Topor me manque toujours davantage… :

Topor a été fidèle à ses neuf fiancées et à ses neuf pièces de théâtre. Il ne savait pas mentir. C’était d’après lui son plus grand défaut.

— Que fais-tu à Rome [Juvénal] toi qui ne sais pas mentir ?

…une fiancée  était si intelligente et si communiste ! Avec la tête de Hegel et les rêves de Tysson. C’était une créature si enjouée et masculine. Topor prétendait qu’elle était capable de supporter sa présence, de plaisanter, de lui tenir des propos de femme fatale ou de camionneur en manque. Il écrivit une pièce

…une fiancée  aimait le sport. Elle s’installait dans la baignoire tandis qu’il l’écoutait assis sur le bidet, oubliant la guerre, tout ! Il n’était pas trop loin de l’Eden ou d’un tank même si l’idée de compétition, y compris dans le sport, lui paraissait crapuleuse. Il écrivit une pièce

…une fiancée était fascinée par Lacan, Freud et la psychanalyse. Parfois, elle et lui allongés sur le lit, presque heu-reux, il l’écoutait comme s’il la recevait en morse.  Elle était obscène. Vertigineusement, comme un garçon manqué. Il écrivit une pièce

…une fiancée souhaitait avoir une réussite de chanteuse star du rock. Elle aurait été son homme d’affaires sans sensiblerie pour connaître le succès. Il écrivit une pièce

[Le point commun de toutes ces fiancées c’étaient l’intelligence et une grâce de joueur de baseball avec des ballerines aux ailes d’écume. Il écrivit plusieurs dialogues]

…une  fiancée avait un corps de  scaphandrier  et courait  pieds nus dans le couloir de son appartement. Elle lui a dit par deux fois, le premier soir, avant d’attraper sa bite comme un homme : « seuls les gens stupides s’attachent à une idée sans jamais en changer ». Elle a pensé à leur séparation dès les premiers moments. Elle n’avait connu qu’un seul panneau de signalisation : « attention à l’amour ». Il écrivit une pièce

…une fiancée lisait et aimait Milton et Spinoza… en même temps. Quand on l’entendait parler de Milton on aurait dit qu’elle mettait sa petite tête dans la gueule de son énorme lion. Elle restait là, tout heureuse, à déclamer son monologue d’actrice. Il écrivit une pièce

…une fiancée brièvement et par téléphone l’a informé qu’elle avait loué une chambre ailleurs, loin de lui. Comme d’autres l’avaient déjà fait… pour préserver son identité. Il écrivit une pièce

…une fiancée a été peinte par lui, un serpent enroulé autour d’une jambe, et la tête pointée vers le pubis du désir. Il acceptait le destin et la séparation comme un stoïcien-sans-frontières. Il écrivit une pièce

…une fiancée était tombée en parachute, les lèvres accueillantes, dans son propre lit. Il écrivit une pièce

A chacune des séparations qu’il a vécues, il m’a toujours semblé que c’était comme s’il découvrait ce moment pour « la première fois ». Il écrivit une pièce

— Mais… qu’est-ce que c’est que cette litanie que le « personnage » de ton dessin écrit… sur l’oreiller de sa fiancée…?

— …n’importe quoi, Arrabal. Une chose vraiment sans importance aucune.

… « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime » « je t’aime ». Il écrivit une pièce

Huile sur toile: 55cm x 100cm , dernier cadeau de Topor
Huile sur toile: 55cm x 100cm , dernier cadeau de Topor

Une lettre (inoubliable) du Canada :

« 13-11-15  …l’hiver n’a pas encore revêtu son manteau blanc mais les arbres nus semblent
faire leur yoga matinal avec une précision météorologique.
Sous la pluie leurs feuilles ornent les trottoirs de la ville.
Le film Patch Adams a été présenté au Festival du Nouveau Cinéma au début octobre.
Mais aucun cinéma ne veut le projeter car il n’a pas le potentiel pour rejoindre un public large.

Je commence le long travail de faire le montage du film avec les magnifiques images de la tribu libre de Christiania. Mon treizième film que je vais encore une fois faire sans argent. C’est mon karma de devoir organiser ces événements sans phynances. Je n’ai pas fait voeu de pauvreté mais on dirait que la pauvreté l’a fait pour moi. Entêté je vais le faire. Mes films seront des bouteilles jetées à la mer afin que des enfants sur un rivage les trouvent et les montrent à leur village.
Des messages d’espoir et de liberté qui sont mis au banc des accusés par ce pouvoir qui refuse l’émancipation vers l’amour et la compassion.
En avril nous prévoyons d’honorer le magnifique clown-poète SOL. Un québécois très touchant avec des mots qui sèment  le doute dans nos tympans incrédules.

Depuis mon retour j’ai sombré dans la tristesse car ma compagne depuis 15 ans m’a annoncé la fin de notre fréquentation en tant que couple. Ce fut un choc mais je travaille très fort pour ne pas descendre aux abîmes. Elle ne me rejette pas et m’offre sa précieuse amitié. Alors je me suis dit que quelques semaines de larmes n’étaient rien à coté de ces merveilleuses quinze années de complicité que nous avons vécu ensemble.
J’émerge lentement de la vallée des morts et reprends la barre de mon voilier, la nef des fous.
Sillonnant les mers intérieures de l’humanité.
Disons que cette quête de lumière me fait voir plein de petits moi qui m’empêchent d’atteindre le ciel.
J’en ai profité pour enlever la poussière accumulée au fond de mon âme.
Je renais de mes cendres comme Blaise Cendrars qui a tant écrit de beaux poèmes :

Rire Poème
Je ris
Tu ris
Nous rions
Plus rien ne compte
Sauf ce rire que nous aimons
Il faut savoir être bête et content.

de Blaise Cendrars… »