Si l’on part du principe que chaque rentrée littéraire connaît son moment fort en une œuvre et une seule, alors la livrée Automne 2012 appartient indéniablement à Christine Angot. Elle lui appartient même doublement : médiatiquement et littérairement. Médiatiquement d’abord. Avant que le lecteur puisse lire le contenu d’Une semaine de vacances, il en a abondamment entendu parler. Pourtant, avec la sortie de ce nouveau livre, il ne s’est jamais agi d’une « promo » classique. Angot a déclenché la polémique. Son livre sent le souffre, il est jugé indécent, on y a l’impression d’être témoin de scènes que l’on n’aurait pas dû voir. Une semaine de vacances sent le sperme, la douleur intérieure et la cyprine. Si son titre paraît léger, son contenu est lourd de ses non-dits…
Plus nouvelle nerveuse que roman patient, le nouveau livre de Christine Angot a ainsi, entre autres, eu les honneurs de Libération. Mardi 4 septembre 2012, l’écrivain faisait la une du quotidien de gauche accompagné de quatre pages de critiques et de chroniques. Une rareté à saluer, un large traitement ensuite dénoncé par nombre de frileux. Que les adeptes de l’inaction éditoriale et autres amateurs de marronniers, ces sujets récurrents du monde des médias — se rassurent : ailleurs on n’ose que trop rarement, ailleurs on ne prend pas de risque. Parler de littérature n’a jamais fait de mal à personne. C’est bien la passer sous silence qui est criminel. Bravo au duo Demorand-Bourmeau d’avoir remis la littérature à une place qu’elle n’occupe pratiquement plus aujourd’hui: la première, en lumière, éclairant notre époque, réinterprétant la réalité… Bravo à Angot d’avoir suscité cette envie éditoriale.
Au-delà des remous médiatiques provoqués par Une semaine de vacances, l’essentiel, c’est-à-dire la qualité littéraire, son incontestable puissance, sont bien au rendez-vous. Une semaine de vacances est un choc. Il s’agit d’un de ces livres qui vous met mal à l’aise, un livre dont vous cachez les pages aux lecteurs indiscrets qui regardent par dessus votre épaule, dans le bus ou dans le métro… Il faut dire que le récit commence tambour bâtant. Une entrée en matière in medias res avec cette scène, abondamment critiquée, déjà classique, de fellation au jambon. « Il est assis sur la lunette en bois blanc des toilettes, la porte est restée entrouverte, il bande » : voilà comment vous attrapez le lecteur par les cheveux pour ne plus jamais le lâcher. Oui, cela commence fort et l’on connaît ceux qui nous font le coup de la stratégie du choc initial assommant le lecteur. Mais la qualité d’Une semaine de vacances réside justement dans le fait qu’après avoir placé la barre haut, très haut, la qualité du récit, hyperréaliste, ne faiblit pas. Des fellations, il n’y en aura pas une mais plusieurs et la semaine de vacances se transformera rapidement en enfer affectif et sexuel. Deux personnages principaux à l’œuvre : une jeune fille, que l’on devine âgée de moins de seize ans. Elle ne sait pas vraiment qui est Franco, ne connaît pas grand chose de la vie, se laisse, de gré ou de force, pour le pire, guider. Lui, homme mûr, fin gastronome, linguiste pointilleux et irritant, il l’initie au sexe, il est son père… Ceux qui ne connaissent pas Christine Angot, ceux qui n’ont, avant Une semaine de vacances, jamais lu ses romans, se douteront bien de quelque chose. Les autres, les initiés, savent qu’il s’agit en l’occurrence d’inceste. On lira les 140 pages du court roman avec un mauvais goût dans la bouche. Oui, Une semaine de vacances a de quoi vous dégoûter durablement du sexe. La froideur des descriptions comme la réalité du contexte écœurent. Il y a pourtant ici de la grande littérature. Quelques pages qui ne s’intéressent qu’aux personnages et qui deviennent pourtant porteuses de message. Avec justesse, Angot questionne les tréfonds humains et revient sur ses obsessions littéraires. L’homme est monstrueux, le sexe est dégueulasse.
PS : J’apprends qu’Une semaine de vacances a été nommé au prix Sade 2012. Dément… Il faudra en effet que l’on nous explique comment une telle indélicatesse peut-être possible. Voir une quelconque volonté de « plaisir dans la souffrance » dans le texte d’Angot est insupportable !
[…] récompense a mille lieues du propos initial du livre. Nous le disions déjà dans les colonnes de la Règle du Jeu, malgré des passages très précis, très réels, très descriptifs, la visée du livre […]
[…] Ce que suscite Christine Angot […]
De plus ce livre a eu le prix Sade à l’unanimité !!
Ils sont vraiment tarés (pardon mais je ne trouve pas d’autres mots tellement je suis choquée) ceux qui ont donné le prix Sade à un livre parlant de l’inceste.
Merci « MarcMarc »… enfin quelqu’un qui a compris…
Je viens d’écouter Christine Angot à la radio, je suis bouleversé. Et je me demande si un jour un déclic se rendra compte enfin vraiment qu’on est en face, qu’on vit, là, aujourd’hui avec quelqu’un d’un sens et d’une intelligence supérieurs, qui dépasse tout et qui SAUVE ? Je veux dire dont le regard et les mots sont tout sauf délimités à ce qui concerne un niveau, un sujet particulier, les livres, la culture, les cases stupides séparées… mais sont branchés sur les toutes premières racines de l’instinct de pureté de la vie, celles qui permettent de comprendre l’ordre essentiel et la place de la liberté. Est-ce qu’on se rendra compte que là-dedans il y a un phare très, très puissant ? Qu’il faut les protéger ces trucs-là.
J’ai lu.
Pour qui l’a lu, le relire en supprimant un mot, un seul mot du texte : « papa ».
Il devient banal, convenu, bien écrit, bien décrit.
Et alors?
Je n’ai lu que le début pour l’instant. Le livre est court mais je dois « encaisser » chacune des scènes avant de poursuivre.
Christine Angot est la plus grande écrivaine française.
Son texte est un coup de poignard tel seuls les grands écrivains en sont capables.