Depuis plusieurs années, dans le domaine brûlant de l’antisémitisme, nous vivons au rythme des pitreries récidivistes de quelques illuminés, de mots obscènes, d’indignations sélectives, d’hurlements et d’agressions caractérisées. Mais les violences s’intègrent dans un schéma plus général, comme un pli qui débute lors de la seconde Intifada (en 2000). Une violence antijuive a déferlé alors de façon quasi simultanée en France et dans toutes les démocraties occidentales. Depuis, d’autres agressions ont secoué la communauté juive, ponctuellement, régulièrement, durablement, faisant des lieux de culte et d’écoles, des fidèles, de certains responsables ou membres de la communauté, autant de cibles vulnérables.

Face au conflit israélo-palestinien, chacun éprouve de l’empathie pour telle ou telle cause et des manifestations ont lieu. Mais elles sont, le plus souvent, organisées par les militants ou les sympathisants de la cause propalestinienne. Si la majorité d’entre elles ne provoque pas de trouble, la tension est cependant presque toujours palpable dans les cortèges (cris, hurlements…), depuis l’année 2.000. Dans ces manifestations, les slogans les plus outranciers sont scandés. Mais il y a aussi ces cris de « Mort aux Juifs », des étoiles de David identifiées sur les banderoles à la croix gammée et ces maquettes de roquettes Qassam brandies par les militants cagoulés. Et, pour certains, l’objectif réel est de défendre le Hamas ou le Hezbollah. Pis, des dérapages ont lieu, œuvre de casseurs qui veulent en découdre avec les forces de l’ordre ou œuvre de jeunes paumés, de provocateurs antisémites et islamistes, entraînant des heurts violents avec la police.

Nous proposons dans cet article de revenir sur les manifestations violentes qui se sont déroulées en 2009 et durant l’été 2014, sur fond de violences antisémites, en raison d’un énième affrontement israélo-palestinien.

Que se passe-t-il en 2009 ?

La manifestation du 10 janvier 2009 à Paris, pour dénoncer une intervention militaire israélienne à Gaza, donne lieu à des débordements au moment de sa dispersion. Elle avait pourtant été placée sous haute surveillance, avec près de 3800 policiers et gendarmes mobilisés autour du cortège. Mais, l’ambiance est tendue à certains endroits dans la marée de manifestants. Les slogans fusent et tout le monde en prend pour son grade. Les médias sont également conspués. Des vitrines de cabines téléphoniques et d’abribus volent en éclats. Scooters et vélos sont incendiés par de petits groupes que les CRS dispersent à coup de gaz lacrymogènes. Les policiers sont eux-mêmes la cible de projectiles (barres métalliques de protection des arbres, bouteilles de verre, sacs poubelles en feu…). Le bilan est lourd : 180 interpellations et douze policiers blessés. Finalement, loin d’être « familiale » et « cordiale », la manifestation est violente.

Que se passe-t-il lors de la manifestation du 10 janvier 2009 à Nice ?

La manifestation propalestinienne dégénère. Durant deux heures, des centaines de manifestants violents affrontent la police sur l’avenue Jean-Médecin et la Place Albert 1er. Ce devait être, contrairement à celle de Paris, une manifestation pacifique, non-violente, pour soutenir les Palestiniens. Le défilé rassemble près de 5.000 personnes. Mais, et comme souvent, c’est au moment de la dispersion qu’elle dégénère. Des échauffourées éclatent alors que le « service d’ordre » semble impuissant. Des manifestants cagoulés jettent des pierres, des bouteilles en verre et du mobilier urbain (panneaux, poteaux, clôtures…). Un centre commercial baisse ses grilles pour éviter les intrusions, tandis que des centaines de personnes faisaient du shopping à l’intérieur. Les vitrines du McDonald de l’avenue Jean-Médecin sont brisées avec des chaises et des tables qui se trouvaient sur la chaussée. Côté Promenade des Anglais, des pierres sont lancées en direction d’un autre McDonald et du casino Ruhl (groupe Barrière).

Selon Charlie Hebdo (du 14 janvier 2009), les manifestations de soutien à la Palestine (à Paris, Nice et ailleurs) soulignent le fossé qui sépare humanistes et fanatiques : « Les raisons ne manquent pas pour aller aux manifestations de soutien aux Palestiniens. […] Seul hic, on risque de se retrouver en mauvaise compagnie. Les cortèges de l’UOIF, du Hamas et du Hezbollah ont nettement plus de succès. Il faut dire que l’animateur du Hezbollah s’y connaît en karaoké: « Vive les kataieb kassam » ! (du nom des brigades du Hamas qui tirent sur des civils israéliens). De tels poumons ne sauraient se limiter au répertoire de la Palestine. Au micro, le chanteur lance un appel : « À Beyrouth, résistance ! En Algérie, résistance ! À Istanbul, résistance ! Au Caire, résistance ! Au Maroc, résistance ! En Afghanistan, résistance ! À Bagdad, résistance ! » Il conclut son refrain en arabe:  « Mort à Israël, mort à l’Amérique ! »

Dans Le Figaro (éditorial du 4 mars 2009), Etienne Mougeotte revient lui aussi sur ces manifestations. Pour lui, les Français ne sont pas majoritairement antisémites, mais la menace antisémite n’est jamais loin : « Les manifestations en France de soutien au peuple palestinien ont glissé d’une solidarité légitime aux populations de Gaza à un antisionisme virulent, qui a débouché à son tour sur des images et des symboles antisémites. […] Là réside le danger de l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien par l’extrême-gauche. Car on peut tout reprocher à Israël, la disproportion de la riposte de Tsahal aux tirs de roquettes du Hamas contre les populations civiles israéliennes. Mais exalter l’antisionisme, c’est tout simplement refuser aux Israéliens le droit de vivre dans un État reconnu par la communauté internationale et dont le lien avec Sion, c’est-à-dire Jérusalem, est constitutif de cet État. »

Les violences commises à Barbès

La Préfecture de police de Paris avait interdit cette manifestation, évoquant des « risques graves de trouble à l’ordre public » après les heurts du 13 juillet 2014 devant deux synagogues, en marge d’un autre rassemblement. Les organisateurs, responsables entre autres de petites organisations propalestiniennes, avaient alors introduit un recours en urgence devant le tribunal administratif de Paris, qui l’avait rejeté. Le 19 juillet donc, malgré l’interdiction, des centaines de personnes se rassemblent à Barbès, ils sont très encadrés par les forces de l’ordre. Peu avant 16 heures, la manifestation commence à dégénérer.

Pascal Ceaux et Boris Thiolay, dans L’Express du 23 juillet 2014, rapportent :

« Le keffieh entoure souvent les cous des hommes et des femmes qui piétinent, malgré une chaleur de plomb. Ce foulard, emblème des combattants palestiniens, semble le seul trait d’union entre les quelque 3.000 manifestants recensés par la police à l’occasion de ce rassemblement interdit. Car, lorsque le cortège s’ébranle, les différences d’âge ou de motivations sautent aux yeux. Les banderoles du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) proclamant ‘il est fini le temps des colonies’ voisinent avec des bannières palestiniennes. Un peu plus tôt, des drapeaux israéliens brûlent. On aperçoit aussi, au beau milieu du défilé, un portrait du cheikh Ahmed Yassine, chef spirituel radical du Hamas tué par les Israéliens en 2004. Les slogans fusent : ‘Nous sommes tous des Palestiniens’, ‘Israël assassin, Hollande complice’… » D’autres lancent des projectiles sur les forces de l’ordre, qui répliquent avec des gaz lacrymogènes. En fin de journée, une vingtaine de manifestants, certains portant le drapeau palestinien sur les épaules, jettent encore sur les forces mobiles de grosses pierres récupérées sur un chantier. D’autres cassent un trottoir pour récupérer des pavés.

Les affrontements ont parfois été très rudes, comme celui dont L’Express a été témoin au pied du Sacré-Cœur. Une trentaine de jeunes gens surexcités, hurlant « Allah Akbar ! », lancent des chaises, des verres et des cailloux sur quatre policiers qui tentent de bloquer une rue. Puis, ils chargent les gardiens de la paix qui, dans un premier temps, doivent battre en retraite. Pour couvrir ce repli, l’un d’eux met en joue un manifestant avec son arme de défense. Celui-ci le défie alors : « Vas-y, tire, je filme la bavure ! »

Selon une source policière, 38 personnes sont interpellées pour jets de projectiles, violences contre les forces de l’ordre et outrage. Dix-sept policiers et gendarmes sont blessés. Plus tard, 19 personnes sont placées en garde à vue. Elles sont soupçonnées de violences aggravées (en réunion ou avec arme) sur personne dépositaire de l’autorité publique, outrages, rébellion, dégradations aggravées ou encore participation à un attroupement.

Les émeutes de Sarcelles

Jets de projectiles sur les forces de l’ordre, véhicules incendiés, quelques magasins pillés : Sarcelles, banlieue connue pour son multiculturalisme à quelques kilomètres au nord de Paris, a été le théâtre de nouvelles violences liées à l’actualité à Gaza. Les premières dégradations ont immédiatement suivi un rassemblement calme de militants propalestiniens que la préfecture avait interdit. Des jeunes manifestants se sont engouffrés en ville, incendiant des poubelles et allumant pétards et fumigènes. En fin d’après-midi, des casseurs s’en prenaient à une pharmacie qui a pris feu, alors qu’un hélicoptère de la police tournoyait dans le ciel. Les forces de l’ordre tiraient des cartouches de lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour tenter de les disperser. Quelques journalistes ont été pris à partie. Un caméraman de télévision a été dépouillé de son matériel et un photographe de l’AFP a été agressé et légèrement blessé.

Conclusion provisoire

Les attaques sauvages des synagogues de la rue de la Roquette et de Sarcelles ne sont donc pas une première, ni une nouveauté en France. Elles pourraient se reproduire au mois de juin 2021. « Les conflits extérieurs à la France ne doivent pas toucher et contaminer l’équilibre, la fraternité et la cohésion de la société française », avait estimé en son temps et avec sagesse le Recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur (Le Monde, 12 janvier 2009). Voilà un message qui doit être entendu. Il faut condamner fermement les violences, d’où qu’elles viennent. Seulement voilà, le conflit israélo-palestinien n’est plus abordé sous l’angle rationnel mais de façon purement émotionnelle et certains individus s’attachent si démesurément à cette guerre qu’ils en perdent la raison. Ils se lâchent alors, faisant des rues de Paris le terrain d’émeutes insupportables. Ils en profitent aussi pour saccager et détruire, incendier et frapper. Enfin, il y a celles et ceux qui instrumentalisent le conflit israélo-palestinien à des fins partisanes, notamment au sein de l’extrême gauche et chez les islamistes. Là, incontestablement est le danger, celui de l’instrumentalisation.

Comme le disait le philosophe Bernard-Henri Lévy sur CNews, ce 13 mai 2021, « Marre du 2 poids, 2 mesures. Marre de la stigmatisation d’Israel. Honte à ceux qui disent pleurer les Palestiniens de Gaza mais que je n’ai jamais vus, sur la route des hommes sans nom, dans une manifestation de soutien aux musulmans ouïgours, bosniaques, darfouris, syriens ».

4 Commentaires

  1. Moi je trouve ça très mal ces manifs qui dégénère en antisémitisme. Mais les Juifs professionels comme l’auteur de cet article n’ont que ce qu’ils méritent. Ce sont eux, c’est l’intelligentsia juive, ce sontz les organisations juives, qui ont organisé cette immigration arabe. Ils ont fait venir des millions d’antijuifs viscéraux en pleine connaissance de cause, pour faire la guerre ethnique contre les goïms. Alors de quoi ils se plaignent. C’est leur faute. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. C’est la justice immanente.

  2. Comme d’hab, un article qui au fond, n’evoque que l’antisémitisme partout et tout le temps.
    De la victimisation en boucle.
    On sait que l’originalité et la reflexion ne dominent pas cet article…

    • Cet article, s’il ne comporte pas la dimension réflexive dont on peut, j’en conviens, regretter l’absence, a cependant le mérite de nous rafraîchir la mémoire et de nous mettre en garde contre le phénomène bien connu, même s’il est nié par ceux-là mêmes qui en sont à l’origine, de l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Que ce conflit et le soutien aux Palestiniens, au lieu de ne donner lieu qu’à des rassemblements appelant à un règlement pacifique et à la recherche des moyens propres à le résoudre enfin, soit l’occasion de clamer des slogans antisémites et de souhaiter la disparition de l’Etat d’Israël me fait dire au contraire qu’il est opportun de faire en sorte que les désastreux effets de foule soient contenus et que notre vigilance ne se relâche pas. Ce qui m’effraie, je dois le dire, c’est non seulement la persistance de l’antisémitisme, mais sa diffusion au sein des franges extrémistes et le recours systématique à cette haine irrationnelle. Et je vois là un obstacle majeur à la recherche de la paix au Proche-Orient

    • de toute façon il en faudrait beaucoup plus que ce mischuganah pour nous faire prendre Netanyahou pour une… victime