En 2012, c’étaient les combattants libyens qui prenaient la parole à Cannes. En 2015, les peshmergas du Kurdistan à Paris. Cette fois, Bernard-Henri Lévy remet dans la lumière les soldats ukrainiens.
Invités à témoigner, ces femmes et ces hommes sont montés sur scène pour raconter leur guerre, bouleverser un public venu en nombre, et faire entendre un message sans détour : l’Ukraine a besoin du crucial soutien de la France.
Leur voix s’est élevée lors de l’avant-première au cinéma Le Balzac, le 24 juin, du documentaire Notre guerre, de Bernard-Henri Lévy, coréalisé avec Marc Roussel. Dans une salle à l’écoute, le ministre ukrainien de la Culture et de l’Information, Mykola Totchytsky, ainsi que l’ambassadeur d’Ukraine en France, Vadym Omelchenko, ont pris la parole au nom de l’État présidé par Volodymyr Zelensky.
Puis les visages de la guerre se sont succédé sur scène. Le général Artem Bohomolov, figure héroïque des batailles de Bakhmout et Soledad. Bogdan Gervaziuk, engagé dans la Garde Nationale de l’Ukraine et ange gardien du tournage. Et Oksana Rubaniak, poétesse et lieutenante d’une unité de dronistes, à seulement 22 ans.
Tous ont été introduits par Bernard-Henri Lévy, qui a également fait monter sur scène l’un de ses compagnons dans ce projet : Slava Vakarchuk, compositeur de la bande originale du film.

L’adresse à la France des Ukrainiens lors de l’avant-première du film Notre guerre

Dominique Ambiel, producteur de Notre Guerre : Je voudrais rappeler – et vous allez le voir dans les images qui seront projetées ici –, que l’Ukraine est notre guerre. Et j’aimerais inviter le ministre de la Culture d’Ukraine, monsieur Mykola Totchytsky à me rejoindre, en le remerciant infiniment de sa présence ici ce soir.

Mykola Totchytsky, ministre ukrainien de la Culture et de l’Information : Bonsoir à toutes et à tous, Mesdames et Messieurs. Bonsoir, cher Bernard-Henri Lévy, chers amis de l’Ukraine, chers défenseuses et défenseurs de l’Ukraine. Davantage qu’un film, c’est un témoignage que nous allons regarder aujourd’hui, et un courageux manifeste de vrais amis de l’Ukraine depuis des années que le peuple ukrainien lutte. Notre guerre, n’est pas simplement un film, c’est un bouleversant reflet d’une réalité dans laquelle nous tous et toutes, les Ukrainiens, vivons chaque jour. Ce document parle de l’Ukraine, de ce que nous sommes et de ce que nous deviendrons. Il montre des visages, il montre une nation debout, une nation unie. 

Je remercie la France pour son soutien depuis 2014, et surtout après l’agression russe. Et je remercie bien sûr de tout mon cœur Bernard-Henri Lévy qui est avec nous depuis 2014. Il a vu, il a compris, il a choisi son camp. 

Ce film est le quatrième volet de ce que vous, Bernard-Henri Lévy, désignez comme votre « journal ukrainien ». Pour nous, c’est bien plus qu’un cycle cinématographique. Oui, notre guerre est aussi votre guerre, comme cela a été dit. Et je vous remercie infiniment d’avoir compris que c’est une guerre pour les valeurs européennes et pour tout ce qu’on appelle la démocratie. 

Slava Ukraini ! Vive la France ! 

Bernard-Henri Lévy, auteur de Notre Guerre : Merci, Monsieur le Ministre – et merci beaucoup pour votre présence aujourd’hui, qui est très importante pour nous tous. Je voudrais également remercier Dominique Ambiel qui a rendu possible ce film, qui l’a produit. Je voudrais remercier France Télévisions qui nous a accompagnés dans cette aventure, madame Delphine Ernotte, monsieur Stéphane Sitbon-Gomez. Merci au merveilleux Antonio Grigolini, le directeur des documentaires qui, dès le premier coup de téléphone, lorsque je l’ai appelé de Pokrovsk, m’a donné « un oui franc et massif », comme on disait en d’autres temps.

Merci à un très cher ami qui aurait dû être là ce soir, qui a coproduit avec mon père mon premier film sur le siège de Sarajevo et qui a gardé l’habitude, depuis la disparition de mon père, de m’accompagner dans toutes mes aventures de cette sorte : il s’appelle François Pinault et ce film lui doit aussi d’exister.

Je voudrais remercier l’équipe du film et je voudrais qu’elle vienne à mes côtés. 

D’abord Emily Hamilton, qui a produit le film et qui l’a piloté à distance depuis New York, en faisant fi du décalage horaire – au risque, parfois, de perturbations dans sa vie de maman. Je me souviens d’une conversation lors de laquelle nous étions coincés à Pokrovsk et où, de votre côté, vous étiez en train d’accompagner la petite Alice à l’école – merci, Emily.

Je voudrais remercier le réalisateur du film, mon coréalisateur depuis quatre films – et même avant, puisque nous avions réalisé ensemble Le serment de Tobrouk – : Marc Roussel, dont le courage m’épate depuis vingt ans. 

Je voudrais remercier l’homme sans qui je serais incapable, non seulement de faire des films, mais même de voyager dans des contrées lointaines : mon très vieil et cher ami Gilles Hertzog. 

Je voudrais appeler celui qui nous accompagne aussi depuis Pourquoi l’Ukraine, qui a ajouté un peu de son âme à l’âme de nos films, puisqu’il a composé la musique de Pourquoi l’Ukraine, la musique de Slava Ukraini, la musique de L’Ukraine au cœur, et maintenant la musique de Notre guerre : Sviatoslav – Slava – Vakartchouk. 

Je voudrais remercier celle qui a monté ce film – et je peux vous dire que le montage n’était pas facile – : Sarah Roussel. Merci infiniment, ma chère Sarah, d’être là. 

Et merci également à Élodie et à Damien Codaccioni qui, avec leurs camarades, se sont occupés du mixage et du mastering du film.

Je voudrais maintenant remercier les membres ukrainiens de l’équipe. D’abord, Serge Osipenko, mon frère – c’est un mot que je n’emploie pas à tort et à travers, mais je tiens Serge Osipenko pour mon frère en âme et en esprit depuis mon premier film ukrainien. C’est mon ami le plus mystérieux et l’un de mes amis les plus chers. Il est l’homme qui, avec Emily, a piloté ce film d’un bout à l’autre, d’une scène à la suivante, avec une méthode et un acharnement absolus.

Je voudrais remercier deux hommes qui m’ont eux aussi fait l’honneur d’être là, deux hommes qui, lorsque nous dormions dans des bunkers, prenaient soin de dormir dans la partie la plus exposée ; qui, lorsque nous avions la chance, parfois, à Kramatorsk ou ailleurs, de trouver un hôtel, dormaient à côté de ma chambre. Ils ont organisé cette petite compagnie de fixeurs, de précurseurs et d’anges gardiens qui ont rendu ce film possible : Bogdan Gervaziuk et Serhii Vinohradov. Nous pouvons dire, Marc et moi, que nous ne serions peut-être pas là, aujourd’hui, sans vous – et je vous remercierai toujours pour cela. 

Je voudrais maintenant aussi remercier quatre personnes qui nous ont fait l’honneur de venir jusqu’ici. 

Je commencerai par une jeune femme, Oksana Rubaniak, qui, avant la guerre, était écrivaine et poète. Elle est l’un des personnages du film. À 22 ans, elle est la commandante d’une unité de dronistes dans la région aujourd’hui la plus exposée du front à Pokrovsk. 

Et puis un homme : le général Artem Bohomolov, héros de la bataille de Bakhmout, héros de la bataille de Soledar, héros de la bataille de Vassylkiv, héros de la bataille de Sloviansk, grièvement blessé il y a quelques semaines à Koupiansk et que je vois, pour la première fois depuis plusieurs mois, marcher sans canne – et c’est formidable ! .Merci, Général Artem Bohomolov.

Ce film n’aurait pas été possible sans l’absolue confiance que nous ont accordée les militaires ukrainiens et l’Ètat-major. Et il y a ici parmi nous un représentant de l’État-major ukrainien que je tiens à remercier : monsieur Oleksandr Tupik. Oleksandr Tupik et quelques-uns de ses camarades étaient avec nous dans quelques-unes des missions les plus compliquées. 

Enfin, et peut-être est-ce le plus important, ce film – vous allez le comprendre très vite – n’aurait pas été possible sans la confiance que nous a accordée le président Zelensky. Nous avons l’honneur d’avoir dans cette salle son représentant en France : Vadym Omelchenko, l’ambassadeur du président Zelensky et de l’Ukraine à Paris – merci, Monsieur Vadym Omelchenko. Ce film, mon cher Ambassadeur, est aussi le vôtre. 

Avant de passer à la projection, je voudrais que nos amis ukrainiens nous disent quelques mots.

Vadym Omelchenko, ambassadeur d’Ukraine en France : C’est la quatrième fois que je vais voir ce film, et c’est toujours un plaisir et un honneur pour moi. Je me suis demandé pourquoi vous faites cela : pourquoi vous allez de Paris à Pokrovsk et à Tchassiv Yar, pourquoi vous prenez toujours tant de risques. Vous seul connaissez la réponse, mais moi j’ai une explication : c’est parce que vous êtes un vrai héros et parce que, dans votre cœur, vous êtes toujours du côté des victimes innocentes. Et c’est pourquoi je vous aime. Comme l’a dit mon ministre de la Culture : ce film est un vrai témoignage de notre combat. Je vous en remercie.

Général Artem Bohomolov, figure héroïque du front : C’est un immense honneur pour moi d’être présent dans cette salle avec mes confrères, avec ceux qui défendent l’Ukraine, et c’est donc aussi pour moi l’occasion de remercier le peuple français pour son soutien et pour son aide. C’est un grand plaisir de revoir Bernard-Henri Lévy ce soir, en tenue civile. Le film est très bien fait ; il reflète vraiment la situation – en atteste, s’il le fallait, la réaction des Russes sur les chaînes d’information russes eu lendemain de la projection de ce film au Festival de Cannes il y a un mois. Comme vient de le dire Vadym Omelchenko, Bernard-Henri Lévy est un héros. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a obtenu la récompense qu’il arbore sur sa veste. Je remercie beaucoup Bernard-Henri Lévy d’ouvrir les yeux du monde sur ce qui se passe actuellement en Ukraine – c’est très important. Lui et son équipe ont réussi à transmettre la douleur que ressent actuellement le peuple ukrainien. Je suis persuadé que grâce à de tels documentaires et grâce à des équipes comme celle-ci, nous allons gagner. Les films, le cinéma et la culture en général sont aussi des armes, et nous en avons vraiment besoin. Merci beaucoup.

Bogdan Gervaziuk, soldat et ange gardien du tournage : Bonsoir, France. C’est un immense honneur pour nous de venir à Paris. Bernard-Henri Lévy et moi avons fait connaissance au début de la guerre à grande échelle, en 2022 ; et depuis, Bernard est devenu notre meilleur ami étranger, un soutien pour l’Ukraine, un soutien des forces armées ukrainiennes. Je suis très fier de lui parce qu’il est très courageux. Je me souviens qu’en 2022, nous nous sommes retrouvés au milieu d’une fusillade. J’ai été surpris de voir un civil au beau milieu de la guerre, et je n’ai vu aucune peur sur son visage. Nous nous sommes ensuite déplacés dans différentes zones où les combats faisaient rage, par exemple à Klichtchiivka ou bien près de Kherson, dans des endroits où, à chaque fois, Bernard-Henri Lévy pouvait témoigner en montrant ce que les Russes faisaient à notre peuple. Durant les séjours de Bernard en Ukraine, notre objectif principal était de lui montrer la situation afin qu’il puisse la filmer pour montrer ensuite à son tour au monde entier ce que subit le peuple ukrainien. Nous sommes vraiment reconnaissants à Bernard-Henri Lévy et au peuple français. Merci pour votre soutien ! Ensemble vers la victoire !

Slava Vakartchouk, chanteur et compositeur ukrainien : Tout d’abord, c’est un immense honneur pour moi de me tenir sur cette scène, aux côtés de ces personnes distinguées. Ceux qui sont en uniforme sont les véritables héros de l’Ukraine. Offrons-leur la plus grande ovation – merci beaucoup. Deuxièmement, et c’est tout aussi important, c’est un grand honneur pour moi d’être sur cette scène avec une équipe aussi merveilleuse – des amis avant tout. Nous avons travaillé tous ensemble sur ce film, mais je tiens à remercier tout particulièrement le chef de cette équipe et le père de ces films : Bernard-Henri Lévy, mon très bon ami. Ce fut une extraordinaire expérience pour moi de travailler sur ces films – car il ne s’agit pas d’un seul film, nous en avons déjà fait trois. Mais celui-ci, le quatrième, a été le plus bouleversant pour moi, vous le verrez – ou plutôt vous l’entendrez – à travers la musique. Merci beaucoup, Bernard-Henri Lévy, et merci beaucoup à la partie française de cette équipe, ainsi qu’à la partie américaine, de faire connaître l’Ukraine, de diffuser la vérité sur l’Ukraine. Merci de transmettre une image juste et pleine d’espoir de l’Ukraine. Car si bien sûr, aujourd’hui, nous avons encore besoin d’armement, comme le dit notre président, au-delà de cela, nous avons besoin de cette arme spirituelle, culturelle, non seulement de la part des Ukrainiens, mais du monde entier. C’est un immense honneur de me tenir ici, en France, berceau du monde libre et de la démocratie, et de dire un grand merci à tout le peuple français pour son soutien. J’espère – non, je suis certain ! – qu’avec des gens comme vous, avec le peuple français, avec la France, l’Ukraine vaincra, elle triomphera de cet ennemi cruel qui représente une menace non seulement pour l’avenir de l’Ukraine, mais aussi pour l’avenir du monde libre et de la démocratie. Merci de le comprendre et, s’il vous plaît, continuez à soutenir l’Ukraine. Nous avons besoin de vous et nous vous en serons extrêmement reconnaissants pendant des milliers d’années. Merci infiniment. Slava Ukraini !

Oksana Rubaniak, poétesse et lieutenante d’une unité de dronistes : Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui et cela me fait plaisir que vous soyez tous venus pour l’avant-première de ce documentaire à Paris. Votre présence reflète le soutien que vous et votre peuple apportez à l’Ukraine. Je suis vraiment reconnaissante à Bernard-Henri Lévy qui se déplace dans toutes les zones où les combats font rage. Il montre au monde entier la vérité. C’est très compliqué et très courageux de parler de la vérité lorsque tout le monde essaie de la dissimuler. J’ai fait la connaissance de Bernard-Henri Lévy quand mon unité était du côté de Pokrovsk. Quelques mois auparavant, mon fiancé était décédé et je parle de cela dans le documentaire. C’était quelqu’un de très courageux. Il y a dix minutes, j’ai reçu un message m’annonçant qu’il a reçu la Croix du Mérite, la plus haute distinction militaire en Ukraine – voilà pourquoi j’ai la voix tremblante. Mais je suis vraiment heureuse que ce soir vous découvriez ce que font nos héros et ce qu’a fait mon fiancé. Je tiens à souligner que nos soldats défendent non seulement l’Ukraine, mais aussi le monde entier. J’espère que nous serons en mesure d’arrêter l’ennemi là où il se trouve actuellement pour qu’il ne puisse pas atteindre vos maisons, vos amis, vos familles. Vive nos soldats ukrainiens ! Vive l’Ukraine !

Bernard-Henri Lévy : Merci à tous. Pour terminer, je tiens à signaler un drame étrangement ignoré : le drame des enfants ukrainiens kidnappés par l’armée russe. Vous verrez que le président Zelensky en parle dans ce film ; c’est l’un des sujets les plus bouleversants de cette dernière partie de l’histoire telle que nous la rapportons. Une grande campagne nationale va être lancée dans quarante-huit heures, portée en France par le magazine L’Express, une campagne initiée par nos camarades ukrainiens, par Sting, par Sean Penn, par Charlotte Gainsbourg, Marina Abramovic, Alexandra Matviichuk, moi-même. Merci à tous et bonne projection. 

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