Tableaux de Ying Yang

Poème de Fernando Arrabal

 

Museum of China National Academy of Painting
Light of Underground

Coal Mine Art;

expo oct/nov  2013

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Fernando A R R A B A L :

 

Yin Yang connaît les points de concordance,

de relation,

de similitude,

entre la matière et la grâce.

Entre le corps et les nuages du ciel.

Entre la peau et les cailloux

Entre le charbon et le diamant

Entre le vol et la brise.

Entre l’imminence et l’angoisse.

Ses oeuvres,

forment l’image du Firmament.

La dernière heure,

son ultime inspiration,

avec son chagrin muet,

reflète les ombres vives.

Oui, Yin Yang s’éveille

à une pensée nouvelle,

aux déclivités de l’aube.

Je vois le Jardin des Délices

et l’enfer,

et les mines d’antan

dans son oeuvre,

comme si je contemplais un miroir.

Le reflet de toute chose

et celui des montagnes.

Des chatoiements telles des bulles d’écume.

Dans son univers deux mines,

deux mineurs,

ne sont jamais identiques.

A chaque plan distinct de l’existence

correspond un processus interne.

Dans les espaces infinis

de sa création

logent une infinité de mondes.

Dans l’imagination l’espace s’ouvre.

C’est le temps de l’évolution

de l’explosion,

des impulsions en gerbes

du délire dans l’instant plein.

La reine des fourmis.

pond un oeuf toutes les deux secondes

jour et nuit

pendant des semaines,

des mois,

des années.

Elle suscite la mort

et donne la vie à l’infini

comme la création.

Entre l’agitation et le discernement

Elle se demande si la vie

est réalité

ou élan vers la fable.

Quand  Yin Yang crée

il aspire au silence

à la pénombre,

à la rotation

au mouvement absolu

vibration  dans l’abandon impalpable.

Son inspiration lui rappelle l’infini

il perçoit son imagination à son côté

Il la voit passer

Comme un fleuve.

Son oeuvre est son champ de bataille

Il y reste enfermée.

Comme un grillon dans sa cage.

Il se répète, après tant des souffrances:

“Pour avoir soif, il faut déjà s’être désaltéré”.

L’esprit vide,

libre de toute pensée,

Yin Yang  laisse pénétrer sa peinture

par son souffle.

Il transforme sa respiration en concentration,

sa concentration en énergie,

et son énergie en maîtrise du temps.

Il a appris à peindre

comme il a appris à respirer

Sa science du souffle

est à l’image de sa création.

Il peint et respire avec l’univers

et ses abîmes.

Son art et sa technique

se combinent au temps de la ferveur.

Certains de ses tableaux

évoquent le chant de la baleine

qui dure une demi-heure

et que les cétacés répètent

note par note sans se tromper

durant les nuits désertes des océans.

Lorsqu’il peint ses mains,

sa tête,

ses lèvres,

ses jambes

sont le prolongement de son souffle.

Il devient fluide,

ténu,

impalpable comme la brise.

L’idée l’invente avec l’écume.

Une plume

peut modifier son poids.

Il recherche l’inconscience originale

sans qu’aucun désire ne s’interpose.

La voie de sa libération

dresse une cime immaculée

de splendeur et de joie.

Il peint pour regarder,

pour imaginer,

pour méditer.

Le caméléon peut changer

mais pas la trame de son oeuvre.

Il se laisse porter par l’univers

par sa propre tragédie dans la mine

et son éblouissant résurrection .

L’éphémère qui ne vit qu’un matin

ne conçoit ni le soir, ni la nuit.

Les cigales qui ne survivent qu’un été

ne peuvent rêver d’’hiver.

Le crapaud au fond de la mare

ignore la grandeur de l’océan.

Celui qui n’aime pas

n’imagine pas l’infini de l’amour.

Le peintre se sent frère de

du nuage qui passe,

du séquoia centenaire,

du malheur du mineur,

de la goutte d’eau.

Lorsqu’il peint

avec quelle candeur

il dérobe le feu du ciel!