J’ai commencé par essayer, en réponse aux cent principes de M. Hulot – qui manifestement est rentré de vacances – d’en écrire cent autres. Échec. J’ai insisté pourtant, et persévéré. Lisant inlassablement. Un, deux, trois, quatre… Cent ! Encore et encore. Puis, au terme de multiples tentatives, j’ai compris pourquoi je n’y arrivais pas. J’ergotais dans le vide, essayant d’attraper un courant d’air. Cette tribune, ce manuel de développement personnel digne d’une liste de course rédigée par Miss France, Lapalisse en aurait dit autant. Telle est la force de l’affect mou : on rebondit dessus, puis on s’enfonce. C’est ainsi que fonctionne la rhétorique du curé Hulot en mal de campagne : agiter un chapelet de bons sentiments. Des bondieuseries ! Et voilà que se dessine son Hulotopie.

Sûr de lui, prophétisant dans le sens du vent – toujours dans le sens du vent ! – l’ancien ministre claqueur de porte, ouvre une fenêtre vers le monde de demain en exploitant un sentiment de culpabilité : à l’instant même où son lecteur n’adhère pas à l’un de ses principes, voilà que la chaîne des vertus se brise. Au moindre doute, à la première remise en question, on se sent mal. Doit-on en avoir honte ? Et puis, après tout, qui doit avoir honte dans cette affaire ? Celui qui enfile des poncifs comme des perles ? Ou celui qui se méfie de ces initiatives de boyscout ? On sent bien que pour être l’homme du nouveau monde il faudrait suivre Nicolas Hulot, prendre sa main d’enfant capricieux et mal consolé, et le suivre. À l’aveugle. Comment faire autrement ? Face à un tel bloc de simplicité, on se dit que c’est tout ou rien. Pas de détail. Pas de nuance. Alors soit, je dois vous avouer quelque chose : je suis un monstre-égoïste-et-sans-cœur. Ce « nouveau monde », je n’en veux pas. Il se fera donc sans moi ? Je n’y aurai pas ma place ? Tant pis. Sensiblerie n’est pas philosophie. J’ai choisi mon camp, et laisse courir les idées courantes.

Je faisais récemment, à ma manière, un éloge des villes. Non pas que je sois moins sensible qu’un autre au regard d’une vache et à ses charmes. Mais enfin, la campagne, au bout d’un certain temps, ça gratte. Ça démange. Lisant Hulot, je me dis qu’il y aura, demain, d’autres éloges à inventer : dire la beauté des voyages par exemple. Au principe du « près de chez vous », ajoutez une volonté de créer des lobbys de conscience, de retour à l’unité, à la simplicité, une croyance au destin et à la fatalité : vous obtenez ce que la France a de plus nauséabond. Je me méfie des sentiers terreux – foutue terre ! – plein de racines et de frontières, où les gourous délirent, en particulier lorsque toute cette soupe rance est diluée dans un magma de sensiblerie. Le Pangloss de Voltaire, optimiste à tout crin, était professeur de métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie : il ne reste au mieux à Nicolas Hulot, pour son « meilleur des mondes possibles », que la nigologie. Le robinet d’eau tiède de la pensée est ouvert. Dont acte.

Que répondre à un type qui viendrait vous dire, tout fier de sa trouvaille : « Le temps est venu d’applaudir la vie » ? Que la vie, justement, n’est pas un film de Jacques Demy…

            Aimer la vie, aimer les fleurs

            Aimer les rires et les pleurs

            Aimer le jour, aimer la nuit

            Aimer le soleil et la pluie

            … Et caetera, et caetera.

            Prêchi-prêcha donc.

            Non, merci.

Un commentaire

  1. De toute façon, le naturel revient au galop. Les pays riches vont se remettre à consommer, leur seul objectif dirait-on. Les gens vont se précipiter dans les Mc Do, dans les bijouteries, dans les magasins de fringues, … Chacun, en bon petit égoïste de la génération suivante, attend la fin de cette crise pour bien l’enterrer, l’oublier et repartir de plus belle, des œillères sur le visage. Mais sachons que cette crise n’est qu’un avant-goût des conséquences déjà visibles du changement climatique. Une petite blague par rapport aux catastrophes malheureuses qui tueront bien plus de monde. Là, la courbe ne sera pas « contrôlable » (par des gestes barrière) pour arriver à une allure de cloche mais montera (monte déjà depuis des années, silencieusement) de façon exponentielle.
    C’est en ce sens que Mr Hulot est intervenu je crois. Et en effet, tout cela semble relever de poncifs et de clichés. Mais dans la mise en pratique de ces idées, il faut bien avouer que ça ne bouge pas. L’humanité continue sans modifier sa course folle. Le message laconique de Nicolas Hulot est peut-être même encore trop élaboré, puisque peu le comprennent (je ne parle même pas des politiques dont il ne faut rien attendre de concret mais d’une grande partie des citoyens).