Le discours de James Temerty lors de la remise du Prix Sheptytsky à Lina Kostenko

J’ai le privilège de vous présenter Lina Kostenko, lauréate du prix Sheptytsky de cette année 2025, qui honore de sa remarquable contribution la construction de ponts entre les communautés dans l’esprit du métropolite Andrey Sheptytsky.
Lina Kostenko est une figure emblématique de la littérature ukrainienne, souvent qualifiée de « conscience intransigeante » et de « reine de la poésie ukrainienne contemporaine ».

Née à Kyiv en 1930, elle a été témoin des dévastations causées par les purges de Staline et la Seconde Guerre mondiale. Son père, professeur polyglotte, a été emprisonné et la maison de son enfance sur l’île de Trukhaniv a été détruite par les forces nazies. Elle a commencé à écrire dès son plus jeune âge, après avoir vécu les destructions de la Seconde Guerre mondiale. Ces expériences de perte et d’injustice ont nourri l’engagement de sa vie en faveur de la vérité, de l’empathie et de la dignité humaine – valeurs qui résonnent profondément avec l’héritage de Métropolite Sheptytsky.

En tant que chef de file du mouvement des « Shistdesiatnyky » (les « Soixantards ») dans les années 1950 et 1960, Kostenko a fait revivre la poésie lyrique ukrainienne sous l’oppression soviétique. Ses recueils –  Rayons terrestresVoiles et Voyages du cœur – abordent des thèmes à l’humanité universelle et témoignent de son esprit de résistance. Ils touchent des publics divers, et notamment les communautés juives et ukrainiennes, unies par des histoires de souffrance et de survie. Sa poésie, tel le poème Les Ailes, célèbre ces ailes intangibles que sont la vérité, l’honnêteté et les rêves qui nous unissent tous au-delà des clivages culturels et ethniques.

Le courage de Kostenko allait au-delà de ses mots. Dans les années 1960, elle a protesté contre les arrestations soviétiques d’intellectuels ukrainiens, dont beaucoup, comme le dissident Ivan Svitlytchny, œuvraient à préserver des identités culturelles menacées. En écho aux efforts de Sheptytsky pour protéger les vies juives et ukrainiennes en temps de persécution, Kostenko s’est opposée à la censure soviétique et à l’autoritarisme. Elle a ainsi favorisé une solidarité entre les groupes opprimés. Réduite au silence public, la poétesse a continué d’écrire.

Son refus de recevoir le titre de « Héros de l’Ukraine » en 2005, qu’elle a qualifié de « breloque politique », a mis en évidence, une fois de plus, son attachement à l’intégrité plutôt qu’aux honneurs.

Par son art et ses actions, Lina Kostenko a construit des ponts afin de nous rappeler notre humanité commune.

Sa poésie, traduite et appréciée dans le monde entier, continue d’inspirer le dialogue et la confiance entre les communautés. En 2022, au cœur de l’invasion russe, elle a défendu la beauté de la langue ukrainienne, plaidant la fierté culturelle comme force unificatrice. Elle s’est opposée à la répétition des vulgarités russes, qui portent atteinte à l’image de l’Ukraine et à la beauté de sa langue. Elle a déclaré qu’« Il n’existe peut-être rien de comparable au monde à la langue ukrainienne. La langue est un rossignol, tandis que le diable bavarde. »

Aujourd’hui, nous honorons Lina Kostenko avec le Prix Sheptytsky pour avoir incarné la vision de compassion et d’unité du Métropolite.
Elle est poétesse et patriote. 
Cette bâtisseuse de ponts a des ailes qui nous élèvent.
Je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer cette femme extraordinaire.

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