Première lettre-hommage d’Oksana à Maksym (5 février 2025)

Mon univers. À moi.

Ce n’est pas ainsi que nous voulions raconter notre histoire, ce n’est pas ainsi que tout cela devait se passer. Tant de projets, tant de rêves non réalisés. Une maison à la campagne, des enfants, une famille. Et vieillir ensemble, soixante ans d’union minimum, tu n’acceptais pas moins. Têtu, comme moi ; mais aussi doux, attentionné, aimant, mon bien-aimé. Mon unique amour. Ma paix. Mon univers : Maksym Yemets, « Yenot ».

C’est sur le front que nos chemins se sont croisés, mais nous avons tout gardé secret jusqu’au bout. Notre histoire pourrait faire l’objet d’un film Tout est arrivé soudainement. Tu as fait irruption dans ma vie et tu m’as apporté un sentiment de sécurité, de soutien, d’amour. Tu étais celui que j’attendais.

Tu me rendais heureuse, apaisée, féminine. Tu m’acceptais complètement et me soutenais dans tout ce que je faisais. Tu savais aimer comme personne d’autre. Tu étais unique, et je te le disais tout le temps. Ton attitude, ta vision du monde, ton engagement forcent le respect.

Tu étais un soldat que le monde doit connaître. Tu étais un combattant, et tu as consacré ta vie à notre combat. J’admire et respecte profondément ta trajectoire. Tu étais de ceux qui ne restent pas indifférents, tu t’investissais dans la lutte et la vivais pleinement.

Ces derniers temps, tu vivais aussi à travers la création. Je publierai ton recueil, il est presque terminé. Je parlerai de toi au monde. Je te porterai dans mon cœur, ce cœur qui ne bat plus depuis ta mort.

Nous étions en général sur des fronts différents, sauf le dernier : Pokrovsk. Il nous a permis de nous voir plus souvent… mais il t’a pris pour l’éternité.

J’attendais toujours avec impatience notre prochaine rencontre. Je pouvais traverser la moitié du pays pour toi, tout comme toi tu accourais vers moi, souvent en prenant des risques, quittant la ligne de front par des routes dangereuses parce que tu avais promis de venir.

Malgré le manque de temps et la distance, nous trouvions toujours une occasion de nous voir, nous faisions l’impossible. Nous courions l’un vers l’autre. Nous cherchions constamment une opportunité.

Et hier… je cherchais ton corps. Juste pour te voir, juste pour être là.
Je t’ai trouvé, je t’ai vu.
Mais tu ne me regardais plus.
Et tu ne le feras plus jamais.
La seule chose que j’attends maintenant, c’est notre prochaine rencontre. 
La seule chose que je veux, c’est te rejoindre.

Je ne t’ai jamais rien demandé. Tous tes gestes, tes présents, tes poèmes… naissaient de toi seul, de ton amour. La seule chose que je t’ai demandée, c’était d’être là. Simplement là.

Et je t’aimais simplement parce que tu étais là.
Comme toi tu m’aimais.
Et maintenant tu n’es plus là – toi, le sens de mon existence ».
Je rêve de te revoir vite.
S’il te plaît, attends-moi.
Tu étais mon pilier, mon soutien, mon îlot de sécurité et de calme. 
Tu étais le seul capable d’apaiser mon caractère de feu avec ton amour.
Je t’aime, mon univers.
Ta petite étoile.

Ne m’écrivez rien en réponse à ce texte, s’il vous plaît. Je ne l’ai pas écrit pour recevoir des condoléances. Ce post n’a d’autre but que de parler de la plus belle personne que j’ai rencontrée, du plus doux des hommes, de l’amour de ma vie, de mon univers.

Maksym Yemets est assis à une table d'un restaurant, il tient la main d'Oksana Rubanyak qui prend la photo. Sur la table il y a un bouquet de roses.
Maksym Yemets prend la main de sa fiancée Oksana Rubaniak, dans un moment de répit avant de regagner le front. Maksym est né le 21 octobre 1994, et est tombé le 04 février 2025.

Deuxième lettre-hommage d’Oksana à Maksym (4 mars 2025)

Yemets Maksym – « Yenot » –, un soldat, un combattant, un HÉROS
(21 octobre 1994-4 février 2025)

Quand tous les mots et toutes les répliques se mélangent, quand les pensées bourdonnent comme un essaim ou bien se dissipent comme des herbes sèches emportées par le vent, et que le cœur est vide, il est difficile d’assembler les mots. Mais aussi grande que soit la blessure causée par la perte d’un héros, il faut parler de lui. Parce qu’un héros vit tant qu’on se souvient de lui, qu’on parle de lui, qu’on l’honore.

Maksym a consacré un tiers de sa vie à la guerre : plus de dix ans. Il a rejoint les Forces armées ukrainiennes à l’âge de 19 ans et a gravi les échelons de soldat à lieutenant-colonel.

Maksym Yemets, « Yenot », incarnait le courage, le dévouement et une foi inébranlable en la victoire de l’Ukraine. C’était un homme de principes, juste et professionnel.

Il est toujours resté fidèle à ses valeurs, ses convictions. Je n’ai jamais rencontré une personne aussi constante dans ses idées et sa vision que Maks. Il aimait la vérité, il était juste, honnête et d’une bonté extraordinaire. Je lui disais souvent : « Tu es trop bon pour ce monde cruel. » Et c’était vrai. Jamais je n’ai rencontré une âme aussi bonne : il était sensible, attentionné, compatissant, loyal.

Maks essayait toujours d’aider, d’enseigner, de soutenir. Ses conseils méthodiques, ses longues années d’expérience, son esprit vif et lumineux ont sauvé de nombreuses unités dans les moments les plus difficiles. Grâce à son savoir, Maksym menait des opérations militaires réussies, sauvant des soldats, parfois en personne, comme lorsqu’il est allé, seul, secourir des blessés et a lui-même été grièvement blessé, mais a réussi à sauver ses camarades. Car pour lui, les personnes étaient ce qu’il y avait de plus important.

Il a traversé des dizaines de combats, de blessures, de zones du front et de postes de commandement. Il a dirigé de nombreuses unités – d’un peloton à une compagnie, un bataillon, et dernièrement des brigades entières étaient sous son commandement.

Stratège, tacticien, meneur, professionnel. Le parcours de Maksym Yemets dépasse les capacités de la plupart, mais lui n’en parlait jamais publiquement. Il projetait d’écrire un jour un roman pour tout raconter. Malheureusement, cela n’arrivera jamais, c’est donc maintenant à nous de parler pour lui, de porter en nos cœurs la mémoire du combattant, de raconter son parcours, de diffuser au monde ses enseignements, ses réalisations, sa créativité.

Pas un jour ne passe sans que je pense ou parle de toi. Je m’endors en te suppliant : « Viens dans mes rêves ! » Je me réveille en me demandant : « pourquoi ? ». Je repense à nos jours heureux, je regarde nos photos, nos vidéos, je relis nos messages, tes poèmes, je réécoute les vidéos et les audios que tu m’as envoyés. C’est tout ce qu’il me reste désormais. Un amour indicible et un immense respect.

Dans ton cœur courageux régnait une incroyable bravoure. Le danger t’a toujours accompagné et tu savais comment le contourner. Ton corps criblé de blessures, par éclats ou par balles, une grave commotion causée par des bombes aériennes près de Pokrovsk – mais tu continuais à te battre, fidèle à ton serment, à tes frères d’armes, à ton pays, à toi-même.

Tu as toujours choisi l’action, la présence, le combat. Ton caractère inflexible et ton esprit indomptable inspiraient et forçaient le respect. N’importe qui d’autre aurait abandonné. Pas toi.

Seuls tes proches savaient par quelles douleurs tu passais chaque jour, tout ce que tu devais endurer dans le service pour exécuter des missions de combat et repousser l’ennemi. Tu voulais la justice et la paix pour notre pays. Tu voulais vaincre l’occupant et vivre dans un pays libre.

Je poursuivrai ton œuvre. Je garderai ta mémoire vivante et je réaliserai tout ce que tu voulais. C’est le minimum que je puisse faire en ton honneur. C’est la seule chose qui ait encore un sens.

Même si tu me manques d’une manière indescriptible et que rédiger ta biographie au passé est un cauchemar, je remercie chaque jour le destin de nous avoir réunis, de nous avoir permis de vivre un amour si heureux. Je m’incline devant toi, devant tes actes héroïques, ton travail titanesque et ton dévouement à notre pays.

Ton engagement envers l’Ukraine, ton service et ta contribution à notre lutte méritent reconnaissance.
Tu mérites le titre de héros de l’Ukraine.
Tu mérites que le monde entier connaisse ton nom.
Honneur à toi, soldat.
Je t’aime, mon univers.

Maksym Yemets et Oksana Rubanyak prennent un selfie la nuit, Maksym tient un gros nounours dans les bras, et à ses côtés Oksana tient un bouquet de roses d'un côté et des ballons roses et blancs avec des coeurs de l'autre.
Oksana Rubaniak et son fiancé, Maksym Yemets, mort au combat le 4 février 2025, à l’âge de 30 ans. Ils projetaient de se marier et de fonder une famille.


Un commentaire

  1. Ces deux lettres sont si poignantes, tous les russes sans exception devraient les lire et se taire : enfin. Merci Oksana

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