La nuit est tombée. La peur. L’ombre de la peur. Au bas de cet été, le retour case départ. L’odorat d’il y a vingt ans. Le désarroi. La détresse. Le sentiment de délaissement, d’abandon, d’angoisse, de désespoir. L’effroi. L’inquiétude. La solitude.

 Puisque les choses sont ainsi, sauve qui peut. Sauver sa peau. La fuite : l’oiseau sur le tarmac ou la route. 

Qu’adviendra-t-il ensuite ? 

La nuit est tombée. Il y a ceux qui accusent et accablent les vaincus. Tant pis pour eux : ils se sont donnés sans combattre. Où la fumée de leurs fusils ? Pourquoi tant de passivité ? Pourquoi cette docilité moutonnière ? Pourquoi les vaincus du moment n’ont-ils pas été invincibles et invaincus ?

Souvenir de Saigon remémoré, il y a ceux qui se moquent des Américains. La plus grande puissance militaire planétaire humiliée par une armée sortie d’un autre âge. Ceux qui contestent par reflexe cette Amérique qui, selon eux, jugerait le monde à partir de son nombril ; ceux qui considèrent l’Amérique comme un facteur de crainte, se sentent parfois rabaissés, refusent d’être catégorisés péjorativement comme le reste du monde. Périphérie, centre, jeux de puissance, constructions idéologiques, cynisme. 

Il y a ceux qui jubilent et ricanent. Tous ceux-là qui rêvent d’un monde fermé où, chacun maître charbonnier chez soi, le plus fort aurait toute latitude d’écraser plus faible que lui en toutes libertés. Les nostalgiques de la frontière comme citadelle ; les défenseurs des particularismes idéologiques et nationaux ; les envoutés de la brutalité comme mode de gouvernance. 

Il y a ceux qui s’en contrefichent. Ceux qui sont prêts à accepter toutes les oppressions possibles et imaginables tant qu’ils n’en sont pas eux-mêmes les victimes. Tant qu’ils ne sont pas directement menacés, agressés, frappés, taillés dans leur propre chair. 

Je ne sais pas ce que deviendra l’Afghanistan. La nuit durera ou ne durera pas. La nuit est souvent imprévisible. La nuit, le monde ne se regarde pas ; le monde se vit. Et où commence et finit la nuit ? Et qu’elle est la signification de ce moment historique ? Le cours des événements actuels était-il prévisible et modifiable ? Le report de cette nuit était-il impossible et inévitablement inscrit dans l’ordre des choses ? L’aventure humaine est-elle linéaire ou circulaire ?

Parce que nous sommes – tous et toutes – le monde, parce que nous appartenons – tous et toutes – à la même planète, j’ai mal pour l’Afghanistan.

Un commentaire

  1. Bonjour,

    Je ne sais pas si les Américains réalisent la portée dévastatrice de leur capitulation. C’est encore pire que la débâcle française de 1940. À cette époque, l’armée française, dirigée par des généraux incompétents, n’a pas refusé le combat. Mais elle a été complètement dépassée par une armée moderne, mécanisée et soutenue par une puissante Luftwaffe. Nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe. Si la Wehrmacht avait réussi à atteindre Moscou et si dans le même temps, les scientifiques nazis avaient réussi à mettre au point la bombe atomique, le monde d’aujourd’hui serait un cauchemar.

    Pour toute la galaxie islamiste, la victoire des Talibans, c’est la victoire de l’Islam et par conséquent la victoire de Dieu. Avec des capacités militaires bien plus faibles, les Afghans ont envoyé au tapis les Britanniques, les Russes et les Américains. Pour eux et pour les islamistes du monde entier, cette invincibilité est la preuve que leur idéologie est supérieure. Contrairement à Adolf Hitler, Dieu ne risque pas de se suicider. Il est hors d’atteinte des bombardiers et des missiles. Il ne se cache pas dans une grotte, et aucun commando ne pourra le débusquer. La débandade des Américains délivre aux Islamistes du monde entier, le message suivant : Sous la conduite de Dieu, l’Islam gagne des guerres. Le temps de la conquête est arrivé. Le destin de l’Islam est de conquérir le monde et les esprits.

    Selon Joe Biden, le « Gamelin de Washington », dans cinq ou dix ans, les États-Unis seraient encore en Afghanistan. Bien sûr! Et alors? Où est le problème si la transformation de ce pays avait pris cinquante ans? Il faut du temps pour que la thérapie démocratique vienne à bout du cancer du fanatisme. On ne peut pas interrompre brutalement un traitement aussi lourd. C’est pourtant ce qu’ont fait les États-Unis. Cette capitulation sans combattre va marquer ce pays du sceau du déshonneur.La vallée du Pandjchir est la dernière terre libre d’Afghanistan. Le fils d’Ahmed Chah Massoud a pris la tête des résistants. Abandonner ces hommes et ces femmes, c’est abandonner l’humanité.