« Rendez-vous à Zanzibar »       , Fernando Arrabal et Patrice Trigano

Editions La Différence, 2010

25 avril 2010, par Alice Granger

site LITTERATURE

http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?article963

A propos de cette correspondance géniale via Internet et en double aveugle (à chaque échange, chacun d’eux répond après avoir lu seulement quelques phrases de l’autre) entre Fernando Arrabal et Patrice Trigano (auteur de « Une vie pour l’art » et de « A l’ombre des flammes », et organisateur d’expositions) dont Arrabal loue l’érudition, j’ai envie de faire commencer la lecture, c’est-à-dire ma lecture de l’œuvre d’Arrabal, par cette phrase de lui à la page 87 du livre : « Le souffle du nouveau-né me régénérera. » Une phrase qui fait écho à celle de Nietzsche mise en exergue : « Il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse. » Patrice Trigano évoque l’enfance d’Arrabal, combien sa vie est le pivot sur lequel s’articule son œuvre, à quel point l’emprisonnement du père puis sa disparition, aggravés par la trahison de la mère, ont radicalisé le traumatisme du jeune fils, secret porté dans un silence douloureux. Un secret tel que le fils circonvenu dans son inextricable labyrinthe maternel se sent inconsciemment sommé de résoudre l’énigme, s’il veut voir vraiment la lumière, c’est-à-dire naître, ce fameux souffle du nouveau-né. L’intelligence du fils est très tôt mise au défit de réussir à en sortir enfin, de cette mère, de cette matrice, et celui-ci trouve… une solution imaginaire, en pleine confusion, en plein chaos. Le père républicain emprisonné par les franquistes, puis disparu mystérieusement, la mère qui l’avait dénoncé, bien sûr cette version semble monstrueuse et très traumatisante pour le fils « condamné » à vivre avec une telle mère, lui aussi « emprisonné » dans un giron d’où aucun père ne vient le libérer, seul dans un milieu féminin : mais à force d’écouter, j’entends le bruit du silence fin d’une autre histoire, qui concerne le nom du père, qui jamais ne s’inscrit mieux que par cet abandon qui sème la confusion, qui commence son œuvre d’auto-altération du huis-clos où les mains s’emparent du fils, de son corps, ses orifices, son cerveau, érotisme monstrueux. C’est au fils de trouver une issue… Abandonné dans le labyrinthe giron maternel sadomasochiste éducationnel. Le père, ce n’est pas un accoucheur tirant hors de la mère son fils, le donnant à la lumière, pour son premier souffle. Justement, ce n’est pas cela. D’abord, ce père républicain face au dictateur Franco, c’est déjà quelqu’un qui veut se libérer de la dictature… Qui imagine une république… Or, la version du père qui arrive au fils, c’est plutôt qu’il n’y a pas de république qui puisse, magiquement, délivrer de la dictature… maternelle… Comment sortir de la dictature maternelle et franquiste ? A un pas de la spirale près, le fils retrouve le même désir que celui qui habitait son père. Arrabal dans son enfance a coïncidé comme personne avec le dilemme de chaque enfant écartelé entre sa mère et son père : lequel choisir ? La réponse est simple, toujours la même : il n’est pas possible de choisir ! La confusion, si importante dans l’œuvre d’Arrabal, vient de là : aucun père ne lui dit qui choisir, le choix sous-entendu étant évidemment ce