Maintenant que l’Iran est affaibli, il va falloir se soucier de la Turquie.

Je dis bien affaibli.

Et il faudra plus que la destruction du Hamas, puis le désarmement du Hezbollah, puis la chute de l’atroce dictature des Assad en Syrie pour en finir avec la menace que font peser sur le monde les Gardiens de la révolution iraniens.

Mais enfin les choses sont en bonne voie.

Le fameux croissant chiite, qui allait de Téhéran à Bagdad, Damas, puis Beyrouth, et prenait en étau les peuples de la région, est, grâce à Israël, en lambeaux.

Et, dans la guerre mondiale que nous livrent ceux que j’ai appelés « les cinq rois », dans le nouveau Grand Jeu où les cinq semblent se relayer pour, tour à tour, harceler l’Occident et mettre au pas ceux qui, hors l’Occident, se reconnaissent dans ses valeurs, en cette fin d’année 2024 où l’Iran tente de serrer les rangs, où la Russie voudrait en finir avec sa ruineuse guerre contre l’Ukraine, où les États islamistes sunnites attendent prudemment l’arrivée de Trump et où la Chine se débat avec la crise économique sans précédent qui ébranle le modèle néocapitaliste qu’elle croyait à toute épreuve, c’est au tour de la Turquie d’être à l’initiative.

C’est vrai dans les Balkans et, notamment, dans ma chère Bosnie où Erdogan ne perd pas une occasion de remplir le vide laissé, depuis le siège de Sarajevo, il y a trente ans, par la tragique démission de l’Europe.

C’est vrai en Arménie où, un an après l’assaut sur le Haut-Karabakh et les déplacements de population qui ont suivi, il n’a pas renoncé à son panturquisme et convoite toujours la région de Syunik, dans le Sud.

C’est vrai chez les Iraniens où l’alliance n’exclut pas les coups bas et où il est, en sous-main, par le truchement de ses affidés d’Azerbaïdjan, le soutien le plus actif des velléités séparatistes d’une minorité azérie qui constitue 11 % de la population du pays.

C’est clair quand on écoute l’effrayant discours qu’il vient de prononcer, à Sakarya, face aux cadres de son parti, et où il dit sa volonté de revenir sur les traités qui, en mettant fin à la Première Guerre mondiale, ont consacré le démembrement de l’Empire ottoman.

Et c’est l’évidence en Syrie depuis l’apparition de cet étrange personnage qu’il ne faut plus appeler Al-Joulani, son nom de guerre du temps d’Al-Qaïda, et qui n’a pu mener sa « révolution » qu’avec l’aide politique, financière et militaire de l’État turc.

Alors, laissera-t-on faire cela ?

Acceptera-t-on qu’à l’influence déclinante de l’extrémisme chiite se substitue celle des Frères musulmans ?

Et les Kurdes qui sont, avec Israël, nos meilleurs alliés dans la région, ces combattantes et combattants qui ont tant fait, il y a dix ans, pour bouter Daech hors d’Irak et de Syrie et que nous avons, ensuite, trahis, auront-ils à payer le prix de cet ordre régional en gestation ?

C’est l’intention des éléments de l’« Armée nationale syrienne » qui les ont, dès le 8 décembre, avec l’appui de l’aviation d’Ankara, chassés de Tal Rifaat, puis de Manbij.

C’est celle d’Erdogan lui-même ressortant, pour la énième fois, sa vieille, absurde et raciste théorie des climats sur l’affinité du peuple arabe, mais non du peuple kurde, avec les zones désertiques du nord-est de la Syrie et justifiant ainsi, par avance, des migrations forcées aux allures de nettoyage ethnique.

C’est le sens de ce que vient de dire, ce 15 décembre, son ministre de la Défense, Yasar Guler, déclarant qu’il était « hors de question » de permettre aux unités combattantes kurdes des YPG de demeurer à la frontière turque et qu’elles n’avaient désormais le choix qu’entre la « dissolution » et l’« éradication ».

C’est, à en croire le même ministre, dans la même déclaration, la « volonté » clairement exprimée de la « nouvelle administration » syrienne qui n’aurait aucune intention, elle non plus, en parfait « proxy » qu’elle est, de laisser les troupes du général Mazloum Abdi Kobané « agir seules » et dans un « espace d’autonomie ».

Et c’est la hantise de ce grand peuple sans État, vaillant mais vulnérable, qu’est le peuple kurde et qui, de Qamishli à Erbil, partage avec les Juifs, les Arméniens et quelques autres la connaissance intime de ce qu’est un génocide et de ce qui l’annonce.

Les démocraties ne sont pas démunies pour s’opposer à l’infamie qui se prépare.

L’économie turque est fragile et ne résisterait pas à des sanctions.

Les États-Unis conservent, malgré leur retrait de 2019, quelques centaines d’hommes sur le terrain.

Et ils ont surtout, avec l’Europe, ce considérable moyen de pression qu’est la présence de la Turquie dans l’Otan.

En ferons-nous usage ?

Brandirons-nous, même si elle est compliquée à mettre en œuvre, la menace d’expulsion hors d’une alliance qui suppose un minimum de valeurs partagées ?

Et oserons-nous dire à Ankara : « pas touche à nos amis kurdes… ligne rouge absolue… l’Occident s’est reconstruit, il y a 75 ans, sur le “plus jamais ça” du génocide… » ?

C’est, avec la guerre en Ukraine, la question politique majeure de cette terrible fin d’année 2024.

4 Commentaires

  1. Les printemps arabes ont fait pschitt ; à qui la faute ?
    Les démocrates arabes et/ou musulmans étaient à la manœuvre, — que sont-ils devenus ?
    Les Kurdes pouvaient-ils combattre et Daech et Assad alors mêmes que Daech et Assad les soumettraient à un dilemme sadique entre deux formes de soumission suicidairement attentatoires aux libertés d’autrui.
    Les populations multitribales et proto-peuples des terres d’islam parviendront-ils un jour à se frayer un chemin entre les mâchoires désintégratrice et intégriste du pan-nationalisme et de l’obscurantisme religieux ?
    Les plus résistants d’entre les opposants bannis des dictatures et autres démocratures islamiques et/ou islamistes et/ou vassales du Califat mondial ou Empire oumméen, sont censés être en route vers cette force mécanique supérieure dont les concepteurs ont relevé le défi de poursuivre le noble combat contre une menace existentielle que vous, chers dissidents postsoviétiques, affrontez non moins noblement de l’intérieur : cet Allié régional n’est pas une chimère ; les De Gaulle de l’islam sont l’ennemi public n° 1 de la suprémaciste Oumma, grand bien leur fasse ! — délestés d’une fausse fraternité désuniversaliste, conspués par démons et par dévots, n’ont-ils pas toute latitude pour chanter les louanges du Lion d’Israël ?
    Le peuple juif implique une nation juive et par là même la création d’un État juif, au même titre que l’État des Kurdes serait kurde par définition.
    Israël ne sera jamais un État panarabisable ou panislamisable.
    Rallier les accords d’Abraham, c’est consentir à reconnaître le caractère juif de l’État des Juifs.
    Ou alors, c’est nous refaire le coup d’Oslo — ce qui irait parfaitement aux diplomatosaures de Neuneusie — et ça, comme vous pouvez l’imaginer, nous autres patients forcés du département hospitalo-universitaire de psychiatrie du Surmoi néogauchiste de nos élites transnationales aussi reproductibles qu’improductives, ne l’accepterons jamais.

    • La gauche post-rabinienne — et non néo — a toujours poussé ses leaders à céder Israël à un ennemi que la camaraderie inframondialiste, sous peine de radiation sans sommation, lui demandait d’appréhender à travers le prisme décolonial d’une Internationale dont l’anti-impérialisme s’était dépouillé d’un universel qui l’eût contrainte à poursuivre la lutte à l’encontre d’elle-même.
      Elle n’eut de cesse qu’elle n’eût sapé tout espoir de paix réelle entre Israël et un Ennemi & Associés pour qui la paix au Proche-Orient ne se conçoit que dans l’islam, ce qu’elle fit par exemple en s’opposant le plus catégoriquement du monde à la souveraineté juive du peuple juif dès l’instant que celle-ci touchait à des textes de loi qui auraient pu gêner aux entournures les marchands de tapis d’un droit supranational n’étant plus disposé à jouer son rôle de garant d’une apparence d’équilibre des relations internationales qu’à la faveur de son dévoiement perpétuel.
      Loin de nous la volonté apolitique de planifier la désaffectation de la mosquée al-Aqsa en vue de sa réaffectation en édifice cultuel juif, voire de sa destruction nécessaire à la construction du Troisième Temple dans l’enceinte sacrée de ce qui s’avère être en lieu saint du judaïsme, ceci ne fait pas débat.
      Cela dit, Jérusalem demeure Jérusalem autant que Rome est Rome. — Or la capitale de l’Italie n’est pas une ville où siègent les gouvernements de tous les pays d’une chrétienté qui ne s’assume plus ; l’idée de conférer un statut étatique au mont du Temple reste donc en suspens, ce qui n’est pas le cas du caractère irréductiblement juif de la nation des Benéi Israël, se fût-elle dotée d’un régime démocratique ouvert à la coexistence réciproquement fructueuse avec une diversité ethnoculturelle dont Israël, à l’instar des Nations auquel il s’est uni, se doit de conditionner l’intégration durable au désir non feint que cette dernière aura manifesté d’unir ses destins à l’ineffaçable réalité historique d’un peuple irréductible et inexterminable.

    • Par souci de précision : l’idée de conférer au mont du Temple un statut étatique exempt de toute dimension nationale reste donc en suspens.

  2. La présence des islamofascistes modérés dans l’Alliance atlantique n’est plus nécessaire désormais que tous les verrous onusiens ont sauté.
    La guerre n’est pas utile à qui obtient sur l’oreiller le consentement de son ennemi juré sous peine de programmer pour lui un final implosif.
    Le peuple de l’Innommable Équipotence est lui-même un tabou nominonuméral, imprononçable, indénombrable, sauf à vomir, maudire, pourrir, farcir son ragoûtant cadavre de malbouffe spirituelle jusqu’à ce que mort par étouffement s’ensuive.
    Refuser de trembler à l’idée qu’un génocidaire ne se défausse sur soi de son imprescriptible crime, c’est le conseil que je donnerai aux Kurdes ou à tout autre sujet pagano-convers de la panislamisation d’Empire qui serait bien inspiré, à l’instar des dindons druzes de la farce syrienne, de se préoccuper davantage d’une fraternité d’armes basée sur les droits de l’homme que d’une logique d’hyperclan pseudo-ethnique et pseudo-religieuse qui appellerait les subnationaux démocrates des tyrannies modernes à passer leur légitimité par pertes et profits.
    De l’alliance politique et militaire entre les Kurdes et Israël dépend l’avenir de tout peuple ou partie de peuple qui n’admettrait pas que son destin soit scellé par le titan Oumma, ogresse anthropophage, monothéiste de mon Deux.
    Sautons le pas avant qu’on ne nous fasse tous sauter. Nous n’avons rien à perdre, sinon bien plus que Tout et tout autre que l’Un.
    C’est la prochaine lutte, celle d’un genre humain confronté à la Solution finale : le risque d’extinction auquel se vouent eux-mêmes des travailleurs de la paix ne souffrant pas l’étrange unicité d’un peuple juif dont l’insaisissable état définit l’essence même de l’État.
    Supportez Israël, mes frères kurdes !
    Souffrez la possibilité, que dis-je, l’inanité du procès en incongruité fait à un État juif.
    Unissons nos souffrances.
    L’aube crépusculaire de notre à-venir commun se distord de douleur.
    Ses beaux jours sont comptés.
    Les Juifs sont de nouveau forcés de prouver leur capacité à s’intéresser à autre chose qu’à leur petite Personne ; un défi qui, entre nous soit dit, ne devrait pas être trop difficile à relever : les Narcisse rimbaldiens issus des Douze Tribus ne conçoivent pas de salut d’Israël qui n’implique la question de la rédemption universelle et ce depuis que le monde juif est monde.
    Et si on demandait à un adâm converti à l’islam de démontrer qu’un peuple, dont la population se compose en majorité de sujets ou citoyens musulmans, est apte à concevoir l’idée qu’il réside au sein d’une communauté de nations comportant parmi elles un État juif ?
    Mais peut-être nos frères et sœurs d’armes du Kurdistan fantôme sont-ils conviés à penser à l’image que donnerait d’eux aux sujets du Califat parallèle une trahison de la cause (pan-nationale djihado-)palestinienne, ces mêmes coreligionnaires ou presque dont on attend qu’ils s’interposent entre ce peuple pour le coup authentique et non moins authentiquement piétiné qu’est le grand peuple kurde, et le Frère musulman n° 1.