Elégie pour OOO
« …Olivier O. Olivier était le plus remarquable. Il a été ce que nous tous essayons d’être sans y parvenir: un saint laïc, un pataphysicien panique, un juste civil, un anar tranquille.
Quel vide et quel silence pour ses amis. Pour Thieri Foulc, pour Kazik Hentchel, pour Albert Delpy, par exemple. Et pour moi. Et pour la peinture. Et pour nous tous, qui avons eu l’immense bonheur et le prestigieux honneur de le connaître, côtoyant des paradis
Il a été plus humain que nous qui lui survivons. Et, bien évidemment, infiniment plus que moi.
C’était un peintre surtout. Et, en outre, un sage, un philosophe, un Job, un voyageur, un poète. Et mille autres choses. Il a su tout faire avec une discrétion souriante.
Il avait trouvé l’art de rire, d’écouter, de caresser des chats quantiques, de parler de Spinoza avec tendresse et de Wittgenstein en connaissance de cause, de déverrouiller les hermétismes, de laisser passer le temps, de ne pas se soucier de ce qui ne le souciait pas, et de s’intéresser à ce qui l’intéressait.
Il parvenait à amarrer les réussites à son existence, toutes voiles déployées. De sa retraite et atelier, il nous éblouissait.
Il a été le tournoyeur d’éternités en si bémol, le haïkuman sans nombril, le Hölderlin de la figuration, le Thoreau de la peinture, le Gödel des visionnaires.
Il nous comblait de prodiges (en silence) par sa leçon de vie.
Il n’a jamais rien demandé ni à moi ni à personne. Il ne savait que donner.
Je l’ai connu il y a un demi-siècle avec Topor. Et depuis nous sommes restés fidèles à notre amitié. Intimes. Il voyageait avec nous dans des labyrinthes ou dans des arcs-en-ciel avec la même transcendance.
Il a coudoyé les plus humbles et les plus prestigieux, de Dario Fo à Umberto Eco jusqu’au clochard de sa rue. Avec tous il dialoguait aussi simplement qu’il le faisait avec les scorpions. Il parlait, par exemple, du principe d’incomplétude ou de la couleur des épis.
La dernière fois que je l’ai vu il riait royalement. Parce que c’était un roi. Celui de la peinture.
Il est mort sur le point d’atteindre ses 80 ans, comme il a vécu, exceptionnellement.
Olivier O. Olivier n’aimerait pas savoir que nous sommes dévorés de tristesse. Il serait effrayé d’entendre qu’il nous cause une douleur que nous ne croyions jamais avoir à éprouver.
Il s’en est allé en marchant, marchant, marchant vers le Soleil.
Là-haut il trouvera son séjour… anarchiste et divin! Comme toujours et partout… » : Fernando Arrabal.
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AFP : « Le peintre Olivier O. Olivier, dont les oeuvres ont été exposées en France, en Europe, en Chine et aux Etats-Unis, est décédé dimanche à la veille de ses 80 ans, a annoncé son épouse aujourd’hui.
Né à Paris le 1er mai 1931, Olivier O. Olivier obtient une licence de philosophie en 1954 à la Sorbonne puis suit les cours de l’Ecole des Beaux Arts de Paris. Membre du Collège de Pataphysique à partir de 1955, dont il occupe le poste de « régent d’onirographie », il adhère à l’OuPeinPo (Ouvroir de Peinture Potentielle) en 1999. Il fait partie du groupe Panique dès 1964 avec Arrabal, Topor et Jodorowsky.
Ses oeuvres –mine de plomb, fusains, pastels, aquarelles, gouaches ou huiles– ont été exposées dans plusieurs pays d’Europe, en Chine et aux Etats-Unis. Deux expositions sont actuellement en cours, l’une à San Francisco, baptisée « Les visions légèrement déréglées d’Olivier O. Olivier », l’autre à Bruxelles. Une autre exposition est prévue à Paris à partir du 18 mai.
Olivier O. Olivier sera inhumé vendredi à 14H00 au cimetière du Montparnasse. »