquila.) ¿Y cómo vamos a saber que es una injusticia?
FIDIO.–Lo calcularemos a ojo.
(Silencio.)
LILBE.–Va a ser aburrido.
(Silencio.)
FIDIO.–Va a ser como todo.
(Silencio.)
LILBE.–Acabaremos aburriéndonos también.
(Silencio.)
FIDIO.–Lo intentaremos.
(A lo lejos se oye Black and blue, de Louis Armstrong