Le vice donnant le bras au crime… Les images, régulières, des rencontres entre Erdogan et Poutine font irrésistiblement penser aux mots de Chateaubriand. Mais Fouché n’était pas aussi criminel que le tyran du Bosphore, qui assassine les Kurdes, martyrise son peuple, et fomente, d’Idlib à Tripoli, en passant par Nicosie, la déstabilisation de pays entiers… Et Poutine n’est pas l’évêque d’Autun, même si il aurait pu dire, avec ses milliards de roubles détournés dans des comptes cachées, comme Talleyrand s’était écrié devant Benjamin Constant, lorsqu’il fut nommé ministre : «Désormais il faut faire une fortune immense, une immense fortune»… Le vice, le crime, la corruption, les joies des polices politiques et l’élimination d’opposants, de l’Empire aux nouveaux impériaux, tout change pour que rien ne change, et les quatre personnages ont décidément un air de famille…
Longtemps, la Russie et la Turquie furent des ennemis héréditaires. Sur la Mer Noire, au XVIIIe siècle, la Turquie voulait jalousement garder son hégémonie, quand la Russie cherchait l’accès aux mers chaudes, ce qui donna de multiples guerres. Dans le Caucase, la Turquie, par haine de l’Arménie, soutient l’Azerbaïdjan dans le conflit, exotique et tragique, du Haut-Karabagh (un des conflits gelés les plus oubliés du monde) quand la Russie a fait le choix inverse. Dans les Balkans, enfin, les Turcs se sont longtemps rêvés protecteurs des musulmans, les Bosniens par exemple, quand la Russie portait à bout de bras ses «frères» serbes. Pendant la Guerre Froide, c’est cette détestation séculaire, depuis au moins Catherine II, qui a distribué les cartes : d’un côté l’URSS, avançant ses pions contre l’ennemi turc, de l’autre, Ankara qui a choisi, très tôt, dès 1953, l’alliance avec les Etats-Unis et l’entrée dans l’OTAN.
Mais, plusieurs paramètres ont subitement changé au début de notre siècle. D’abord, Erdogan s’est métamorphosé : alors qu’il feignait, depuis son arrivée au pouvoir, de passer pour un dirigeant modéré, une sorte de version islamique du chrétien-démocrate bon teint, désireux d’entrer dans l’Union Européenne, il avait pris soin de soigner sa relation avec Israël et de se réconcilier avec ses voisins. Puis, ôtant son masque, il a cherché à disputer au Qatar l’hégémonie sur l’islamisme sunnite. Il est devenu le champion de l’islam politique. Parallèlement, et semblablement, Poutine, après avoir semblé accepter l’ordre international, s’est mis à agir comme le hors-la-loi de la planète, envahissant l’Ossétie en 2008.
Le rapprochement n’était pas encore complet. C’est en 2015, après un coup d’Etat manqué qui voulait le renverser, qu’Erdogan s’est mis à s’essuyer littéralement les pieds sur l’Occident. L’Europe ? Il la méprise, car il a compris qu’elle n’accepterait jamais ses dérives autoritaires et ses rêves mi-islamistes, mi-autoritaires, de grandeur impériale. Les Etats-Unis ? Trop proches des Kurdes, et puis, les Américains et les Européens ont mal dissimulé qu’ils auraient été presque heureux de voir Erdogan chuter en 2015. Alors vers qui se tourner ? Eh bien : Poutine. N’était-il pas, lui aussi, un leader fort, despotique, corrompu, détestant l’Occident, la démocratie, la société civile, les journalistes, voulant venger son pays d’une supposée humiliation infligée par les «méchants» de l’ordre international ?
De son côté, en petit Machiavel, Poutine a bien compris tout l’avantage qu’il pouvait tirer à enfoncer un coin entre la Turquie et ses alliés de l’OTAN. Au départ, le rapprochement fut très compliqué : l’ambassadeur russe a été assassiné à Ankara en 2016. Des incidents ont lieu entre aviation russe et troupes turques cette même année. C’est que les deux pays ont des positions symétriquement inverses sur la guerre en Syrie. Champion de l’opposition islamiste, Erdogan couve les combattants djihadistes. Héraut des forces conservatrices partout dans le monde, Poutine a réactivé la vieille alliance soviétique avec les autocrates du monde arabe, dont les Assad. Surtout, Poutine a compris qu’en investissant très peu, des mercenaires et ses avions, il aurait, dans un contexte de retrait américain et d’atonie européenne, un poids disproportionné dans le grand jeu syrien.
Et donc, Poutine et Erdogan, bien qu’opposés, ont entrepris de régler les choses en Syrie. Quel pied de nez ! Face à la médiation impuissante de l’ONU, eux ont réussi, au sommet d’Astana à obtenir des zones de désescalade entre forces du régime syrien et groupes rebelles. C’était la première fois, depuis 1945, qu’une crise au Moyen-Orient était résolue sans pays arabes, ni intervention américaine : une humiliation pour Washington, et pour l’ONU, les deux ennemis préférés de Poutine.
Et les deux tyrans ont continué de batifoler. Pourtine a vendu des défenses anti-missiles à Erdogan, ce qui est une hérésie au regard des règles de l’OTAN, à laquelle appartient toujours la Turquie. Les deux larrons se sont entendus pour autoriser Erdogan à massacrer les Kurdes au Rojava, à l’automne 2019. Leur dernière lune de miel ? La Libye, où Erdogan exporte, à grands frais, les miliciens syriens désoeuvrés pour appuyer les forces islamistes, et où Poutine, toujours marionnettiste cynique, soutient le maréchal Haftar ou n’importe qui d’autre selon ses intérêts. Les positions semblent irréconciliables, entre Poutine, en soutien à un général autoritaire et laïc, et Erdogan, fervent avocat des islamistes ? Qu’importe, comme en Syrie, l’intérêt de l’opération est ailleurs : que la Turquie et la Russie deviennent, à eux deux, le condominium unique qui mette le Proche-orient et l’est de la Méditerranée sous sa coupe, pouvant se pousser du col sur la scène mondiale, humilier les Etats-Unis et l’Europe, et traficoter au passage des gisements de gaz, comme ceux que la Turquie vole en ce moment même à Chypre, ou des pipe-lines.
Mais, ces derniers jours, le mariage de raison a volé en éclats. A Idlib, les djihadistes, retranchés derrière les civils syriens et les presque 400 000 civils déplacés, sont la cible des tirs indistincts, et meurtriers, des soldats syriens. En retour, la Turquie a abattu quelques gradés de l’armée syrienne. Et le vent semble être en train de tourner. Erdogan a prié la Russie «de ne pas essayer de nous empêcher d’agir» contre Damas et Bachar, et sur ce, le sultan est allé faire une visite… en Ukraine, où il s’est ingénié à énerver Poutine, par exemple en rappelant que la Turquie n’avait pas reconnu l’annexion de la Crimée, ce qui a horripilé le Kremlin. La précédente guerre entre Turquie et Russie, en Crimée justement, en 1856, s’était mal terminée pour Moscou…
Quelle est la morale de cette histoire ? Peut-être que le cynisme a des limites. Et peut-être que cette alliance, ratifiée par le sang des Syriens et des Kurdes, trouve son impasse fondamentale. Peut-être, qui sait ?, à voir l’exaspération discrète contre les deux leaders usés par leur barbarie, que le temps des tyrans est peut être passé.
Mon mari était un homme aimant et attentionné jusqu’à ce qu’il change sans raison. Il a cessé de prendre soin de moi et de notre fils. J’ai découvert plus tard qu’il avait une liaison avec une femme dans l’entreprise où il travaille. J’ai été dévastée alors que les choses allaient de mal en pis quand il a dit qu’il voulait divorcer. j’ai supplié et pleuré mais il a insisté pour que sa décision était prise et qu’il ne m’aimait plus. Pour faire court, j’abandonnais presque jusqu’à ce que je m’ouvre à un collègue à propos de mes problèmes conjugaux.
Un très bon article, bonne continuité !
Il n’y aura pas de régulation efficiente sans moralisation effective de l’économie de marché.
On ne passe pas l’éponge sur le collaborationnisme financier d’un cimentier realpolitikard avec les bourreaux tortionnaires de deux cent quarante-sept de ses compatriotes coupables du seul crime d’avoir exercé leurs libertés sans entrave, assassinés en représailles à l’implication de leur pays dans une guerre dont nous leur devons que sa logique ne nous échappe pas, dès lors que celle-ci organise une compétition visant à prendre la tête de l’Oumma, qui est un monstre totalitaire doté d’un appétit insatiable.
On s’inquiète de savoir qu’une entreprise française spécialisée dans les domaines de l’aménagement du territoire et la construction d’infrastructures fût liée, par contrat, avec une organisation terroriste dont l’aile politique avait été démocratiquement élue pour administrer une bande de mer placée sous l’autorité de l’entité gouvernementale d’un État souverain de jure, quand cette même bande (organisée) déclenche et redéclenche les hostilités en invoquant la pluie (de roquettes) contre un État de droit poussé à riposter par des frappes aériennes causant une destruction partielle d’infrastructures ainsi qu’un démontage territorial ayant pu requérir un chantier colossal, chiffré à hauteur de 4,5 milliards de dollars.
Avec les nazis et leurs rejetons, l’on vit deux types d’intentionnalité affective se matérialiser sous nos yeux. L’une, allant du « Si vous ne vouliez pas que l’on couche avec les allemands, fallait pas les laisser entrer » de la reine Arletty, à l’ouverture d’un cabaret libertin par cette Fräulein Leclerc ayant déjà plus de cinquante films au compteur, nouvel Ange bleu des boches en manque depuis la fuite vers Hollywood de leur Fantasie-Objekt hors-concours, tout cela ne laissant aucunement présager un dénouement à la Judith biblique. L’autre attitude, que je laisserai Lucie Aubrac incarner seule, bondissant de derrière un fourré pour faire barrage aux agents méthodiques de Destruction & Associés, un fusil braqué sur le pare-brise d’une camionnette effectuant le transfèrement de son époux tombé entre les mains de l’ennemi, debout en travers de la route, certains diront, à commencer par elle : « inconsciente du danger ». C’est à cet oiseau rare, au plumage terne et monochrome, au ramage hérissant, que j’aurais décerné, moi, le prix du Glamour.
Le soupçon d’association de malfaiteurs pesant sur l’ex-banquier d’affaires de l’Élysée ne sera jamais écarté des comptes d’apothicaire d’une drumontade qui verra toujours en Rothschild un ministre de Lucifer. Que cela ne l’empêche pas de livrer le combat pour la sauvegarde du libre-échangisme dont les défigurations que lui infligent ses détourneurs facilitent grandement la tâche aux dynamiteurs de Bruxelles, que les sondeurs ont déjà qualifiés pour l’étape décisive de la prise de la Bastille « Nouveau Régime ».
P.-S. : Quand je recours à la formule « Bastille “Nouveau Régime” », je n’avertis pas mon lecteur que je vais attribuer au macronisme le caractère que projettent sur lui des maurrassiens qui souhaiteraient voir sa tête au bout d’une pique, car je me fie à l’intelligence d’un connaisseur du fond de ma pensée, laquelle a tendance à glisser entre les neurones de mes réfutateurs compulsifs. Je n’accuse pas Macron d’avoir fait imploser le pluralisme républicain, quand bien même en eût-il tiré modestement parti ; jusqu’à quand ? Je ne vois, pour le moment, que lui pour barrer la route aux naufrageurs de la République. Si je portais mon dévolu sur l’un de ses concurrents, c’est à celui-là que je destinerais ma réflexion critique.
P.-S. du P.-S. : Lorsque vous me voyez préparer une réplique préventive à l’encontre de ceux de nos contemporains malentendants — je ne fais pas allusion à des troubles de l’audition — dont l’anticipation des réactions ne nécessite pas l’aide d’algorithmes quantiques, il est fort possible que j’agisse dans l’espoir minimal qu’ils reviennent à de meilleures dispositions mais, à coup sûr, par pur souci de rigueur testimoniale.
« Quand je parle de substituer à notre volonté de sauver le peuple Kurde un instinct de conservation qui devrait nous conduire à secrètement doter d’une capacité de riposte supérieure nos seuls alliés fiables dans cette zone ultrasensible constituant le pivot central d’une balance écosystémique sans laquelle nous ne saurions nous occidorienter, suggéré-je de lâcher ceux-là mêmes que j’élève au rang de nos propres sauveurs ? » dis-je en me grattant la tête.
Les gardiens du temple universaliste ne se laisseront pas indéfiniment manipuler par les saboteurs de la démocratie mondiale.
Ils finiront par inscrire noir sur blanc le bon droit d’ingérence des justes au cœur des noyaux atomiques de la loi transcivilisationnelle.
Ils y feront baigner l’empire de la Raison dans son jus et son muscle.
Ce n’est jamais sans raison que nous en venons à redouter l’effet boomerang d’un droit d’ingérence mal digéré par l’Acommunauté, qui oserait justifier une intervention militaire sous mandat international contre un État de droit aux prises avec une rébellion fasciste.
Là encore, il s’agit de renforcer l’arsenal législatif des bénéficiaires de la Déclaration universelle des droits de l’homme de manière à y colmater toute brèche permettant à un membre permanent du Conseil de sécurité de nous pousser dans le piège qu’on lui tend.
Nous ranimerons la flamme de la foi dans l’action politique dès que nous aurons bloqué notre paiement de mots par prélèvement automatique ; quand les ravis de la Crèche qui, à l’hiver 2001, nous firent la promesse que les talibans ne reviendraient plus à la surface de la planète avant de nous jurer, en plein Printemps arabe, qu’al-Qaïda venait d’être englouti par les eaux bouillonnantes de l’enfer, cesseront de perdre au bras de fer idéologique du Recommencement de l’Histoire chaque fois qu’ils empoignent la paume d’un État de non-droit.
La barbarie du collaborationnisme islamiste n’est pas la manifestation d’une crise d’adolescence des peuples, mais un cas de déconscience caractérisé, qu’il faut rappeler au primat de la symbiose sur la névrose.
La raison du plus fort serait toujours la meilleure si elle nous assurait que force restât à la loi.
À ceux auxquels j’aurais donné l’impression de me montrer plus conciliant envers le Kremlin, sachez que je ne vous en tiens pas rigueur, mais vous me forcez tout de même à vous remettre les idées en place en vous rappelant que ce n’est pas moi qui ai prophétisé l’autoréalisation d’un changement de paradigme dans les relations internationales, sous lequel l’Occident était sommé de renoncer à son ambition de forger à lui seul le destin du monde.
Quand je propose au kagébiste Poutine de se macroniser sur la voie d’une réforme du droit international, c’est pour mieux faire apparaître le fossé qui nous sépare, de la manière la plus radicale qui soit, d’une constellation d’idéologies néototalitaires qui, si elles se révéleront intrinsèquement incapables de s’agglomérer contre un ennemi commun, n’en seront pas moins ragaillardies par ces luttes intestines reprenant de plus belle et affirmant l’inanité de notre géopolitique antinationaliste face à l’irrédentisme triomphant.
Oui, les artisans de l’État de droit mondial sont fondés à écrire le destin du monde.
Et non, l’Internationale démocratique ne ploie pas sous le joug d’une seule et unique civilisation.
Vous voyez, un constat terrifiant n’est jamais pessisme, dès l’instant qu’il nous édifie.
Inanité au sens où l’on éprouve la sensation de produire des efforts surhumains pour un système qui tourne à vide. Ce n’est donc pas le combat contre la peste nationaliste, mais le mode de combat que je mets ici en cause ; en même temps, je ne vois pas trop ce qui aurait pu me pousser, même de façon inconsciente, à renier l’intégralité de mon ADN… Aussi, quand je défends la légitimité d’un État juif, je ne soutiens absolument pas une thèse nationaliste, mais j’agis simplement comme je le ferais pour mon autre peuple, en tant que Français, si nos voisins européens nous menaçaient de nous jeter à la mer.
Avec mes compagnons de la Libération, nous ne ménagerons jamais nos efforts pour inciter le cerveau protéiforme de l’Anéantisseur à s’atrophier de lui-même.
Chaque fois que notre fascinant vaisseau européen, par ses insuffisances, passera malgré lui à l’ennemi, nous lui rentrerons dedans, quitte à prêter la nuque au duplice couperet de l’europhobie cryptomaccarthyste et de l’europhilie béate qui lui arrache la pelle des mains et achève la besogne.
L’ONU a un problème : elle se prend pour une autre.
Nous ne lui demandons pas d’incarner l’Internationale universaliste, mais d’en rassembler les particules diasporiques en sorte qu’elles se saisissent des rênes d’un Gouvernement démocratique mondial.
Quant à l’Europe, son principal défaut est de tomber sous le charme de ses fossoyeurs.
Nous lui avons souvent demandé d’apprendre à les identifier.
Peut-être aurait-il mieux valu lui enseigner à reconnaître ses alliés.
Le monde libre se braque face aux derniers vestiges de son système en perdition.
Qu’il se fasse davantage confiance.
Qu’il accueille avec grâce ses rares incarnations.
Qu’il réapprenne à prendre soin de ce qui fit sa spécificité.
Le temps presse, là où notre empressement à nous accomplir en tant que suprapeuple élu tarde à coïncider avec l’acquisition d’une force de discernement multilatérale sans laquelle les meilleures volontés humaines sont vouées au télescopage.
Alors, entamons de ce pas les fouilles préarchéologiques de nos champs de perception.
Nous ne saurions dénigrer les ravages qu’engendrent les jugements imposteurs en passant à côté d’un recoupement lumineux.
Oublions deux secondes Trump, cet accident de parcours surlignant les limites obscènes de la société du spectacle, et optimisons nos chances de convaincre l’administration d’alternance de reconstituer avec nous une force d’interposition efficace entre les prétendants à la succession mahométane et les visées hégémoniques d’un ours de papier que le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres, ne semble plus guère impressionner.
S’il a tourné le dos aux vieilles lunes islamistes de son aile antijuive, Buttigieg ne s’en trouve pas moins propulsé, à l’instar de son homologue français, face aux sous-satellites de l’infraobservatoire transnational contre le néocolonialisme qui obligea les partisans nobélisés du droit d’ingérence à transférer ce droit fondamental sur le terrain de la morale, d’abord sous la forme d’un devoir qui, vraisemblablement, n’allait pas de soi pour la majorité des États-membres de l’Organisation, ensuite, derrière l’écran fumeux d’une responsabilité de protéger vidée de toute sa substance législative pour mieux se dissiper en se mêlant aux effluves victimaires émanant de la concurrence mémorielle.
Le président Buttigieg consentirait-il à s’embourber tout seul dans un pré carré de l’ex-ex-bloc de l’Est ? aurait-il une chance de défendre ses avant-postes avec l’appui d’une armée européenne moins abstraite et plus intimidante ?
Au sein d’une étroite coalition comprenant ces forces armées kurdes qu’aurait rendues inattaquables la légitimation supraétatique de leurs titres de gloire… indiscutablement.
Cessons de vouloir à tout prix sauver les Kurdes, alors même qu’ils n’attendent qu’un signal pour nous porter secours.
Ah, tyrans attirants…
Que Vladimir Poutine soit incapable d’anticiper le fait qu’un sultan impuissant n’acceptera jamais d’endosser le rôle du toutou d’un tsar en puissance, ne l’affaiblit que très médiocrement et ne l’empêche en rien de renforcer sa stature de nouveau maître du jeu au Moyen-Orient.
Ce revirement pour l’entriste pro-russe de l’OTAN pourrait, à la rigueur, résonner pour le peuple européen comme une bonne nouvelle, mais il faudrait être bien bête — hypothèse qui n’est pas à exclure — pour se fier à un (négationniste (nettoyeur ethnique (trahissant plus vite que son ombre ses alliés de circonstance.
Il y aura bientôt neuf printemps, nous réclamions le départ du Nazillon syrien.
Deux ans plus tard, après qu’il eut franchi « the red line » fixée par Washington, son sort semblait être scellé.
Je crains, pour tout vous dire, que la Pax Tyranna ne se soit jamais aussi bien portée depuis longtemps.
Il y a les faits ; leur entêtement légendaire ; leurs ajouts superflus ; leur propension à se surajouter les uns aux autres ; les tyrans se débattent avec eux comme tout un chacun ; enfin… façon de parler : à y regarder de plus près, je dirais qu’ils s’y vautrent, s’en barbouillent la surface du corps et les profondeurs de l’âme, se roulent dedans comme dans la tourbe qui fait office de draps à leurs ébats boueux.
À travers les jumelles du Kremlin, l’avorton du Grand Roi et l’ersatz de Grand Turc semblent avoir pris la tête d’une paire de tyrannies inoffensives, sortes de siamoises naines guidées par une même pulsion cannibale incestueuse ; Vlad l’Empileur ignorerait-il que les tyrans sont tous faits du même bois ? c’est en tout cas ce sur quoi ont misé les apparents vassaux qu’il s’est imaginé pouvoir utiliser afin de reprendre à l’ex-ex-bloc de l’Ouest ce qui revient de non-droit à son URSS polaire.
Constantin Porphyrogénète se concevait comme le garant d’un ordre aussi impeccable qu’implacable, reproduisant le mouvement harmonieux que le Créateur avait donné à tout l’Univers, pouvant faire apparaître l’Empire majestueux, agréable et admirable à ses sujets ; Aristote se baladait sur des cheminements intellectuels menant à ce Premier moteur immobile dont l’absence d’imperfection faisait de lui un Souverain Bien sous l’égide duquel pouvait se justifier sans état d’âme le raffinage esclavagiste par l’usinage d’outils humains ; quant à Homo rodhesiensis et Homo neanderthalensis, ils dominèrent l’échelle de l’évolution jusqu’à ce qu’un chaînon philosophe ne vînt les supplanter, au point de provoquer leur extinction.
« Nous ne nous en plaindrons pas.
— Oui, je vois ça.
— Quoi ? faudrait-il que nous le déplorions ?
— Comment puis-je répondre à une question pareille ? »
Nous serons jugés à notre tour pour le bilan indubitablement mitigé que dressera l’homme du XLIe siècle des reculades que s’échinaient à pousser sous leur propre tapis les avancées incontestables d’un Conseil de sécurité de l’ONU dont les immobilismes passaient à leur époque pour une manifestation de cette sagesse post-totalitaire que l’on missionne pour assurer le maintien d’un état de paix, certes relatif, mais préalable à la réalisation d’un projet de paix perpétuelle.
Raison de plus pour plaider notre cause auprès des très lointains dépositaires de ce lourd héritage, en les amenant à reconnaître qu’il existait, sous notre ère, une légère différence entre, d’une part, un grand puissant qui menaçait de vous casser les reins lorsque vous abordiez avec lui les violations graves que quelque dissident postsoviétique avait signalées au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme avant de succomber à un empoisonnement au polonium et, d’autre part, un pouvoir montesquieusien, limitateur jusqu’à en devenir borné, catalyseur au risque de tenter une embardée libératrice, incarnant dans sa force morale et sa précarité physique l’égalité de tous devant l’instabilité intrinsèque de l’équation posée par des libertés individuelles auxquelles se heurtera toujours un droit social en refonte.
S’il y a fort à parier qu’une fois dégagée de son emprise, cette Russie libre qu’il vénère, mais dont il redoute par-dessus tout l’inéluctable avènement, lui dise abruptement d’aller se faire voir chez les orthodoxes grecs, il est peut-être encore temps pour le tsarillon rouge de hâter sa mutation humaniste en devant l’architecte d’une seconde perestroïka, plus solide et durable que celle qui produisit l’explosion en chaîne des réformes par lesquelles s’illustrèrent les fossoyeurs du faux prolétariat qui avait écrasé de son diktat le serf constructiviste.
Nous redoutons toutefois que le règne des tyrans ne puisse se résorber qu’avec la fin des temps ; tout ne serait pas pour autant perdu, dès lors que nous nous montrerions capables de tirer avantage des tiraillements honteux, donc, orgueilleux et spectaculairement pudiques, qui reviennent ébranler à intervalles irréguliers leurs insatiables certitudes ; dans cette optique, nous conseillons à l’impassible artificier de l’accord de Vienne de revoir sa copie à l’aune des déconvenues qu’il rencontre actuellement avec son sinistre pantin au fil coupé ; comme vous le savez, nous ne sommes pas de ceux qui regrettent le bon vieux temps des gazages saddamites, aussi attendrons-nous, pour nous réconcilier avec le bénisseur de Bachar le Chimique, que l’un des derniers démons en date à s’être lancés le défi de confirmer les visions hallucinées de la littérature prophétique, ait été édenté.