« Infodémie, un nouveau danger » – tel est l’un des titres que l’on peut lire à la une du Quotidien du médecin daté du 29 mai 2020. A quoi correspond ce terme ? « Infodémie » est la contraction d’information et d’épidémie. C’est par ce qualificatif que Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) illustre la frénésie d’informations autour du Covid-19 : « Nous ne combattons pas seulement une épidémie, nous combattons aussi une infodémie » dit-il, le 2 février 2020.

Il est vrai que depuis le début de la pandémie, nous sommes saturés d’informations de toutes sortes autour de cette nouvelle maladie. Il devient aujourd’hui difficile d’échapper à la diffusion de textes ou de vidéos informant de remèdes aussi farfelus qu’ingurgiter de la javel ou boire des potions à base de cannelle et clou de girofle. Il se trouve toujours quelqu’un dans votre réseau de contacts qui exprime le besoin de vous transférer ce type d’information via les messageries. Or, il existe un réel danger à laisser circuler ces « recettes » toutes plus incongrues les unes que les autres et qui peuvent être étonnamment relayées par des personnalités de premier plan ou transmises au nom d’autorités religieuses. Mais au delà de la propagation de ces remèdes absurdes, il y a lieu de s’interroger sur le rôle des médias mais aussi des institutions gouvernementales et des médecins eux-mêmes dans la communication sur l’épidémie. Cette surinformation relayée massivement par les réseaux sociaux a laissé la place à un discours passionné plutôt qu’à une approche scientifique et rationnelle de la démarche soignante. Le débat autour de l’hydroxychloroquine illustre parfaitement cet état de fait entre croyances, intuitions et réalités scientifiques.

Maïmonide, dans son Guide des égarés, développe l’idée qu’il faut rechercher la vérité par la connaissance et non s’en remettre à une opinion. Il entend démontrer la supériorité d’une vérité établie à travers la conception d’un raisonnement plutôt que l’énoncé de ouï-dire ou d’idées reçues : « Sache, ô lecteur de mon présent traité, que la croyance n’est pas quelque chose qu’on prononce (seulement), mais quelque chose que l’on conçoit dans l’âme, en croyant que la chose est telle qu’on la conçoit … Il ne peut y avoir croyance que lorsqu’il y a eu conception, car la croyance consiste à admettre comme vrai ce qui a été conçu et à croire que cela est hors de l’esprit tel qu’il a été conçu dans l’esprit. S’il se joint à cette croyance (la conviction) que le contraire de ce qu’on croit est absolument impossible et qu’il n’existe dans l’esprit aucun moyen de réfuter cette croyance, ni de penser que le contraire puisse être possible, c’est de la certitude. » Il est ainsi dans la lignée du réalisme scientifique aristotélicien qui vise à prouver qu’une chose est vraie si elle conforme avec ce qu’est la chose elle-même. Mais encore faut-il être en mesure de comprendre les raisonnements qui mènent au statut d’un objet de connaissance certaine. C’est cette difficulté d’accès qui peut être à l’origine de croyances ou d’incroyances.

Tels sont donc les enjeux et les risques inhérents à la communication excessive d’informations scientifiques dont la portée est difficilement perceptible par un public non averti. D’autant que certaines allégations – quand elles émanent d’institutions ou d’autorités médicales – peuvent sembler définitives ; or, la médecine, à l’image du vivant, est une discipline en perpétuelle évolution. Rien n’est jamais figé, une information qui apparaît crédible à un moment donné peut être contredite à une autre période. Gardons-nous de toute précipitation en matière de transmission d’informations médicales, et soyons, nous, soignants, les premiers à donner l’exemple.