La Novaya Gazeta fut la Némésis des années Poutine.
Ce fut son remords, sa mauvaise conscience, le bastion de la résistance intellectuelle contre la répression qui frappait.
C’était Victor Hugo chaque jour.
C’étaient Les Châtiments dans le pays du tyran.
C’était la vérité, quotidienne, sur les guerres, les crimes, les mensonges, de Vladimir le Petit.
C’était le journal d’Anna Politkovskaïa que nous avons, ici, tellement défendue.
Et c’était, depuis quatre semaines et le début de l’invasion de l’Ukraine, le dernier journal libre qui, à Moscou, accueillait, comme disait Victor Hugo, « cette voix qui sort des cavernes à l’heure où son pays se prosterne ».
Aujourd’hui Dmitri Muratov, son directeur, Prix Nobel de la Paix 2021, est dans l’obligation de « suspendre » sa publication.
C’est la dernière voix libre qui se tait en Russie.
C’est la deuxième mort d’Anna Politkovskaïa.
Et, pour les vrais amis de la Russie, pour ceux qui entendaient, et tentaient parfois de relayer, les « voix dans le souterrain » qui parvenaient encore à braver la censure, c’est la stupeur, le chagrin, la colère.
Que la rédaction de Novaya Gazeta sache que nous sommes avec elle.
Qu’elle sache que nous sommes prêts, ici, dans les colonnes de La Règle du Jeu, à l’aider et à l’accueillir.
Sa grandeur tragique nous oblige.
Sa voix est indispensable.