Dimanche prochain, notre pays affrontera un choix clair : celui entre la démocratie et l’extrême droite.

Nous sommes des artistes, pas des donneurs de leçon. Et l’avis de chaque citoyenne et chaque citoyen se forme dans l’intimité de leurs rêves et de leurs souffrances.

On reproche parfois aux artistes de toiser ceux qui endurent, ceux qui sont seuls ou en colère.

Si nous prenons la parole aujourd’hui, en tant qu’artistes de toutes les disciplines, de la chanson à la littérature, de la réalisation au design, de la mode à la danse, c’est précisément parce que nous sommes dépositaires d’une forme de privilège.
Ce privilège c’est celui d’une vocation : donner à voir la beauté. Ce privilège, c’est celui d’avoir tenté d’exaucer, toujours avec difficulté, notre envie de liberté. Ce privilège, c’est celui d’un mode de vie, au contact, c’est souvent vrai, du monde entier dans toutes ses pulsations, dans toutes ses différences.

Nous croyons que tous les Français, artistes ou non, devraient disposer de ces privilèges. Nous savons que tous les Français en seraient irrémédiablement privés en cas de victoire de la candidate du Rassemblement national. C’est pourquoi nous appelons aujourd’hui à voter dimanche contre Marine Le Pen et pour Emmanuel Macron.

Nous savons que, dans un pays d’extrême droite, la beauté n’existe pas.
Dans ces pays, la beauté est moquée, diffamée, interdite – parce que la beauté, celle d’une chanson dans la nuit, d’un spectacle incongru qui bouleverse, celle d’une rencontre avec un texte écrit, chanté ou parlé – elle effraie les pouvoirs inquisiteurs et rigides. Dans ces pays, l’art est caporalisé au service d’une propagande nationaliste, où la culture est un instrument pour flatter des valeurs creuses, l’art ne dit plus rien – et dans les pays d’extrême droite, les gens rêvent avec d’autres artistes, d’autres objets, d’autres chanteurs que ceux de leurs compatriotes, que ceux de leurs contemporains, ou bien même, ils ne rêvent plus du tout.

Nous savons que dans un pays d’extrême droite, la liberté n’existe pas.
La liberté de s’affirmer comme une femme indépendante, de s’affirmer dans son orientation sexuelle, de s’affirmer comme un citoyen critique, la liberté de l’émancipation par des lois démocratiques permettant la concorde et la tolérance, rien de tout cela n’existe plus. Dans les pays d’extrême droite, les artistes sont les premières cibles – on leur coupe les subventions, on les bâillonne, on les conspue – et une fois leur liberté réduite, ce sont toutes les libertés qui sont anéanties.
Nous savons enfin que la grande respiration avec l’ailleurs, l’ouverture sur le monde, la joie n’existent pas dans un pays d’extrême droite.

Nous sommes tous fiers d’être Français. Chaque fois que l’un de nos objets, spectacles, vêtements, dessins, textes, chansons, films est célébré à l’étranger, c’est avec reconnaissance que nous pensons à notre patrie. Nous tentons nous-mêmes de susciter au-delà de nos frontières l’admiration pour un pays qui nous a inextricablement formés, que nous aimons, qui se métamorphose à travers nos créations. Mais nous savons que, comme l’a dit un grand écrivain de notre pays, la France n’a jamais été plus grande que quand elle parlait pour tous les hommes et les femmes du monde. Dans un pays d’extrême droite, l’ailleurs devient un ennemi, quand il devrait toujours demeurer un horizon de conquête et d’imagination.
Nous voulons pour nos compatriotes ce même triple privilège, de la beauté, de la liberté et de l’universel. Ces sources vives qui nous déterminent et que nous tentons depuis toujours d’apporter aux autres.

Nous vivons dans un pays où, comme chacun, nous sommes parfois révoltés, indignés ou déçus.

Mais nous vivons dans ce pays où chacun, grâce à un État aux politiques culturelles puissantes, grâce aux institutions démocratiques, grâce au tempérament jamais démenti d’ouverture et de curiosité, n’importe qui peut accéder aux œuvres de son choix, ou bien tenter d’en composer de nouvelles. Quel que soit son sexe, son origine, son orientation sexuelle, sa religion ou sa couleur de peau.

Ce même écrivain disait que la culture est la noblesse du monde.
Nous pensons que grâce à sa culture, la France ennoblit, comme chaque culture, le monde.

Privés de liberté, de beauté, de diversité, privés d’universel, les Français auraient perdu ce qui ennoblit leur vie.
Nous sommes des artistes et nous ne voulons pas vivre dans un pays où il sera difficile de s’exprimer, interdit de rêver, compliqué d’aimer qui l’on veut comme l’on veut, mal vu de venir d’ailleurs.

Nous ne voulons pas vivre dans un pays d’extrême droite et nous voterons donc, pour cette raison, Emmanuel Macron dimanche.

Les signataires

Baptiste Rossi, écrivain
Olivier Amsellem, photographe
Antoine Carbonne, artiste plasticien
Grégoire Schaller, danseur et chorégraphe 
Florence Tétier, directrice artistique
Rodolphe Parente, architecte d’intérieur
Thomas Mailaender, artiste
Marion Mailaender, architecte d’intérieur
Emmanuelle Luciani, artiste
Florent Groc, artiste
Camille Vivier, photographe
Pierre Debusscherre, photographe
Lutz, créateur de mode
Simon Porte Jacquemus, créateur de mode
Ester Manas, créatrice de mode
Balthazar Delepierre, créateur de mode
Christelle Koché, créatrice de mode
Pierre Hardy, créateur de mode
Anatole Nicolo, auteur
Benjamin Lafore, architecte
Sébastien Martinez Barrat, architecte
Maximilien Pellet, artiste
Raphaël Lucas, musicien
Vincent Huguet, metteur en scene
Cécile Cassel, actrice et chanteuse
Erik Halley, créateur de mode
Darius Dolatyari, artiste et chorégraphe
Arthur Hoffner, designer
Grégoire Schaller, danseur et chorégraphe
Marine Brutti, directrice artistique
Jonathan Debrouwer, directeur artistique
Arthur Harel, directeur artistique
La Horde, collectif
Hugo Drubay, architecte d’intérieur
Claire Laffut, artiste-interprète 
Ronan Bouroullec, designer
Inga Sempé, designer
Felipe Oliveira Baptista, créateur de mode
Valentin Ranger, artiste
Adrien Pelletier, artiste
Hervé Lassiince, photographe
Pierre Dumaire, artiste
Jacques Merle, artiste
Marc Turlan, artiste
Grégoire Alexandre, photographe
Louis-Gabriel Nouchi, créateur de mode
Paul Rousteau, photographe
Eddy de Pretto, compositeur-Interprète
Matthieu Cossé, artiste
Glenn Martens, créateur de mode
Gaël Serre, artiste
Erwan Badir, graphiste
Jade Fourès-Varnier & Vincent de Hortistes, artistes
Malik Djoudi, compositeur – interprète
Romain Laprade, photographe
Marianne Visier, réalisatrice
De Pino, créateur de mode
Nicolas Maury, acteur
Karim Zeriahen, réalisateur
Patrick Bouchain, architecte
Alice Bouchain, photographe
Francois Hallard, photographe
Romain Brau, acteur et chanteur
Constance Guisset, designer
Jean-Baptiste Fastrez, designer
Antoine Carbonne, artiste
Éric Giriat, illustrateur
Emma Bruschi, créatrice de mode
Vivien Dumoutiers, acrobate-performeur 
Antoine Grulier, artiste
Manon Daviet, artiste
Alexandre Mattiussi, créateur de mode
Jérémie Lapeyre, DJ
Ora Ito, designer 
François Azambourg, designer
India Madhavi, architecte d’intérieur 
Victor Levai, artiste
Mathieu Lehanneur, designer
Guillaume Blot, photographe
Pierre Debeaulieu, artiste-fleuriste
Sohâb Chitan, danseur et chorégraphe 
Marc Armand, designer graphiste
Delphine Dénéréaz, artiste
Laurent Humbert, photographe
Damien Poulain, artiste
Olivier Jault, créateur de mode
Cécile Bortoletti, photographe
Pierre Yovanovitch, architecte d’intérieur 
Anais Boileau, photographe
Cyrille Weiner, photographe
Anne-Marie Amaudric, photographe
Charly de Costebelle, artiste
Vincent Darré, artiste et architecte d’intérieur 
Octave Perrault, architecte
Jean Bosphore, artiste
Lucas Djaou, artiste et directeur artistique
Karl Fournier, Studio KO, architecte d’intérieur 
Ichon, musicien et chanteur
Céleste Brunnquell, actrice
Nick Coutsier, danseur-chorégraphe 
Sébastien Marnier, cinéaste
Marvin M’Toumo, créateur de mode
François Rousseau, photographe
Erwan Bouroullec, designer
Margaux Salarino, photographe 
Kiddy Smile, artiste-DJ
Leslie Barbara Butch, artiste-DJ
Wilfried N’Sondé, écrivain
Kim Haddou et Florent Dufourcq, studio Haddou-Dufourcq – architectes d’intérieur
Philippe Jarrigeon, photographe