La vie, en Israël, n’a décidément pas de prix. Il y a bien eu, çà et là, des voix légèrement discordantes. On a entendu tel ministre ou, désormais, ancien ministre d’extrême droite noter que quatre otages juives contre deux cents auteurs de crimes de sang palestiniens était tout de même cher payé. Mais, pour l’essentiel, tout le monde fut d’accord. Des familles pieusement réunies, chaque samedi soir, depuis quinze mois, place des Otages, à un Premier ministre que l’on disait indifférent et cynique, il n’y eut guère de fausse note. Le peuple juif demeure le peuple où le non-respect du Pidyon Chevouim, l’impératif du rachat des captifs, est comme la violation de « sept commandements de la Torah ». Il reste cette exception qui, à l’inverse des empires qui ne connaissent que les grands nombres, dit et répète : « le seul très grand et très vrai nombre, le seul qui compte, c’est l’Un dans l’homme, l’Un de l’homme et l’Un de chaque vie sauvée qui vaut, dit Maïmonide, tous les shabbats du monde ».

Et je ne connais personne, à Tel-Aviv et Jérusalem, qui ait vu sans émotion les images de Karina, Daniella, Naama et Liri retrouvant, vivantes, les familles qui les attendaient – personne qui ne se soit dit : « ces quatre jeunes filles ont, contrairement à d’autres dont on attend les dépouilles, survécu à une détention atroce ; mais, si la survie est la forme la plus humble de la vie, celle qui nous tient juste au-dessus du désespoir et de la mort, elle est aussi, quand c’est celle d’un otage qui résiste, indomptable, aux humiliations et aux tortures, la forme la plus haute de la vie, celle qui plane au-dessus de nous comme un secret encore plus grand que celui du malheur ».

Mais il y a eu l’autre image. Celle qui a précédé le moment, magnifique, des retrouvailles. Et ce fut l’image de la petite estrade où les quatre jeunes femmes furent forcées de monter et où on les vit arborer un sourire forcé, saluer on ne sait qui (la foule palestinienne juchée, face à elles, sur des gravats dont on avait fait des gradins ? les geôliers ? leurs familles, là-bas, très près et très loin, de l’autre côté du miroir ?) et tenir, chacune, à bout de bras, un étrange sac en kraft contenant – ce n’est pas une plaisanterie ! – des provisions pour la route, des goodies, une carte de « la Palestine » ou, comme si elles étaient des marchandises, un certificat de remise à la Croix-Rouge qui se sera, elle, conduite jusqu’au bout sans dignité. Cette seconde image était glaçante. À cause des sourires d’enfant des soldates pétrifiées à la perspective de ces dernières minutes, si près du but et, pourtant, interminables, poisseuses et où tout pouvait encore capoter. À cause des hommes en noir, cagoulés, qui les entouraient, certains collés à elles avec leurs regards de poissons morts, certains de dos, uniformes dépareillés, en train soit de les filmer au portable soit de faire le V de la victoire. Et puis à cause de ce que la scène voulait signifier et a, en effet, signifié, pour les foules qui, de Jabalia à Rafah, mais aussi, par-delà Gaza, de Jéricho à Ramallah ou du Caire à Amman, la suivaient en direct et se la repassent, depuis, comme on fait d’une image culte : une armée du crime touchée mais pas coulée, affaiblie mais pas vaincue – une armée qui ne rendra, bien souvent, que les restes des captifs mais qui n’en garde pas moins le pouvoir de tenir la dragée haute à Israël.

Cette idée n’est pas supportable. Et c’est le moment ou jamais, face au « lâche soulagement » qui accompagne trop souvent la grave et belle joie de voir revenir les premiers otages, de se rappeler qu’Israël a toujours eu, dans cette guerre, deux objectifs. Les otages (dont on notera, au passage, que le retour n’est possible que grâce à la pression militaire d’Israël – pourquoi, sinon, se priver de cet autre bouclier humain que sont, depuis 479 jours, les séquestrés des tunnels ?). Mais aussi la défaite totale, sans reste ni merci, des derniers escadrons pogromistes (car comment, sans cela, ne sortiraient-ils pas de ce désastre comme des résistants auréolés d’un halo noir faisant à nouveau rêver les âmes tentées, en Israël et ailleurs, par le djihad ?). Car il n’est pas vrai que cette tentation soit irrésistible. Ni que réduire au silence le porteur d’une idée n’ait jamais pour effet que de faire naître une nouvelle vocation, prête à prendre le relais. Al-Qaïda ne fut-il pas freiné dans son élan après sa défaite de novembre 2001, entre Tora Bora et Kaboul ? Et Daech stoppé dans son expansion, après qu’une coalition de nations libres a, de Mossoul à Raqqa, détruit son califat ? Eh bien de même à Gaza. Rien ne serait plus périlleux que d’y laisser derrière soi, comme disait Machiavel, un prince blessé mais épargné. Tant que le Hamas y conservera ne serait-ce qu’une fraction de sa capacité de frapper et même d’administrer, je ne souhaite, avec lui, ni « cessez-le-feu durable », ni « paix de compromis », ni « solution politique ». Il y va de la survie des deux peuples – israélien, mais aussi palestinien : le Hamas doit être détruit ; Israël, qui ne l’a pas voulue, doit gagner cette guerre.

6 Commentaires

  1. Les chiens de prairie se reproduisent comme des lapins. Ceci n’a rien d’étonnant, dès lors qu’ils représentent un gibier de choix pour l’aigle royal des montagnes. Mais regardez comme la nature est bien faite pour que nos adorables petits rongeurs de Walt Disney parviennent à se faufiler dans les interstices rocheux d’un clapier phonolitique, meurtrières de fortune bien trop étroites pour qu’un rapace puisse y enfouir davantage que son bec d’épouvante.
    On s’attendrait au moins à autant d’instinct de conservation de la part d’une espèce dotée d’un intellect dit supérieur aux fonctions cérébrales des autres races d’élites du règne animal. Et pourtant.
    Toujours pas de planification familiale offrant des moyens de contraception aux musulmanes, — peu compatible avec le suprémacisme coranique ? — je ne vous le fais pas rire. — Ben alors ! comment qu’on régule ? En provoquant des bombardements ennemis sur sa propre population ? — va savoir !
    Pas un jour ne se passe sans qu’on nous presse d’accroître la sensitivité de notre fibre humaniste afin de mieux ouvrir nos bras à une nouvelle vague de damnés en provenance d’une terre d’islam devenue atrocement invivable, telle que la Côte d’Ivoire, le Nigéria, l’Algérie, la Tunisie ou le Maroc.
    Pas une nuit ne trépasse sans que l’on ressuscite l’idée que la démocratie israélienne sème à Gaza une barbarie sans nom et sans égale. Et malgré cela.
    Aucun ferry-boat people mis en service par la Ligue pan-nationaliste arabe pour assurer des navettes quotidiennes entre le camp de concentration à ciel ouvert des négationnistes négatifs et, au hasard… Dubaï ? ce paradis des philanthropes du monde entier ! Cela étant.
    Il n’est pas illogique qu’une chevalerie de l’ordre de Satan ait élu domicile en enfer. Sans compter que.
    Pour un citoyen protopalestinien oummistiquement inéligible au droit d’asile, la perspective eldoradière est un concept qui se cantonne aux sphères concrètes du rêve et abstraites du réel.

  2. L’Acommunauté pense Grossmufti.
    L’Occidenté en bouffe matin, midi et soir.
    Allons-nous nous soumettre au gavage ? On peut toujours courir.
    Après le passage de l’ouragan Trump, que restera-t-il de l’ordre international ? Avant de songer à la restauration d’un droit si âpre à observer, au profit de quelle cause et de quel infrapeuple est susceptible de s’éventrer le cheval de Troie de l’internationalisme ?
    Globalcop évoque l’idée d’un déplacement de population qui lui laisserait le temps nécessaire de nettoyer en grand le complexe militaro-terroriste de Gaza. Pour la Ligue et consorts emboîteurs de pas de l’oie, « déplacement » devient aussitôt « déportation » et l’ethnicisation du nettoyage transforme dans la foulée le Hyperchief des Yankees youpinistes en planificateur de crime contre l’humanité.
    Le peuple palestinien n’existera qu’à partir du moment où il se sera délesté de la mission de première importance que les prétendants à la succession mahométane lui ont implicitement assignée, à moins que cela ne se fût fait le plus explicitement du monde ; faute de quoi, pas de peuple palestinien : tout juste le prolongement de la présence d’une colonie de peuplement dans sa version méta-impérialisée.
    Du moins pas davantage de peuple palestinien en 48 que de peuple pied-noir en 62 ; pour le dire autrement, c’est ou et l’un et l’autre ou ni l’un ni l’autre ; soit on accorde un État et aux Palestiniens et aux Pieds-Noirs, soit on organise le rapatriement vers leurs pays d’origine des populations non juives de la Judée occupée.
    Deux poids, une mesure : pas de retour des réfugiés palestiniens avant que la réimplantation en Algérie de trois générations de Pieds-Noirs (inintégrables ?) n’ait été appelée de nos vœux et accueillie par leurs persécuteurs d’un Mea culpa officiel, réparateur et rédempteur ?
    À moins, bien entendu, qu’il n’existe une alternative à notre charmeuse obsession d’une solution à deux États… j’entends par là quelque chose d’autre qu’un État pied-noir indépendant qui saurait nouer des relations basées sur le respect mutuel et une communauté d’intérêts stratégiques — là, je pousse un peu ! — avec un peuple algérien enfin réconcilié, les deux anciens cohabitants nord-africains vivant enfin en paix, car en sécurité, de chaque côté de leur frontière commune ?
    Je propose donc ici, comme condition préalable à des pourparlers de paix déminés entre Israël et les pantins du Quatrième Reich, que nous, l’ordre international étant censé avoir les droits fondamentaux chevillés au corps, renoncions de céder à l’euphorique déflagration des mensonges capitaux.
    Si colonisation il y a en Cisjordanie, celle-ci a pour nom la Cisjordanie.
    Si vous voulez absolument mettre les projos sur un génocide en Terre sainte, allez plutôt déterrer les vestiges d’un pacte entre Adolf Hitler et Mohammed Amin al-Husseini, promu par le Führer responsable de la mise en œuvre de la Solution finale aux tout Proche et très Moyen-Orient pour commencer, puis, si possible, sur chaque centimètre carré d’une Oumma en voie de nazification.
    Je peux comprendre que mon point de vue sur ces questions ne me rende pas extraordinairement séduisant auprès d’un Ennemi dont le rabattement dans l’enclos des droits de l’homme demeure notre priorité n° N, mais depuis quelques mois, mes chakras éprouvent quelques difficultés à voguer sur les ondes sympathisantes du Mahatma Gandhi ; toujours cette foutue nazie-incompatibilité… Croyez-le ou non, mais c’est pour moi une vraie tannée.
    Ils nous font chanter ? J’en suis fort aise : eh bien ! comment envisagez-vous le prochain épisode… « Au bal des empires » ? Mais alors, que faire sinon risquer le basculement des Juifs dans le torquémadisme en proclamant un ordre d’expulsion frappant non pas cette parodie de peuple palestinien, mais tout de même une population arabo-musulmane constituant une minorité ethnoreligieuse dont nous aurions aimé qu’elle émît le souhait de contribuer à la diversité de la société israélienne, laquelle minorité islamiste se distingue par la particularité d’être à 99, 9 % antisémite à tendance génocidaire, ce qui par définition est un obstacle majeur à la réalisation du rêve de Theodor Herzl ?
    Dénazifier l’Oumma, peut-être…
    Y êtes-vous prêt ?

    • Au risque d’accentuer la dystonie oromandibulaire de la Bête, que ces populations qui, depuis la proclamation de l’indépendance de l’État juif, n’ont jamais eu d’autre fonction que d’y implanter une tête de pont au service du plan de reconquête d’un faisceau d’empires islamiques en compétition intermittente, renoncent, pour prouver leur bonne foi et libérer leur quête de paix du masque de honte dont les affuble leur conscience difforme, à satisfaire les appétits de l’Internationale antisémite, dite convergence des révolutionnaires de tous les pays.
      La nation palestinienne arabo-musulmane des osloïstes des deux bords de la ligne de démarcation entre Israël et le Quatrième Reich, naîtra de cet éclair de lucidité, ou bien elle se tuera dans l’œuf de mille ans du syncrétisme cryptodualiste, quand bien même les humanitaristes à géométrie variable de l’Organisation des Nations antisionistes unies auraient donné consistance à sa fumisterie, avec la bénédiction d’une gauche israélienne engluée dans les rets gros-poissonneux et petits-poisseux d’un syndrome de Stockholm collectif.
      Bribes d’empire démantelé originaires des terres pré-lawrenciennes ennemies jurées des Juifs, désireuses de vous constituer en peuple, puis en nation, avant que de vous attarder sur un morceau de territoire souverain qu’Israël pourrait trouver plus judicieux de vous concéder, commencez par admettre que la Terre sainte de la Bible n’a jamais été le foyer historique du peuple que vous n’êtes pas (encore) !

  3. J’aimerais partager, Bernard-Henri Lévy, votre croyance qu’après Al-Quaïda et Daech, il soit possible d’en finir avec le Hamas. En a-t-on vraiment fini avec les deux premiers fléaux ? Peut-être, mais rien ne me permet, à commencer par mon ignorance en matière de géopolitique, d’en être sûr. Si j’en juge par ce qui se passe du côté de la nouvelle administration des Etats-Unis et de certains hommes politiques israéliens, je trouve des raisons d’être inquiet. Je souhaiterais pour ma part que l’opposition reprenne le pouvoir en Israël et que la reconstruction de Gaza, si elle est raisonnablement possible dans des conditions pacifiques, soit organisée sous la responsabilité d’Israël, avec une vaste entente et un soutien financier des démocraties, et l’indispensable consentement des Palestiniens qui devraient pouvoir se prononcer à cet égard, dans le cadre d’une consultation loyale. Je ne me cache pas la difficulté d’un tel scénario et je ne voudrais pas tomber dans l’irénisme. Mais que pourrait-on espérer d’autre? Gaza ne devrait-il pas devenir l’embryon d’une démocratie palestinienne plutôt que la chimérique Côte d’Azur imaginée par un promoteur immobilier insane saisi par la démesure. N’est-il pas temps de se poser la question des moyens d’en finir, en même temps qu’avec le Hamas, avec une situation invivable pour deux peuples condamnés à la coexistence pacifique sous peine de sombrer comme par ailleurs l’humanité est menacée de le faire en raison de sa propre folie?

  4. Waouh, permettez-moi de l’exclamer devant le plan de Donald Trump et de Benyamin Nétanyahou pour le contrôle de Gaza et de son territoire. C’est la bonne décision, celle qui va changer le cours de l’histoire, une histoire, il faut le souligner, que le président américain n’a pas oublié : la dénazification de l’Allemagne et sa reconstruction démocratique. Gaza, c’est la même chose.
    Mille fois bravo à tous les deux. Un horizon s’est ouvert, les mauvaises racines vont être brulées et à leur place un rêve, je l’espère, et tant pis si je passe pour un naïf, va se réaliser : la Côte d’Azur du Moyen-Orient
    Je me rappelle de l’avoir souhaité ici même il y a très longtemps. Je n’étais pas tout seul, car je rejoignais la voix qui s’élevait de Sdérot et des territoires aux confins avec Gaza.
    L’incompréhension pour la haine des Gazaouis, l’absurdité et l’aveuglement idéologique qui les amenaient à sublimer la guerre contre Israël à la volonté de construire sur leur bord de mer un site touristique qui aurait accueilli des flottes de touristes. À la paix et au bien vivre, ils ont choisi la guerre et enfin ont récolté destruction et misère.

  5. Vous connaissez l’histoire mythologique de la Grèce ancienne et en particulier celle de l’hydre de Lerne, un monstre terrible qui vivait cachée dans un très grand trou, pas loin de la ville Ydra. Elle était forte et très grande et sa peau était comme du fer. Quand elle avait faim, elle descendait en ville et mangeait beaucoup de jeunes gens, et puis elle repartait. Personne ne pouvait la tuer. Si on lui coupait la tête, elle repoussait deux fois. Hercules même essaya à maintes reprises de tuer le monstre en lui coupant les têtes, mais sans succès puisqu’elles repoussaient tout le temps. Et puis un jour il eut l’idée qu’il ne fallait pas seulement couper les têtes, mais également brûler les cous, empêchant ainsi que les têtes se reforment et se dédoublent. Ce fut la bonne décision et l’hydre fut définitivement tuée, rendant à tout le monde leur liberté de vivre en paix.

    Ce mythe est utile pour le rapprocher de l’actualité de nos jours, à la guerre dans laquelle est engagé Israël et ses forces pour tuer l’hydre islamiste et donner une fois pour toutes au peuple juif les conditions d’une existence normale, d’un État comme les autres. Si d’autres peuples sont confrontés à la menace existentielle, je pense à l’Ukraine, il n’y a qu’Israël qui subit cette condition depuis son existence, depuis 1947 ! Va-t-il continuer ainsi pour une vingtaine d’années encore et fêter le record du siècle vécu dans la peur et l’insécurité ?

    Mais attention, vaincre le Hamas, le Hezbollah ne suffit pas, car c’est comme pour l’hydre, les têtes se reconstruisent et se dédoublent. Il faut les éradiquer et brûler les racines (les cous) de l’ignoble monstre.