On a entendu et lu beaucoup de choses depuis le 7 janvier. Très souvent justes, comme « la lettre un peu désagréable à l’intention de mes amis musulmans » de Yann Moix, généralement intelligentes et bien intentionnées, ou simplement de bon sens, comme la petite interview du Cheikh Khaled Bentounès, le guide spirituel soufi et cofondateur du CFCM (Conseil français du culte musulman).
Le point fondamental de son intervention, et qui n’est pas dans l’interview filmée mais dans le texte qui l’accompagne, tient aux motivations des Merah, Nemmouche, Kouachi et autres Coulibaly : « devenir célèbres » !
Le djihad, le terrorisme, le martyre, c’est leur moyen d’exister. Le seul, le dernier, qui soit à leur portée. Et c’est bien pour ça qu’ils revendiquent leurs actes (et leur appartenance supposée, mais dont je doute, à des organisations « fameuses » comme Daech ou Al-Qaida) : la carte d’identité « oubliée » dans la voiture des deux frères (les conspirationnistes n’ont toujours rien compris), les appels de et à BFMTV (Coulibaly qui, lorsqu’il apprend que Chérif Kouachi a parlé à BFM et que la chaîne annonce à l’antenne qu’il n’y a pas de morts dans l’épicerie Casher, décide d’appeler lui-même, avec ces mots : « ils vont voir s’il n’y a pas de morts ! »), les présentations sur le pas de la porte (Coulibaly encore : « vous savez qui je suis ») et jusqu’à la mise en scène de leur propre mort où, dans les deux cas, on se jette à la face des forces d’intervention et donc des caméras. Le vrai problème n’est pas l’islam – ce n’est qu’un prétexte utile et la seule « organisation sociale » à structurer leur existence – mais l’absence d’identité. Nos apprentis-terroristes nationaux, issus du corps black-blanc-beur – celui que la France glorifiait après la victoire de 98 dans une communion de sens éphémère – se vautrent désormais dans une fange existentielle. Et il serait inconséquent de réduire ceux qui passent à l’acte à des fous d’Allah. Car il existe une différence singulière entre les motivations des terroristes français, belges, anglais… et celles des djihadistes du Yémen, d’Afghanistan, de Syrie ou d’Irak. Ceux-là sont prêts à tuer et à mourir pour des idées – sombres, entendons-nous –, les autres parce qu’ils n’en ont pas. Face à ces deux pestes, les remèdes ne sont pas les mêmes. Ce n’est certainement pas par la répression mais bien par l’éducation qu’on parviendra, à moyen terme seulement, à endiguer le phénomène en Europe. En situation de crise, comme celle du 7 au 9 janvier, il faudrait interdire toute publicité autour de leurs noms. Etouffer toute forme de notoriété pour ne pas en faire des « people-martyrs » et limiter ainsi les vocations conséquentes. Les télés/radios/sites d’information/réseaux sociaux ont une grande responsabilité en la matière. Il est urgent qu’une prise de conscience collective, des dispositions légales fortes et un débat public fixent un cadre ad hoc pour traiter l’information dans ces circonstances. Sinon, la liste des candidats va s’allonger, dès lors qu’une certaine lecture de l’islam leur donne justification. (Et cela pourrait tout aussi bien être le bouddhisme (comme on le voit en Birmanie), le catholicisme (comme au temps de l’inquisition et des croisades), le shintoïsme, le judaïsme, que sais-je, selon que les plus misérables viennent du Maghreb, d’Asie, d’Europe, du Moyen-Orient…) Donnons-leur des raisons d’exister autrement et arrêtons la peopolisation du djihad ! Les terroristes, comme les tueurs en série, veulent la célébrité ? Opposons-leur des infos sans noms. Ça va être compliqué, je le sais, en ces temps où la liberté d’expression est en jeu… mais c’est une des clés.
En finir avec le people-martyre
par Marc Roussel
23 janvier 2015
Les motivations des Merah, Nemmouche, Kouachi et autres Coulibaly.
Enfin un article qui dévellope des idées, les précédents étaient fort vides.
Bonne réflexions générale ,
s’il en est de ceci que plus un état à besoin de lois, plus ils est proche de sa fin.
Oui la question des identifications est centrale : « Les aider à se déprendre. A mettre sur la table leurs questions identitaires, à les aider à ne pas dénier leur part d’humanité, leur faire savoir qu’il y a d’autres voies pour être un héros. .. » je développe : http://evah5.fr/etre-et-ne-pas-etre-charlie-ensembledifferents/
Oui. Le ressort, c l’identification narcissique.
Les Kouachi ,Coulibaly veulent devenir célèbres ,c’est leur motivation fondamentale (je partage cette opinion) , mais c’est une motivation peut-être inconsciente.
Ils se prennent avant tout pour des combattants de l’islam!
Une certaine lecture de l’islam leur donne une justification,effectivement. Je ne vois pas dans le boudhisme ou le christianisme de justification possible à des actes terroristes quoi que l’on puisse penser de ces religions.
Quant à donner des infos sans nom cà parait impossible et ne ferait qu’exciter un peu plus la curiosité du public et les thèses complotistes.
Il n’ y a pas de solution au terrorisme islamiste à court terme. Le mouvement de sécularisation qui frappe toutes les religions calmera les islamistes les plus radicaux à long terme.Quand? impossible à determiner précisément.