J’ai retrouvé Bruno de Stabenrath chez lui, dans son appartement parisien. Versailles et ses fantômes sont loin. C’est notre première rencontre, et je le tutoie déjà. Au téléphone il avait capté, à l’oreille, mon jeune âge : « Tu sais Félix, j’suis comme toi. Moi aussi j’ai vingt-cinq ans. Il nous reste deux années à vivre ! Vingt-sept ans, tu sais bien… C’est maudit ! Donc on se tutoie si tu veux bien. »
Je débarque, un après-midi de juin. C’est la fin du printemps, Bruno voit la vie en terracotta sous ses lunettes fumées. Il m’offre un Coca-Cola frais, idéal pour parler des États-Unis, sauce vintage. Je me sers dans un vieux frigo Smeg bleu pétrole. Dans le couloir, et jusqu’au salon : des livres ! Des livres partout, empilés sur plus d’un mètre de hauteur. Il y en a des centaines. Si vous cherchez des folio et autres livres de poche chez ce dandy rock, vous n’en trouverez pas. Il ne possède que des livres aux formats variés, irréguliers, dont les tranches sont noires. Il y a là des livres d’art, des ouvrages sur l’Histoire du rock n’roll et du cinéma, des biographies d’actrices, des mémoires d’acteurs. Des trésors !
J’avais envie, depuis longtemps, d’évoquer avec Bruno de Stabenrath son livre, L’ami impossible, qu’il aurait pu sous-titrer : Les destins brisés de Nantes, une autre histoire de l’Affaire Xavier Dupont de Ligonnès. C’est ce que nous avons fait, entre autres choses, durant les trois heures passées ensemble.
Je n’ai pas manqué, en partant, de lui proposer de revenir pour l’aider à ranger sa collection de raretés dans la bibliothèque. Ce jour-là, je lancerai à nouveau le dictaphone, et enregistrerai la flopée d’anecdotes sur Truffaut, Elvis, Hollywood, du Château Marmont sur Sunset Boulevard au Byblos de Saint-Trop’, « from Vegas to Rio Paris Monte-Carlo ». Je m’y vois déjà, avec cet ami possible, feuilletant ses archives reliées du Paris Match des 60’s.
Entretien avec l’écrivain Bruno de Stabenrath
Commençons par le commencement. L’épigraphe de L’ami impossible… Tu cites l’Udekurabe de Sokichi Nagai : « Shirö leva son katana et, d’un geste ample, il embrocha le ventre de son bien-aimé et le vida de son sang… Voilà, c’était fini… La danse du bourreau… Elle parachevait son œuvre… » Xavier Dupont de Ligonnès aurait-il, par le meurtre, transformé sa vie en œuvre ?
Je pense qu’il a défié sa vie en mettant en place sa chute et en supprimant sa famille. Xavier était acculé par les huissiers. Il lancé un funeste fuck à la société, aux impôts, à tous ceux qui le « martyrisaient » en lui réclamant des sommes qu’il ne pouvait pas payer.
C’est intéressant que tu me parles de cette épigraphe… C’est une référence à Mishima. Au seppuku. Ayant en tête la connotation homosexuelle portée par cette image, je pensais, bien sûr, à son ami Emmanuel Teneur qui était amoureux de lui, amoureux comme on l’est à quinze ans.
Et puis il y a cette « danse du bourreau » finale. Quand Xavier emmène ses enfants au cinéma avant de se rendre au restaurant, quand il va chercher son fils et lui propose de regarder Midnight Expressd’Alan Parker à la cave, avant de les tuer. C’est la dernière danse. Il embrouille tout le monde, fait du charme, joue à être celui qu’il prétend être, pour mieux les massacrer.
Existe-t-il un mouvement d’attraction-répulsion entre toi et Xavier Dupont de Ligonnès ? Et si mouvement il y a, est-ce qu’il met en branle l’écrivain ou l’homme ? Se dirige-t-il vers affaire Dupont de Ligonnès ou vers l’homme autrefois connu ?
Envers et contre tout, il reste Xavier : mon ami. J’ai développé le contraste entre Xavier Dupont et Xavier de Ligonnès, que je n’ai jamais appelé Xavier Dupont de Ligonnès. Il y a un Xavier que je connais et – chose intéressante pour un écrivain – un Xavier que je ne connais pas.
Mais je le répète : il est mon ami. Je l’aimais vraiment. Jusqu’à la fin il ne m’a jamais trahi, ni déçu. Nous étions loin et proches à la fois dans les dernières années avant les meurtres de Nantes. Si demain je le voyais, on repartirait comme en 40. Pour moi c’est important de maintenir ce fil tendu. Je pense qu’un jour, tôt ou tard, il sera arrêté, et je veux connaître la vérité. C’est une obsession pour la Justice, mais pas seulement : pour l’Humanité aussi. Pourquoi un mec qui avait toutes les cartes en main tue sa famille ? Quelqu’un que j’aimais… S’il termine en taule, j’irai le voir, je parlerai avec lui, je lui dirai : « Mais Xavier ! À quel moment tu as décidé tout ça ? Et Pourquoi ? Tu pouvais parfaitement ne pas divorcer d’Agnès, et t’installer sans scandale avec ta maîtresse Catherine au lieu de lui voler cinquante mille euros… Et puis, tes enfants ils s’en foutaient de tes problèmes ! » Xavier aurait pu être heureux, il n’a fait que des mauvais choix.
Roland Barthes, à propos des faits divers, nous dit qu’ils suscitent, dans leurs pures expressions, l’étonnement. Perec va dans ce sens ; dans L’Infra-Ordinaire, il écrit : « Ce qui nous parle, me semble-t-il, c’est toujours l’événement, l’insolite, l’extra-ordinaire : cinq colonnes à la Une, grosses manchettes. Les trains ne se mettent à exister que lorsqu’ils déraillent. […] Comme si la vie ne devait se révéler qu’à travers le spectaculaire. » Ton livre, il me semble que c’est un peu ça : cinq cents pages d’un homme étonné, qui reconstitue le fil d’une histoire délirante, qu’il n’a pas pu anticiper…
Ce livre, L’ami impossible, est en effet un éloge de la sidération. Truffaut adorait les faits divers. Moi, j’ai toujours été attiré par les faits criminels. Qu’est-ce-qui fabrique un serial killer ? Tu crois que ce sont des horribles êtres qui ont été maltraités dans leur jeunesse, tel Charles Manson, remplis de haine, d’humiliations ? Trop simpliste. Les histoires moins communes m’intéressent davantage. Pourquoi et comment des types comme Xavier ou John List – dont certains pensent que Xavier s’est macabrement inspiré, je ne le pense pas – basculent.
Il y a une image chez Simenon que j’aime bien : vous rentrez chez vous un soir, face à vous, dans le salon, il y a un sac en toile assez grand. Vous l’ouvrez. À l’intérieur : des billets de banque. Qu’est-ce que vous faites ? L’histoire commence là. Pour moi, le fait divers, le fait incroyable, le fait criminel, ça démarre comme ça.
L’Affaire Ligonnès a cette caractéristique intéressante en plus : elle n’a pas d’épilogue. Une histoire qui n’a pas de fin est propice au développement des fantasmes. Les policiers, les journalistes, tout le monde attend l’arrestation de Xavier, ou la découverte de son corps.
Je m’intéresse aux trajectoires humaines, à ces moments de bascule. J’ai passé ma petite enfance en Algérie, à la fin de la guerre. J’étais trop jeune pour m’en souvenir. Bien des années plus tard, j’ai rencontré des « pieds noirs », des membres de l’OAS, des membres du FLN – c’est-à-dire des prisonniers de l’Histoire, comme ces adolescents en 1940 qui se demandaient, tel Lacombe Lucien, « Qu’est-ce-que je fais ? J’entre dans la Résistance ou dans la LVF ? Je pars à Londres ? En Espagne ? » Ces choix de vies me fascinent.
Dans son fameux « Sublime, forcément sublime Christine V. », Marguerite Duras admet à propos de l’Affaire Grégory : « J’écris sans savoir ». Un texte qui a fait polémique. À l’époque, dans Libération, Serge July doit rectifier le tir et déclare qu’il s’agit là « d’un écrivain fantasmant la réalité. » C’est un cas d’école. Quelle est la part de fantasme dans L’ami impossible ?
Aucune. Cette histoire est tout sauf fantasmatique. Il y a, dans les cinq cents pages du livre, sept ou huit pages dont je ne dirais pas qu’elles sont fantasmées, mais réécrites, repensées, imaginées : les pages qui racontent le moment où Xavier se lève la nuit pour tuer sa femme et ses enfants. C’est une grande discussion que j’ai eu avec Ludovic Escande, mon éditeur chez Gallimard, qui m’a dit : « Bruno, l’Affaire Dupont de Ligonnès, ça fait marrer tout le monde. Toi, tu es écrivain. Il faudrait que tu nous fasses prendre conscience de manière charnelle ce que c’est qu’un homme qui se lève en pleine nuit, à deux heures du matin, qui va chercher sa carabine et qui décide de tuer toute sa famille. C’est ça ton rôle. » Je pense que si je n’avais pas été écrivain, ce livre n’existerait pas.
J’ai beaucoup enquêté, retrouvé la bande de Versailles, pioché dans mes souvenirs. Je me suis peut-être trompé sur des musiques de l’époque… Mais les films et les musiques me replongeaient toujours parfaitement dans cette saison de nos vies. Je sais, depuis longtemps, que j’ai une mémoire émotionnelle, je ne dirais pas hors du commun, mais tout de même très forte. Je me souviens de beaucoup de choses… C’est mon adolescence… On avait seize ans. Je n’ai jamais oublié l’histoire de la fille du cours de théâtre par exemple. Dans mon livre sur Truffaut, Je n’ai pas de rôle pour vous, j’en parlais déjà. Dans Cavalcade ou Le châtiment de Narcisse aussi. Cette fois, je me suis concentré sur Xavier. L’ami impossible n’est pas un livre sur moi, c’est un livre sur Xavier et moi. Quand je parle de moi je parle de Xavier. J’étais obligé de planter le décor, ce qu’était Versailles… Qu’est-ce qu’une famille d’aristocrates catholiques ? la secte Philadelphia, c’est quoi ? comment nos familles se fréquentent-elles ? comment Xavier s’éveille à l’amour avec Louise ? Évidemment, j’ai changé tous les noms. Mais tout est vrai, des copains de classe jusqu’au bar où on allait faire la fiesta à Paris.
Au tournant des années 80-90, nous avons l’un et l’autre mis notre destin en marche. On se revoyait à Versailles, notre relation s’étiolait un peu… Mais rien qui laisse place au fantasme. J’ai contacté ses amis, ses cousins, épluché tous les rapports de police. Mon imaginaire, qui est assez fort, je n’en ai pas tellement eu besoin.
C’est marrant que tu me parles de fantasme ! Écoute bien ! Xavier était marié avec Agnès H., qui avait un frère qui s’appelait Étienne H., lui-même marié à une femme du nom de D. P. Je suis très ami avec la sœur de celle-ci, Armelle D. P. Je me souvenais que le père de Xavier, Hubert, lui avait offert une Triumph bleue – ce que je vais te dire me rappelle L’homme qui aimait les femmes de Truffaut, dans lequel Charles Denner voit pleurer une petite fille dans une robe bleue, puis rouge –, la Triumph bleue de Xavier donc, je m’en souvenais très bien, avait le même bleu qu’une voiture à pédales que mon parrain m’avait offerte lorsque j’étais enfant. Un bleu 60’s. Un jour, Armelle. D. P. me dit : « Non Bruno ! La Triumph n’était pas bleue, elle était rouge ». Elle ne pouvait pas combattre un souvenir aussi ancré en moi, je l’assurais de l’inverse. Je parle de cette histoire avec les frères H. ; ils m’affirment que la Triumph était rouge. Plus tard, Olivier, alors futur officier à Saint-Cyr Coëtquidan, qui intégra plus tard la DGSE, m’appelle et m’informe : « Mais, Bruno ! Ce n’est pas son père qui a offert à Xavier la Triumph bleue. Son père a payé une moitié, j’ai payé l’autre. Xavier m’avait proposé de partager cette voiture avec lui entre la semaine et le week-end. » Xavier m’avait toujours parlé de cette bagnole comme d’un cadeau de son père pour ses dix-huit ans. La Triumph était bel et bien bleue, mais a été revendue au bout d’un an et demi, Xavier ayant besoin d’argent. À cette époque les frères H. bricolaient des voitures, et possédaient une Triumph rouge… que Xavier utilisait ! Tout ça pour te dire que lorsqu’il est question de fantasme, le diable se niche vraiment dans les détails.
Beaucoup de voitures dans ton livre, de musique, de rock n’roll, de passions communes avec Xavier Dupont de Ligonnès, souvent tournées vers les États-Unis. C’est bien cela qui vous rassemble au départ, et fait de Xavier ton « frère », ton « binôme », ton « coéquipier », une personne avec qui « on pouvait s’entendre, concevoir un projet ensemble » ?
Bien sûr ! On avait beaucoup de choses en commun. Xavier était un mec très cool, le compagnon de voyage idéal. Mais au moment où il commençait sa série de voyages aux États-Unis, moi j’entamais une carrière de comédien. Il était capable de partir un, deux, trois, six mois. Il a traversé quarante-huit États. Toujours avec Michel Rétif.
Dans les années 90, il prend néanmoins – et définitivement – une route différente de la mienne : celle du père de famille catholique. J’étais un Rastignac qui débarque à Paris, faisant rencontrer à Xavier mon oncle Jacques de Ricaumont, vieil écrivain homo fasciné par le martyr de Saint Sébastien et Mishima. Xavier s’était montré très négatif à son sujet. Je l’ai compris plus tard. Xavier ne voulait pas être jugé. Avait-il conscience qu’il ne ferait jamais partie de la grande aristocratie ? Il y avait, à Paris, les d’Ornano, les David-Weill et les Rothschild, les d’Estienne d’Orves, les grandes familles aristocratiques avec un nom installé, que je rencontrais. Nous, nous étions des nobliaux de province, ceux de Versailles, comme il y en a toujours d’ailleurs : le fameux « panier de grenouilles ». Le beau-frère de Xavier m’avait dit : « Xavier déteste être en public, il est très timide », ce que moi je n’ai jamais constaté. Je crois sincèrement que Xavier, je le répète, ne voulait pas être jugé, et ça l’a éloigné de moi. Il voulait mener une vie rangée.
À propos de ce « tropisme ricain », il te dit un jour en parlant des États-Unis : « L’avenir, c’est là-bas ! ». C’est ton intime conviction aujourd’hui : Xavier Dupont de Ligonnès est vivant, et réside en Amérique ?
J’en suis sûr ! C’est très difficile à prouver. J’ai recueilli, il y a plusieurs mois, le témoignage de quelqu’un – un témoignage que je ne peux pas remettre en doute – qui a croisé la route de Xavier, à San Francisco. Cette histoire aboutira-t-elle ? Je n’en sais rien. C’est compliqué. Mais si Xavier connaissait un endroit par cœur, c’est bien les États-Unis. Il connaissait, à Alpine, au Texas, une fille qui vivait dans un ranch : Mindy. Un jour il m’avait dit : « Je finirai ma vie là-bas ». Xavier coupait la branche sur laquelle il était assis, mais il disait la vérité dans ses mensonges. Je ne l’imagine pas vivre ailleurs. J’ai pensé, un temps, à l’Amérique latine, mais non. Les USA c’est sa culture. Je suis certain qu’il est allé au cinéma, avec son allure de cow-boy, voire le Elvis de Baz Luhrmann qui vient de sortir. Quand je le rencontre à l’âge de seize ans, je le trouve très beau, avec sa petite mèche très Presley.
Il avait en lui un élan qui le poussait à, je te cite : « la démolition programmée des murs ». De quels murs parles-tu ?
Xavier va mettre en marche des démolitions progressives, ça prendra du temps. Par exemple, il ne pouvait pas entrer en conflit avec ses parents, parce que son père n’était plus là. C’était un coq de maison, entouré par trois femmes. Il n’y avait aucune adversité. Il aimait ça, en profitait.
Le premier mur tombe lorsqu’il quitte Agnès pour une jeune allemande. L’amour contre une histoire de sexe. Il voulait vivre sa vie, s’éloigner de Versailles, ne pas saboter son existence en se mariant à l’heure où nous allions tous écumer les nuits parisiennes. Là, à ce moment précis, on se ressemble.
Mais en 90-91, sa mère le rappelle à l’ordre. Tout à coup, le schéma versaillais qu’il avait détruit, se recompose. Pourquoi obéit-il à sa mère ? Pourquoi retourne-t-il vers Agnès, alors fille-mère ? Il rentre dans le rang, pour plusieurs raisons. Xavier n’a pas oublié qu’Agnès est une héritière, sachant qu’il serait, lui, de son côté, toujours borderline, avec une vie secrète. Il endosse un costume, trouve un rôle, qui lui assure de pouvoir mener une vie confortable. Donc rentrer dans le rang, oui. Mais quitter Versailles ! Et toute sa vie sera une fuite. Il passe un an par-ci, deux ans par-là.
Cette vie aussi, Xavier l’a démolie, en partant sans cesse sur les routes. Pour qui ? Pourquoi ? Pour monter des boîtes sans intérêts, qui ne marchaient pas.
Il se démolit lui-même en 1995, lors d’une réunion de la secte de sa mère, où il découvre les mensonges de Philadelphia à propos de la résurrection du moine Redolfi. Résurrection à laquelle il croyait sincèrement.
On se dirige lentement vers les années à Pornic, puis à Nantes… Là, il entame la démolition programmée de son ego, et d’Agnès. Agnès qui, elle aussi, va le démolir en prenant le meilleur ami de Xavier pour amant…
Xavier a démoli des choses en lui.
Moi, la vie m’a démoli en m’enlevant certaines choses, mais je me suis reconstruit. D’ailleurs Xavier n’était pas jaloux de ma reconstruction, mais elle le poussait à s’interroger sur lui-même. Est arrivé un moment où il a pensé qu’il ne pourrait pas se reconstruire – et c’est con ! Mon grand regret c’est de ne pas être allé le voir à Nantes, qu’il ne m’ait pas dit qu’il avait une maîtresse. Je lui aurais répondu : « Reste avec elle, Agnès fera sa vie, tes enfants aussi, il y a des millions de gens qui divorcent, et c’est pas grave ! »
Tu rapportes un échange intéressant entre Xavier Dupont de Ligonnès et toi, lorsque celui-ci te donne la réplique lors de répétitions, à l’heure de votre jeunesse et des cours de théâtre à Versailles :
« – [Lui] Jamais je ne pourrais être acteur, désolé…
– [Tu réponds] Et moi, jamais je ne pourrais me lasser de jouer, d’exister dans la peau d’un autre… […] jouer, être un autre, habiter une autre peau que la mienne ».
Inversons cet échange ! Ne laisses-tu pas sous-entendre, par la négative, que Dupont de Ligonnès lui aussi, à un moment de sa vie, a joué un rôle ?
Cet échange est dingue. Je m’en souviens très bien. Moi, j’avais besoin de vivre plusieurs vies, ce que j’ai un peu réussi à faire grâce au cinéma, à la musique, etc. La carrière de comédien, incarner plein de gens, c’est extraordinaire, ça te permet d’aller au fond de tes fantasmes. Quand Xavier me dit ça, je pense qu’en effet il n’était pas fait pour être acteur. Mais maintenant tu me ramènes à ça, avec l’écho de ce qui est arrivé. Je me dis que oui, en effet, Xavier s’est mis dans la peau d’un autre. Il a inventé Xavier Dupont, criminel altruiste qui va, envers et contre tout, faire le plus mauvais choix qui soit : supprimer sa famille parce qu’il estime que c’est la meilleure solution pour les sauver de la honte, d’une dégringolade sociale.
Un rôle dans une tragédie donc… Tu évoques dans ton livre le « fatum » de l’ami Xav’, « écrit d’une encre indélébile ». C’est avec cette idée d’élection, de « vocation extraordinaire », que sa mère bourrait son jeune crâne. Le meurtre était-il, selon toi, inscrit dans le fatum de cet ami impossible ?
J’en parle pas mal, parce qu’il y ça, que tu le veuilles ou non, dans les familles aristocratiques. Quand tu vas en vacances chez des cousins, tu as toujours les portraits des ancêtres qui viennent te rappeler le destin familial. Des membres de la famille du côté Ligonnès ont été largement incriminés dans l’Affaire de la Bête du Gévaudan au XVIIIe siècle. Et je me suis posé cette question : existe-t-il un ADN criminel ?
Tu parles d’ailleurs de « ces dettes généalogiques qui tôt ou tard remontent à la surface », en évoquant les ancêtres du comte de Ligonnès, parmi lesquels Jean François Charles de Molette, comte de Morangiès et baron de Saint-Alban, qui fut l’un des suspects dans l’Affaire de la Bête du Gévaudan…
C’est ça ! Les tares héréditaires… L’ADN… La généalogie. Il faut avoir une violence démente en soi pour tuer sa femme et ses enfants. Xavier n’était pas un mec violent, ni bagarreur. D’où vient cet instinct de tueur ? Il y a quelque chose de l’ordre de la chevalerie chez lui. Il fallait prendre les armes, lui les a prises, mais pour assassiner sa famille.
À propos de la Bête du Gévaudan, tu ajoutes : « La capture du monstre fut longue et dangereuse car la bête se déplaçait sur un terrain constitué de montagnes, de vallées pentues et boisées, de forêts impénétrables et de tourbières inaccessibles. » C’est Xavier fuyant à Roquebrune-sur-Argens que tu décris là !
Je n’y avais même pas pensé ! Mais oui, tu as raison ! C’est le scénario qu’il a écrit pour les flics qui cherchaient une bête fauve dans les forêts, les vallées et les montagnes. Mais je suis persuadé qu’il n’a jamais pénétré ni les forêts ni les vallées ni les montagnes de la côte d’Azur. Je l’imagine prendre un train, ou se faire embarquer en stop par un adepte de la secte Philadelphia, pour aller à Hambourg, passer au Canada et rejoindre les États-Unis.
On comprend parfaitement à la lecture du livre pourquoi Xavier Dupont de Ligonnès est pour toi un ami impossible. Dans la première partie du livre, le jeune Bruno de Stabenrath a une conviction : « notre amitié sera éparpillée […] mais il y aura toujours de formidables retrouvailles. » Le lecteur lui, lisant ces phrases, connait la fin tragique de l’histoire. Toi, à cette époque tu l’ignores. Comment tu abordes, aujourd’hui, l’idée d’une hypothétique retrouvaille ?
Je vais te surprendre : avec une forme de sérénité. Il existe un fil, le fil de la vérité, que je ne veux pas perdre, pas lâcher. Avec beaucoup de patience, d’écoute, je lui écrirai, j’irai le voir, pour essayer de comprendre. Pour moi les choses n’ont pas changé, le jour où je le retrouverai, en entendant sa voix, il y aura toujours, comme en amour, le souvenir du premier regard, celui qui compte. Je n’oublierai jamais le premier croisement de regards avec Xavier, sa bonne tête.
À propos de la secte Philadelphia et de la communauté du Jardin qui prêchait une « Apocalypse féconde » et un « nouveau monde », est-ce que le meurtre d’Agnès, Arthur, Thomas, Anne, Benoît, aurait pu être pour Xavier un moyen de, par le sang, aller au bout de cette Apocalypse soi-disant féconde, et d’ainsi accéder à ce « nouveau monde » ?
La question c’est : aurait-il commis ces crimes s’il n’avait pas eu, de par sa mère tout au long de son enfance, cette éducation mystico-apocalyptico-pseudo-religieuse ? Ils étaient quand même bien barrés ! La secte existe toujours, il y a eu une enquête il y a deux ans à propos d’un détournement d’héritage… Depuis que le livre est sorti, des gens m’ont contacté, dont un chef de corps de la Légion étrangère. Il avait des choses à me raconter. Cet homme était étudiant à Nantes. Il voit, un jour, une annonce dans La Vie catholique publiée par un certain comte de Saisy qui cherche quelqu’un pour l’entretien de son château. Il rencontre donc Jean de Saisy, qui était le financier de la secte de la mère de Xavier. Le courant passait bien entre les deux hommes, et ce légionnaire s’est rapproché de la famille. Mais certains jours, le comte de Saisy écartait du château son homme à tout faire, lui demandant la plus grande discrétion, car des « réceptions » avaient lieu là-bas. Il s’agissait de réunions des adeptes de Philadelphia ! Une autre vie se mettait en branle au château des de Saisy. Cet homme avait même reçu l’ordre de construire une sorte d’abri antiatomique dans le parc. On dit que Christine de Ligonnès s’accouplait avec des membres de la secte pour enfanter du Sauveur… Donc Xavier, acteur d’une Apocalypse féconde par le meurtre, pourquoi pas ! Ils étaient, je le répète, bien barrés.
Tu peints parfaitement, au milieu du livre, la comédie de mœurs de l’adultère, puis les boîtes échangistes de province dans une atmosphère des plus sordides, très chabrolienne. S’il existait une adaptation au cinéma de ton livre, qui pourrait interpréter Xavier Dupont de Ligonnès à l’écran ?
Très chabrolien, oui ! En tout cas ça ne serait pas le type qui a interprété Xavier dans un téléfilm sur M6. Ils n’ont rien compris. Ils voulaient un mec tout ce qu’il y a de plus commun. Moi je choisirais un acteur avec une certaine allure, qui peut jouer l’aristo, comme le faisait Vincent Cassel dans Le P acte des Loups de Christophe Gans. Un acteur de l’envergure de Guillaume Canet, ou Benoît Magimel. Des beaux gosses. Parce qu’on peut dire ce qu’on veut, Xavier, quand il était jeune, c’était un beau gosse, raffiné, qui plaisait aux filles. Il faudrait un comédien capable de vriller. Quel était le visage de Xavier quand il a pressé à répétition la détente de sa carabine sur sa propre famille ?
Parlons maintenant de l’architecture du livre, de ton travail d’écrivain. On distingue plusieurs parties : la jeunesse versaillaise, Philadelphia, la relation avec Agnès, la chute de Xavier, le quintuple meurtre, l’enquête. Si l’atmosphère évolue inévitablement, ton écriture aussi. À la fin du livre, le ton devient plus chirurgical, un peu comme dans un procès-verbal, avec une chronologie du meurtre et de l’enquête, heure par heure. Tu fais aussi disparaître Xavier de Ligonnès du livre, au profit de Xavier Dupont, alors même que tu nous racontes qu’il s’évapore dans la nature. C’est extrêmement habile.
C’était la logique des faits. Xavier disparaît en 2011. Quand je construis mon livre, je sais qu’à un moment je vais devoir aborder les meurtres, tout en ayant développé tout ce que je voulais développer : ses voyages, ses liens familiaux, la relation avec Agnès, etc. J’ai vécu ce développement comme un frein pour ne pas entrer dans les crimes. Les pages versaillaises, j’étais assez heureux en les écrivant, des souvenirs remontaient à la surface. C’est une partie littéraire du livre. Je voulais retarder le moment où… Je téléphonais beaucoup à Emmanuel Teneur, nous évoquions notre jeunesse, Versailles, l’île de Bréhat… Mais j’avais toutes mes notes, tout me conduisait à la mort d’Agnès et des enfants.
Dès que j’arrive à l’année 2011… au le moment où un fils d’amis qui va à Audencia [école de commerce nantaise] et à qui je file le numéro des Ligonnès, m’appelle pour m’informer de leur disparition. Là, c’est le déclencheur. Tout d’un coup je rentre dans ma passion des faits criminels. Immédiatement : les faits, rien que les faits. Je suis dans l’enquête, l’enquête qui avance. Dans mon travail d’écriture, je voulais respecter tout le timing. À quel moment ils disparaissent ? À quel moment on reçoit les lettres ? À quel moment on trouve les corps ? À quel moment perd-t-on la trace de Xavier à Roquebrune-sur-Argens ? L’histoire a basculé, et je rentre dans une autre genèse, celle du crime. Je me mets à la poursuite d’un personnage qui, d’une certaine manière, m’échappe, Xavier Dupont, parce que je ne le reconnais plus, mais que je tiens au bout de ma ligne. À la fin du livre j’écris cette lettre pour dire mon effroi face à ce qu’il a fait. Là je ferme la boucle.
À l’époque j’avais une copine qui s’inquiétait de voir Xavier débarquer en pleine nuit. Si Xavier était venu, je lui aurais ouvert ma porte. Terrifiée, elle avait aménagé une malle, cachée dans un placard. S’il était venu à moi j’aurais dit à cette femme de nous laisser tous les deux, une nuit, pour parler… pour comprendre !
Les dernières phrases du livre ont retenu particulièrement mon attention : « C’est toi qui viendras à moi [tu parles de Xavier]… Et nous rentrerons ensemble. Tu parleras enfin. Et moi je me tairai. » Tu as bâti sur un excès de silence, celui de Xavier Dupont de Ligonnès, un livre qui appelle une parole, la sienne. Ce livre, tu espères qu’il lui est parvenu ?
Oui. J’ai écrit L’ami impossible pour lui. Parfois en me moquant de lui, pour qu’il réagisse, qu’il s’oppose à moi. Quand je dis « je me tairai »… [hésitation] J’ai eu la preuve au téléphone, il y a trois ou quatre jours… [hésitation] Je veux avancer sur cette histoire… Xavier était-il réellement vivant en 2015, à San Francisco ? Je pense que oui.
Au début des années 30, Violette Nozière empoisonne son père incestueux. Pour les Surréalistes, André Breton notamment, elle devient « mythologique jusqu’au bout des ongles ». Au vu de l’agitation que suscite la moindre piste qui laisserait penser que Xavier Dupont de Ligonnès a été retrouvé, peut-on dire qu’il y a une mythologie Ligonnès ?
Il y a une mythologie de l’absence d’épilogue, de l’affaire non résolue. Regarde l’Affaire Grégory par exemple… Tu comprends comment une affaire criminelle peut partir à vaux l’eau, à cause d’une erreur judiciaire. Quand les gendarmes arrêtent Murielle Bolle… « J’étais pas dans la voiture de Bernard ! C’est pas Bernard ! » En fait c’est un crime familial. Bernard Laroche va chercher Murielle, Murielle va chercher le p’tit Grégory et le ramène à Bernard Laroche qui dépose l’enfant à une autre famille – c’est pour ça qu’il ne l’a pas tué – qui a mon avis l’a noyé dans la Vologne. Quand Bernard Laroche dit qu’il n’a pas tué Grégory il est sincère. Toute la vérité était là. Le petit juge Lambert, après les aveux de Murielle, la relâche. C’est vendredi, elle rentre chez elle et raconte tout, se fait tabasser par sa famille, le lundi matin elle se rétracte. C’est cette mythologie-là qui encercle l’Affaire Dupont de Ligonnès, celle du dossier non classé.
Et puis il y a cette autre mythologie : la mythologie du criminel aristocratique. Gilles de Rais à Pornic, le Barbe bleue de Loire-Atlantique… J’y ai forcément pensé en écrivant le livre. Mais aussi la mythologie du crime apocalyptique, comme ceux de la secte de Temple solaire… La mythologie de tous ces drames qui ont pour acteurs des gens bien nés, riches, beaux : c’est la malédiction des Kennedy, des Getty. Je pense que c’est pour ça que l’Affaire Ligonnès passionne. Ce type avait tout, c’était le comte de Ligonnès !
Breton, pour le citer encore une fois, voulait tuer la « littérature psychologique » au profit de « l’affabulation romanesque ». Qu’est-ce qui compte le plus pour toi, dans les textes que tu lis, et dans ceux que tu écris – celui dont nous parlons mais aussi tous ceux que tu produis ici, à La Règle du jeu –, la psychologie ou le romanesque ?
La psychologie. Tout part de là. C’est fondamental, je sens les êtres, encore plus depuis que je suis en fauteuil, ce qui me met dans une position de spectateur. J’observe tout, j’aurais été un bon flic [rires]. Dans la rue, je ne regarde pas mes pieds.
J’ai de plus en plus de mal avec le roman. Mes livres s’intéressent aux aventures humaines. Le romanesque n’a de sens pour moi que s’il désigne la manière de présenter les choses. C’est là où le métier d’écrivain intervient. Là où, justement, ça devient un métier. Comment racontes-tu une histoire ? Comment construits-tu tes personnages ? Comment rattraper une forme de réalité, ou de déni de réalité, pour en faire un chapitre littéraire ? Évidemment il y a du romanesque ! Quand je parle de Versailles, c’est romanesque ! Ma mère, les jardins, les familles, les filles, le château… Mais, pour moi, il ne s’agit que de belle écriture.
La littérature et les faits divers, ou faits criminels, c’est une histoire plus qu’ancienne. As-tu des maîtres en la matière ?
Simenon. Son œuvre est colossale. Il te fait rentrer immédiatement dans l’histoire. C’est un écrivain qui a le sens du détail, de la psychologie à la fois proche et lointaine. Même dans ses œuvres autobiographiques. J’ai toujours été fasciné…
Il y a un passage dans À l’abri de notre arbre qui m’avait marqué. Simenon est chez lui, avec sa famille, en Suisse, à Epalinges ou Echandens, je ne sais plus… Il travaille sur les corrections italiennes de l’un de ses livres. On lui envoie une traductrice. Ils se réunissent trois heures par jours, le matin. L’après-midi, il s’ennuie, déambule. Il tombe sur la traductrice dans la bibliothèque, elle a étalé ses feuillets sur un billard. Simenon écrit : « J’ai soulevé sa robe, et je l’ai prise. » C’est ça Simenon. Paf !
Je me souviens d’En cas de malheur, et de l’affiche du film de Claude Autant-Lara avec Bardot, en porte-jarretelles, le sexe offert. Je m’étais demandé si Simenon avait écrit ça de cette manière, ou s’il s’agissait d’un fantasme du réalisateur… Oui ! il l’a écrit ! Dix ou quinze lignes. « Yvette releva sa jupe […] ». C’est cette précision, condensée, qui m’enchante… Les « détails psychologiques ». J’aurais adoré avoir sa puissance d’écriture.
Il y a un autre écrivain dont je me sens proche : Simon Liberati, avec sa culture rock n’roll, sa passion des destins brisés, son livre sur Jayne Mansfield, les années 50-60, le sexe, Hollywood, les Cadillac, ces voitures chromées. Quand j’y pense, j’aurais voulu avoir seize ans entre 1953 et 1963, juste avant l’invention de la minijupe.
Les États-Unis sont omniprésents dans tes textes… Quel est ton rapport à la littérature américaine ?
Je suis venu à la littérature américaine par le cinéma. J’ai croisé et aimé Un privé à Babylone de Richard Brautigan, 1275 âmes de Jim Thompson (qui a inspiré Tavernier pour son film Coup de Torchon en 1981). Mais surtout, un livre qui a compté pour moi : Mes 400 coups d’Errol Flynn. [Il désigne une pile de livres entassés contre un mur]. Tu vois là ? Le bouquin jaune ! Il a été publié en 1976, je l’ai retrouvé dans une petite librairie. Ça a été le point de départ de mon goût pour les biographies. Et puis il y a eu la bio d’Elvis ! Très vite je suis rentré dans l’histoire du Cinéma, les scénarios, les mémoires d’Elia Kazan, les récits de vies d’actrices hollywoodiennes. Tout ça m’a passionné.
Je garde aussi un souvenir fort de ma lecture d’Hemingway, Le vieil homme et la mer, quel génie !… Jim Harrison aussi !
Et puis j’ai beaucoup lu sur les Indiens, les aventures du chef Sioux Crazy Horse. Cette histoire de destruction me fascine. J’ai pas mal de livres sur la guerre de Sécession. On avait cette passion avec Xavier, dans les années 60-70, à travers les séries télévisées comme Bonanza ou Rintintin. C’est par-là que je suis rentré dans l’Histoire des États-Unis, par le Far West ! Puis c’est la culture rock qui m’a attrapé. Elvis ! Les Beach Boys ! La Californie ! Et là, mon engouement pour les biographies entre jeu : Elvis toujours, John Lennon, Jim Morrison, Janis Joplin, Chuck Berry, Little Richard, etc.
Une dernière citation, d’un géant américain : Truman Capote. À propos de De sang-froid, livre dont le point de départ est… le meurtre d’une famille à Holcomb dans le Kansas, il disait vouloir « écrire un roman journalistique, un texte qui aurait la crédibilité du fait, l’immédiateté d’un film, la profondeur et la liberté de la prose et la précision de la poésie ». Quelle est la part poétique de L’ami impossible ?
De sang-froid, le livre référence ! S’il y a de la poésie dans mon livre, c’est sûrement au début. L’écriture y est plus précise, précieuse. Je me souviens d’un passage dont je suis fier. Là je me suis dit : « Putain Bruno ! c’est bien balancé ! » C’est à la fin du premier chapitre, quand je m’endors dans la Mercedes 600 qui me ramène à Versailles :
« Dans le confort moelleux et réchauffé de l’habitacle, je prenais mes aises et quittais des yeux, peu à peu, le paysage des mers pour celui des terres, cet autre Finistère. Mes paupières se fermaient tandis que la limousine, impassible, avalait un silence les kilomètres. Je laissais les souvenirs, les visages, les voix, graviter en roue libre puis se dissoudre vers l’océan, au fond de ma conscience assoupie, comme les cris familiers des rameurs à la dérive. La Bretagne s’éloignait… »
Il y a ici une écriture, mais ça raconte ma jeunesse qui s’éloigne. Quand il y a trop de poésie, c’est chiant comme la pluie. J’ai besoin de sexe, de sang et de larmes. Faut que ça bouge ! En route vers de nouvelles aventures !