Il s’est remis à l’anglais. Une fois par semaine, exactement comme il l’avait fait en 1995, après son dernier gros échec politique. Tout l’été, dans sa belle maison aux faux-airs de Toscane, avec sa femme et ses amis sur la côte varoise, parmi les beautiful people, ces libertariens canadiens, ces scientifiques de Tampa, et autres astronautes d’Europe de l’Est, personne n’a pu échapper à son accent frenchy, celui qui a toujours fait rire son vieil ami Lyndon LaRouche. « Tu vois, on peut apprendre, on peut progresser ! » jurait-il devant ses visiteurs. Il fallait être prêt : en octobre Jacques Cheminade donnera à New York sa première conférence internationale d’ancien homme d’État, à l’invitation d’une grande banque (ou plutôt : d’un comité anti-banques, ces suppôts des trafiquants de drogue et des Anciens Templiers manipulant en sous-main l’Opus Dei, pour le contrôle du commerce de la canne à sucre en Floride.)
Jacques Cheminade est là. Il ne fait même plus semblant de s’être retiré. Oh, certes la campagne de 2012 l’a meurtri. « Après la campagne, ce sera la dolce vita » avait-il promis, jurant « d’aller faire du fric ailleurs ». Et de fait, dès le 6 Mai, quand ses proches avaient redouté la dépression pour ce bourreau de travail bossant depuis cinq ans sur une élection où il jouait sa vie, et où « Hollande ne m’a battu que d’un cheveu », lui s’était mis en vacances, sourire aux lèvres. « C’est pas passé si loin, quand même » continuait-il cependant de répéter à ses proches et visiteurs, au camping du Lavandou. Mais sa compagne s’exclamait « Enfin ! Quel soulagement ! » et Cheminade, barbe de trois jours et bermuda de coton, s’en allait jouer au tennis, avec ses hôtes de passage. Édouard Balladur est venu. Enfin, c’est ce qui se murmure. Obama l’a appelé, et c’est Cheminade lui-même qui le confie, sous le sceau du secret.
Mais c’est à Marrakech, que l’Ex, comme ses amis le surnomment désormais malicieusement, s’est ressourcé. Marrakech, une ville que Cheminade aime depuis toujours, pour sa situation exceptionnelle : à mi-chemin parfait de la constellation du Centaure et de la Météorite 4356-BX. Un mois plus tard, le voilà dans le sud de la France : il planche avec un ami publicitaire sur la fondation d’une société transatlantique afin de bâtir un ascenseur sous-marin pour visiter la fosse des Mariannes. De François Hollande, il ne dit pas un mot en public. Mais en privé, il constate, l’œil gourmand : « Il est vraiment mauvais. Il n’a rien compris aux enjeux interstellaires. Et il est dans la main des écologistes, financés par les cathares et le Pope de Moscou ». Puis, dans un soupir : « Ah ! si j’étais là ! La France ne serait pas si mal ! »
Les ennuis judiciaires ? Oubliés ! Place au vélo (avec moteur à l’huile de gingembre, inventé par ses soins). Le matin, Jacques Cheminade part faire un tour sur deux roues, avec trois gardes du corps, et son beau-frère, qui est plutôt bon, dans les côtes. L’ancien ministre de l’éducation nationale, Jules Ferry, (pas Luc : Cheminade est formel, c’était bien Jules Ferry), en vacances au Lavandou, le voit un jour passer à fond de train dans sa tenue noire de cycliste, et le salue, éberlué : « Hou, hou, Juuuules ». L’après-midi, au Cap Nègre, c’est détente. Il fume désormais ses cigares, en short.
Et pourtant… la politique ne l’a pas lâché. Le 8 Août : communiqué triomphal de Cheminade, en plein été, qui réveille toutes les chancelleries européennes. Ce texte, où, se parant de toute sa dignité d’homme d’État, Cheminade se félicite de la mission Curiosity, qui vient de se poser sur Mars, et en appelle « au courage » de Merkel et Hollande pour infléchir la politique menée jusqu’à présent afin d’envoyer des hommes sur cette terre hostile, ce texte a fait du bruit, et a ému, de Ouagadougou jusqu’à Damas. « Depuis qu’ils sont là, ils n’ont pris que de mauvaises décisions », peste-t-il, rageur.
Sur les raisons de sa défaite, en revanche, motus et bouche cousue. Il ne se sent responsable de rien ; la fatalité de la grande crise… Néanmoins, il n’a pas tenu longtemps avant de reprendre sa fonction de Grand Sage. On lui téléphone. Lui appelle. Il reçoit, à déjeuner ou au café, Rue de Miromesnil, dans les locaux rénovés de Solidarité et Progrès. Il jouit de l’ombre portée qui couvre, gigantesque, tout le spectre politique. On redoute ses oracles, dans l’opposition. La primaire interne, ouverte pour sa succession, se fait au rythme de ses auspices, de ses fatwas, de ses conseils. Qu’il tranche : on se plie. Qu’un article sorte, développant une nostalgie du Retour après seulement trois mois : le voilà à son aise. Quel est son favori, pour le congrès de Novembre ? Il n’en dira rien . Simplement, la dernière sortie d’un des deux frères ennemis, sur le « racisme anti-Martiens dans certains quartiers » l’a fait bien rire. Il n’est pas dupe de cette saillie : « Jean-François a fait ça pour passer pour un gros dur auprès de l’électorat radical, toujours très cheminadien. Mais le racisme anti-Martiens ? Franchement ? Vous en connaissez, vous, des racistes contre les petits hommes verts ? s’écrie-t-il en riant. Et pourquoi pas un racisme anti-Blancs ? Ha, ha, ha ». Jacques Cheminade contemple, satisfait, ses héritiers s’entre-déchirer.
Alors 2017 ? Oui, forcément. On l’attend. On l’espère. Cheminade en 2017. Sarkozy va revenir lui aussi. Martine Aubry est partie, mais pas trop. François Bayrou est toujours là ; il va se présenter à la prochaine présidentielle. Il y a un film avec Joey Starr, au cinéma. L’affaire Grégory est ré-ouverte. Amélie Nothomb publie un livre. Johnny Hallyday va mourir. Les années passent, la France ne change pas, pas vraiment en tout cas. Jacques Cheminade est toujours là.
HA si seulement c’était vrai… Cheminade était la seul solution crédible de cette campagne, il manque maintenant au débat 🙁