La gifle donnée à Manuel Valls est inadmissible. La justice a légitimement sanctionné son auteur, le jeune Breton Nolan Lapie, en le condamnant à une peine proportionnée, trois mois d’emprisonnement avec sursis et 150 jours de travail d’intérêt général.
Inadmissible, cette claque à l’ancien premier ministre l’est avant tout pour des raisons morales et politiques. Car gifler un responsable politique n’est pas nécessairement et en toutes circonstances un acte scandaleux et répréhensible. Un exemple historique vient inévitablement à l’esprit : la baffe magistrale délivrée par Beate Klarsfeld en novembre 1968 au chancelier allemand Kiesinger. Quel en était le contexte ? L’homme était un ancien haut responsable de la propagande nazie et cela ne choquait presque personne dans un pays qui n’avait pas encore fait retour sur son histoire récente. Comme Beate Klarsfeld l’a expliqué par la suite, « fin 1966, à 62 ans, Kurt Georg Kiesinger est élu chancelier allemand. Des journalistes soulignent son passé de nazi actif sans que cela suscite la moindre indignation ». Il fallait donc frapper un grand coup, si l’on peut dire, pour secouer l’opinion face à une situation authentiquement monstrueuse, en une époque où l’extermination des Juifs d’Europe n’était pas encore perçue comme le crime absolu commis par l’Allemagne nazie.
Cette gifle à Kiesinger était légitime, qui a contribué à faire prendre conscience de l’immoralité absolue et de l’abjection politique que constituait l’accession au poste de chef du gouvernement d’un ancien artisan du génocide des Juifs. De quelle légitimité peut en revanche se prévaloir l’auteur de la claque à Manuel Valls ? Il n’y en a aucune, strictement aucune. Que l’on sache, le candidat à la primaire du PS n’a participé à aucune criminelle abomination, il n’a pas été membre d’un régime sanglant, il n’a pas été le complice d’atrocités. Son action politique passée est connue de tous. Et si on la désapprouve il suffit de voter pour un autre que lui.
Mais le fanfaron à la bretonnitude agressive qui l’a frappé à Lamballe est, au vu de ce qu’on sait de lui par son compte Facebook, de ceux qui pensent que la France vit sous une dictature. Ses références politiques ressortent de l’univers mental de l’ultra-droite conspirationniste alimentée par les Soral, Dieudonné et Panamza, ces fourriers de l’antisémitisme qui passent pour des rebelles « anti-système » auprès de larges fractions de la jeunesse. Dans ces milieux qui gobent la désinformation permanente, on croit dur comme fer que des puissances occultes nous imposent leurs volontés implacables, on est persuadé que la classe politique méprise le « peuple » dont elle ne respecte pas la volonté ; on se réclame d’Orwell en travestissant sa dénonciation du stalinisme pour tenter de faire croire qu’il visait la démocratie libérale. Et on transforme ainsi en acte héroïque une agression physique contre un homme politique menant tranquillement sa campagne électorale selon les règles républicaines les plus ordinaires.
Nolan Lapie a été condamné selon le code pénal, ce qui lui a valu une peine modeste. S’il avait dû être jugé en fonction de la gravité politique de son geste, en fonction de la scandaleuse symbolique qu’il exprimait, il aurait mérité une très lourde sanction, à la hauteur du confusionnisme et de l’inversion des valeurs que ses semblables et lui propagent à longueur de délires paranoïaques et haineux.
Mais notre pays est heureusement un Etat de droit. On y juge les délits en fonction de la loi, et non de la morale. Le petit gars qui pose sur son mur Facebook en faisant le geste antisémite de la quenelle, inventé par l’extrémiste de droite qui invitait Faurisson sur scène, savait d’ailleurs qu’il ne prenait pas de gros risques judiciaires en s’en prenant comme il l’a fait à Manuel Valls. On le laisse réfléchir à ce qu’il lui serait arrivé s’il avait fait la même chose à un proche de Poutine, dans cette Russie qui semble lui servir de modèle, ou de Bachar al-Assad, en qui ses amis de la fachosphère voient une référence. Allez, minable imbécile, fais-toi oublier. Il y a vraiment des paires de claques qui se perdent.
Exiger, de la part des Partenaires pour la Pax Republica, qu’ils effacent de leurs chartes hétéroclites l’article antivalssiste selon lequel la requalification pénale de certains faits ou gestes apparentés IVe Reich relèverait d’une interprétation revancharde de la laïcité, lorsque ces actes de propagande, s’ils ne causent pas de trouble immédiat à l’ordre public, n’en sont pas moins les véhicules d’un projet de civilisation fasciste. Le droit d’inventaire, que l’État doit pouvoir exercer sur des groupes religieux, philosophiques et/ou politiques œuvrant et officiant au cœur d’une société qui demeure le bien commun de tous ceux qui sont libres de la faire dans la concorde ou la discorde, est un préalable à l’efficacité de la lutte contre le fascisme, rampant et galopant.
(P.-S). : Entre, d’un côté, le Grand Cadavre redressé, je n’ai pas dit ressuscité, et, de l’autre, un micromessie filmé en macro, nous attendrons que soit acté l’avortement de l’Apocalypse pour nous prononcer.
Psss…. : En bon président de la Ve, Hollande s’est servi de son fusible. Il semble que l’événement lui en ait touché une sans bouger l’autre. Les troupes du Palais seraient même, dit-on, déconcertées face au manque de préparation flagrant de Monsieur Sérieux. D’un autre côté, combien de jours le seul vrai chef de l’exécutif laissa-t-il à son passager à la postérité pour s’entraîner à doubler la mise sous tension? Excuse-moi, une seconde… Oui, oui, je viens de m’entendre… Non. Au temps pour moi. J’ai juste oublié que le seul intérêt du fusible consiste dans la possibilité de le faire sauter. Bien, on la refait?
Peau-Cible : Si Valls est aujourd’hui grillé, c’est donc pour l’être à la place de Hollande. Nous présumons en ce cas que Hollande ne l’est pas, ou, chose qui n’est pas sans revêtir une importance toute particulière du point de vue de l’Internationale démocratique, que la vision de la gauche qu’il incarne conserve une chance de survivre au fracassement du front républicain que nous tenterons d’opposer à la Trump en jupons. La défaite de Valls ne serait réjouissante qu’à ce titre-là. Sans quoi il nous faudrait comprendre que la situation critique des équilibres géostratégiques ne mérite pas davantage que la sauvegarde de l’image d’un bilan.
On éprouve une certaine difficulté à localiser le battement d’aile du papillon au cœur de la tempête que ce dernier a déclenchée. Les uns le situeront en 2005 au moment du référendum sur le traité de Rome II suite auquel le congrès du Mans se verra souhaiter bien du plaisir à rabibocher la ligne européiste du PS et l’anti-européisme passager et néanmoins prolongeable d’un électorat travaillé par les préjugés populistes. Les autres préfèreront voir dans la fronde des revanchards de 2011 le vrai point de rupture des deux gauches conservatrice et progressiste. Je cherche, moi, ce timing point, ce point de basculement à partir duquel une situation, que la majorité d’entre nous avaient ressentie comme définitivement anormale, est devenue la norme. Je veux bien entendu parler de ce médiocre soir d’avril de 2002, lorsqu’un événement traumatisant avait recouvert de son vernis malodorant un autre traumatisme autrement plus compliqué à soulager. Car la défaite laisse espérer dans le rétablissement des forces du vaincu. Or il est nécessaire que celui qui est à la tête des troupes dépitées soit le premier à redresser la sienne et à tracer l’ébauche de la prochaine bataille. Les idées qu’une éventuelle majorité hamonniste incarnerait au sein de la gauche de gouvernement n’auraient, à ce titre, aucune capacité à empêcher qu’une fronde valssiste ne se soulève au sein de la communauté nationale. N’effaçons pas les traces d’une histoire récente qui se sera attachée à transmettre, là où la cruauté immensurable de l’ennemi allait inciter quelques-uns de nos plus beaux spécimens de gros cons à rétablir la torture par suffocation, les principes de l’État de droit, et, ce faisant, sous un déluge de grêle intellectuelle…
Quel que soit le vainqueur du second tour, son rôle l’obligera à aller vers le camp concurrent et à lui assurer que le sien tiendra compte du pourcentage d’électeurs qu’il représente, nuançant son programme de manière que soit représentée la sensibilité de cette frange de l’électorat de gauche dont il ne pourra se passer ni dans trois mois ni au-delà. Poursuivre notre chemin à travers le Big Blum, cela ne reviendrait pas, dans l’éventualité plausible d’une victoire du camarade Hamon, à nous soumettre à la ligne du frondeur des primaires, mais bien plutôt à nous tenir en première ligne aux côtés du candidat à la présidentielle, autrement dit, derrière aucun de nos frères d’armes. Si les pères du socialisme furent plusieurs et dans le temps et dans l’espace, leurs héritiers le sont également.
Les Dormeurs debout lepénisent Finkielkraut, puis ils finkielkrautisent tous ceux qui n’ont pas décidé de moisir dans l’idéalisation du totalitarisme guévarien. La gauche a contracté une dette envers le socialisme républicain quichottamment dosé par l’ex-Pilote du Radeau de la Méduse. Il ne relève pas du domaine du possible, aussi difficile que puisse être l’alignement de cet astre sur l’autre, que Manuel Valls soit chassé d’une place qui, fondamentalement, lui appartient.
Hamon nous dit que lorsqu’une femme porte librement le voile, la loi de 1905 doit s’appliquer. D’abord, il faut s’assurer de la fiabilité d’un témoignage. Quand vous sentez se dessiller sur vous l’œil insomniaque de Corleone, vous jurez sur la tête de vos mômes qu’on n’est jamais venu vous vider le tiroir-caisse d’une simple bosse dans la poche de trench-coat. Ensuite, il y a la réalité politique et idéologique, on pourrait dire, philosophique en partant du postulat que les théoriciens des systèmes totalitaires sont des philosophes, la réalité, dis-je, quoi qu’il en soit, de l’islamofascisme. Une femme française est libre autant qu’un homme de porter le brassard de la NSDAP. Or son droit infrangible à la liberté de conscience l’oblige maintenant, quelles qu’aient été ses motivations, à assumer la ligne de crête de ses engagements. Le salafisme n’est pas le premier traditionalisme venu. Il prône les quatre formes de Jihâd. Il ne fait pas le tri, n’effectue aucune coupe en s’appuyant sur des principes empruntés à nos Lumières d’inspiration gréco-romaines et judéo-chrétiennes. Le concept de coranisateur modéré a pour équivalent celui de coranisateur outrancier. Car le supplice n’est pas moins horrifique lorsqu’il se réalise en prenant tout son temps. Les choses sont simples, nous faisons face à une menace globale, laquelle menace, en l’espèce, nous englobe. Sur cette question aux multiples redimensionnements, quelques femmes et hommes de terrain, terrain factuel, terrain intellectuel, nous font part de leurs lumières. On a pu en voir quelques-uns, et non des moindres, un démystificateur de l’islam politique dont l’expertise n’est plus à prouver, la fondatrice d’un mouvement féministe destiné à défendre les droits des femmes issues de l’immigration, s’afficher auprès de Valls au premier tour de la primaire, monter au créneau à l’entre-deux-tours. Nous en concluons donc que ces personnalités de premier plan ont estimé que, des deux candidats du second tour, c’est l’ancien chef du Gouvernement dont le programme est le mieux à même de répondre aux menaces en question.
P.-S. : Nous n’insinuons pas que Benoît Hamon sous-estime les fractures sociales que font peser sur notre pays les OPA mentales lancées, entre autres, par la multinationale des Frères musulmans. Nous pensons juste qu’il se trompe de stratégie contre le totalitarisme islamiste de la même façon qu’il juge notre approche de la question parfaitement erronée.
Contrepoison : Il est, dès le principe, fort dommageable que l’on confonde le Dieu avec l’Adâm. L’homme qui nomme les tensions CULTUrELLES n’est pas celui qui les crée. Pareillement, l’homme qui s’obstine à croire qu’en minorant l’influence d’us et coutumes antirépublicains, celle-ci se renversera comme par magie dans son propre Tartare gargouillant, cet homme-là donne des coups d’épée dans les eaux noires d’Homère. Si vous avez à cœur de faire baisser une tension, commencez pas en mesurer le degré d’intensité.
La gauche du Renouveau veillera à ne jamais donner l’impression qu’elle se démène dans le seul objectif de maximiser les acquis des gagnants de la mondialisation quand, de leur côté, de vieilles lunes liftées s’en prévaudraient pour combler égoïstement les manquements du système. Le revenu universel sent le nivellement par le bas à plein nez. On ne peut pas endetter l’État dans de telles proportions sans que la croissance ne s’en trouve puissamment freinée par des hausses d’impôts considérables, vouées à corriger les prescriptions erronées. Manuel Valls est donc depuis ce soir le candidat des exclus en ce qu’il ne se contentera pas d’étouffer les chômeurs ou travailleurs pauvres sous une aile protectrice. Le réconfort ne suffit plus. Et paradoxalement, les masses ne se conçoivent pas comme des ensembles constitués de numéros statiques à l’ère du numérique. Il est urgent que les femmes et les hommes qui prétendent jouer un rôle dans le destin de leurs semblables gardent à l’esprit qu’ils ont affaire à des hommes et des femmes au moins aussi ambitieux qu’eux. Le revenu décent n’aura aucun avenir s’il se limite au périmètre du revenu universel. Son êthos est un essai qui, par souci de rendre la politesse aux donateurs, ne demande qu’à se transformer.
On ne tournera pas la page d’un quinquennat qui a beaucoup déçu en multipliant les promesses intenables. Si Hollande n’a pas vaincu le monde de la finance, il y a une raison à cela. Le libre échange est l’une des libertés fondamentales pour lesquelles nos pères fondateurs ont parfois consenti au sacrifice ultime dans l’espoir que soit enfin respectée, dans l’ADN des textes insondables qui l’avaient programmée, la part d’humanité de leurs futurs concitoyens. Visiblement, le siphonnage de l’extrême gauche coûte aussi cher que son pendant droitier.