C’est entendu : la culture aura été la grande absente du débat présidentiel.
Il n’est pas trop tard pourtant pour rappeler l’importance de cette belle idée qu’est l’exception culturelle française. Celle qui fait la singularité de notre pays qui a compté parmi ses dirigeants politiques des poètes et des artistes, d’illustres écrivains comme Hugo, Lamartine ou Chateaubriand. Celle qui protège nos créateurs, leur permet de partager leurs regards et leurs points de vue sans être soumis à la censure que font peser partout dans le monde les régimes autoritaires.
Il n’est pas trop tard pour s’opposer aux forces réactionnaires qui voudraient que la culture ne soit qu’une nostalgie alors qu’elle doit être pour chaque citoyen où qu’il soit né et où qu’il vive, une promesse d’avenir et une invention permanente. Brisons le vieux refrain du « C’était mieux avant ». On peut aimer à la fois la France de Jean-Paul Belmondo et d’Edith Piaf mais aussi celle de Pierre Niney et de Clara Luciani. Défendre le patrimoine culturel d’exception de nos villes et de nos villages mais aussi la réussite de nos sociétés de jeux vidéo. Se réjouir de retrouver après une si longue absence des films en salles et espérer que les plateformes en ligne soient demain de vrais partenaires pour financer la création cinématographique nationale et européenne. Et rappeler sans cesse combien l’extrême droite est un danger pour la pluralité des expressions, il suffit d’observer, dans les villes tenues par le Rassemblement National, l’inanité des politiques culturelles qui se limitent au retour aux identités locales et au découragement de toute création contemporaine sans parler des tris opportuns menés dans les bibliothèques et les librairies contre les publications progressistes pour imaginer quelle catastrophe pourrait représenter son accession à la tête de notre pays.
Il n’est pas trop tard pour réaffirmer l’ambition d’une offre culturelle destinée à l’ensemble de la jeunesse de notre pays. Parce que l’accès au beau, à l’immatériel, à l’imaginaire ne doit, par définition, souffrir d’aucune entrave. C’est une exigence sociale et démocratique que de permettre sans disparités géographiques et sociales à tous les enfants de bénéficier de rencontres avec des œuvres et des artistes. Et, bien sûr, de susciter des vocations, d’aider celles et ceux qui veulent jouer, danser, réaliser de le faire dans un environnement favorable, loin des plafonds de verre et de l’entre-soi.
Il n’est pas trop pour rappeler que la culture est un secteur essentiel de notre économie et non un loisir mondain. Elle irrigue au quotidien la vie de l’ensemble de nos compatriotes dans les salles de spectacle, les allées des librairies et même les écrans de nos téléphones. Les Français auraient vécu un confinement bien différent s’ils n’avaient pas pu découvrir des films, des livres ou des chansons durant cette période incertaine. Il faut continuer à lutter pour que celles et ceux qui, dans notre pays, permettent la production, l’édition, la distribution et la diffusion des œuvres puissent en avoir les moyens.
Il n’est pas trop tard. Mais ne nous y trompons pas. L’indépendance et la liberté de ceux qui créent ou nous informent n’est pas un acquis immuable. La possibilité d’avoir accès à une vision plurielle du monde est une chance. On ne joue pas à la roulette russe avec la démocratie. C’est aux Français de dire quelle vision de leur héritage culturel ils veulent défendre et quel avenir pour les créateurs ils souhaitent promouvoir.
Souhaitons un réveil des consciences. Avant qu’il ne soit trop tard.