« Qu’il est difficile d’être libre en Europe ! », écrit Malaparte, pourtant en 1948, dans la préface de sa « Volga naît en Europe ». Le poète-journaliste continue, en rappelant que la plupart des hommes qui demeurent libres dans cette Europe sont particulièrement haïs par les esclaves, quand ils osent épouser leur cause. 
Tout le monde sait que la liberté compte d’autant plus au nombre des illusions qu’elle est mise en lumière comme un bastion en danger, ou à défendre (contre le traçage, ou quelque autre démon digital). A l’instar de l’exception culturelle française, c’est quand tout est fini qu’on affirme hautement l’obligation de voler à son secours. Quand on voit le Monde, toujours soucieux d’être dans le mouv’, titrer sur les nouvelles dispositions urbanistiques de telles mairies pour favoriser dans l’espace urbain la distanciation sociale, on se dit que la France sera toujours la France – ainsi que le standard du ministère de l’Intérieur, échauffé par les délations trop nombreuses, l’avait déjà démontré. 

L’affaire Raoult, qu’un admirable ami considérait récemment à la lumière de quelques perles de Monsieur Purgon, relève aussi d’autres signaux, d’autres symptômes que le seul ridicule, certes indémodable, de la mandarinoachie. 

De ceux qu’il est bon de rappeler, quand on les vit en direct, et en cage. 

Que dit Raoult, et que disent ses adversaires – depuis le début de leur choc des titans ? Raoult, que les statistiques ne sont pas l’alpha et l’oméga de la scientificité médicale ; ses adversaires, que les études publiées par le médecin ne présentent pas de « double aveugle » ; partant, qu’elles sont nulles et non avenues.

A quoi ressortit cette querelle ? Au seul sujet véritablement crucial en cette matière et qui explique largement le susnommé confinement, à moins que des nouvelles fraîches provenues de Wuhan soulèvent un coin plus décisif du voile. A savoir au gouvernement des data

Gouvernement mondial, pour un confinement, puis un déconfinement mondiaux – empaquetés et/ou triés, par les data.

Quelle est la mesure commune de l’action politique, de l’action culturelle, de l’action économique, de l’action médicale ?

La réponse est toujours la même : les statistiques, fondées sur le plus grand nombre possible. Cette constance est fondamentalement politique, mais aussi religieuse. Quand, dans un séminaire mémorable, Jean-Claude Milner montra que la France de 1945, aiguillonnée par le CNR, passa d’un modèle de chef-d’œuvre politique (celui de la IIIe république) à au modèle de chef-d’œuvre social (celui de la IVe), il montrait déjà que la France avait renoncé à l’élite minoritaire, pour le triomphe du très grand nombre. La « révolution » digitale, néanmoins, a précipité le mouvement. Car la data, ici médicale, mais ailleurs économique, sociologique, etc. ajoute, à l’ivresse des grands nombres, celle, extatique, du « cas par cas » qui semble offrir aux gérants du fait social le beurre et l’argent du beurre. 

Tout le monde, et chacun, en même temps. Tout le monde = chacun ; chacun = tout le monde. Tautologie sublime.

Eh bien, chose nouvelle, il en va désormais ainsi dans la vie de l’esprit. 

Même pour ce qui concerne les travaux de l’esprit humain, c’est la logique du très grand nombre qui doit l’emporter. 

La sociologie, telle Jean Baptiste, l’avait crié dans son premier désert ; les data, messianiques, l’ont fait. 

Or faire triompher le très grand nombre sur le petit, en matière intellectuelle, c’est mettre fin à la possibilité de l’intelligence, telle qu’on l’a pensée depuis, disons, le miracle grec et/ou (et/ou est le marqueur de notre époque) le miracle juif. Depuis Platon et Moïse, c’est le petit nombre qui pensait. Terminated. 

Tout ce qui, dans des matières diverses, ressortissait hier du talent, du génie, du savoir-faire, dans tous leurs degrés et acceptions – ici le talent médical de Raoult, et son argumentation qui repose sur lui – embraya ce que la sociologie avait dessiné, mais que les data avaient perfectionné.  

Il demeure certes un talent admissible, mythifié par la figure du geeek : celui, justement, du pétrisseur de data. C’est lui qu’avec un lyrisme désormais scandaleux, pourfend dans son discours, notre grand médecin, en faisant valoir des savoirs, aussi bien ésotériques qu’exotériques, qui sont désormais inconvenants. 

Changement de paradigme, d’autant plus funeste que la totalité du corps social, conforme à son habitude de gros animal (expression déplorable de philosophe grec esclavagiste, dit Platon), y consent voluptueusement. 

Il a valu, dans l’affaire Raoult, et explique pourquoi, en dépit de la puissance du personnage, rien n’y fit dans les faits :  la religion des data l’emporte désormais sur le talent, le génie ou l’autorité d’un grand patron. 

Le nouveau visage du prisonnier : l’homme quelconque. L’homme de la data. Celui-là, on peut calculer son trébuchement déconfiné dans la rue de Rivoli au millimètre près, afin qu’il n’en mène pas large quand le drone passera. 

Et il n’a même plus besoin d’être bon à l’école, s’il lui reste une école. En tous cas, de sortir du rang. Car sortir du rang, voilà qui fait tache et terrifie les minuscules cervelles geecques, dans la parfaite clarté du ciel digital. 

9 Commentaires

  1. L’élite a-t-elle besoin d’être distinguée ? Elle se distingue aussi par elle-même quand le danger est extrême…
    A présent nous avons plus de spécialistes, d’experts dans leur domaine où une gestion pyramidale élitiste est de moins en moins possible. Peut-être, qu’avec notre état d’esprit actuel et nos geeks nous ne laisserions plus commettre collectivement les horreurs décidées ou tolérées en hauts lieux en Europe.
    Enfin, il n’est pas interdit aux praticiens d’utiliser le produit en question.
    Tandis que rien n’empêche personne de découvrir et de se nourrir des plus hautes pensées, incognito.

  2. Monsieur, votre article est pour le moins obscur. Vous invoquez de gros noms, c’est certain, mais dans quel but exactement ? Malaparte, Milner, Molière, Jean le Baptiste, Platon, Moïse… La tête nous en tourne.
    Vous vous emparez d’un sujet grave, mais avec une sorte de ressentiment dont vous taisez la véritable origine, et surtout avec une méconnaissance affolante des divers sujets qu’il touche. Prendre la parole dans les circonstances que nous connaissons exigerait une certaine humilité (intellectuelle, s’entend), et tout au moins de la clarté de pensée et d’expression.
    Vous faites par ailleurs la confusion sérieuse entre les « data », concept relativement nouveau, et la science statistique qui elle ne l’est pas et qui est au service de la médecine moderne depuis sa fondation au XIXème siècle. Si vous aviez voulu parler avec pertinence des « data », il aurait fallu au moins évoquer les algorithmes sans lesquels ces « data » n’ont pas véritablement de sens. Ces algorithmes sont nouveaux et inquiétants, sans doute, et ils sont distincts de la statistique ; mais hélas pour votre propos, ils ne sont pas du tout en jeu dans les protocoles de test autour de la chloroquine et des prises de position scientifiques de D. Raoult.
    Le « génie » d’un médecin de notre temps ne saurait être incompatible avec des protocoles de test. C’est une routine absolument normale qui est la confrontation d’une théorie (fût-elle « géniale ») avec la réalité de la maladie. Cela permet par exemple de distinguer vérité et charlanisme.

  3. Je réponds à la réponse de MASDEU
    La courbe de contaminations et de décès dans les Bouches du Rhône où le protocole Raoult est appliqué ne montre aucun bénéfice par rapport aux Yvelines sans protocole Raoult.
    C’est aussi peut être pour cette raison que l’on entend moins Raoult venter sa potion magique.
    Se soustraire à la rigueur scientifique est inacceptable pour un scientifique, son comportement le classe dans les Marabouts africains.
    La question est de savoir pourquoi cet homme se met à délirer ?

    • « La question est de savoir pourquoi cet homme se met à délirer ? »
      Parlez-vous de l’auteur de ce blog ou de M. Raoult ? Ou peut-être des deux ?..

  4. « La religion des data l’emporte désormais sur le talent, le génie, la connaissance, l’autorité. Et l’affaire Raoult en est un symptôme. »
    Je pense que vous vous trompez sur le rôle des calculs statistiques. La méthodologie ne fait pas de l’ombre au génie, bien au contraire elle permet de le confirmer. Le talent, fruit de l’expérience, doit être mis à l’épreuve de l’expérience. L’intuition est souvent entachée d’erreurs provoquées par les biais cognitifs en tout genre.
    Dans le cas du Covid-19 la faible létalité naturelle autour de 0.4% exige que les protocoles de test de remèdes portent sur des très grands nombre de patients avec groupe témoin. Sans cette rigueur mathématique aucune preuve de l’efficacité d’un remède ne se dégagera.
    C’est justement cette confrontation à la rigueur méthodologique que D. Raoult évite habilement pour bénéficier du doute auprès du grand public.
    Votre article ne fait qu’apporter de l’eau à son moulin.

    • Effectivement les statistiques permettent de démontrer la finalité et la valeur d’une étude. Mais dans le cas du Coronavirus, elles ne peuvent s’appliquer. Car un groupe non traité aura le même nombre de décés que le groupe traité. Mais le groupe non traité a un haut potentiel de contaminstion, les porteurs du Virus sont contaminant. Le groupe traité à la chloroquine n’est plus porteur et le taux de contamination est faible. Résultats les morts connexes au groupe non traité ne sont pas comptabilisés et le nombre de porteur du germe est en croissance exponentielle constante.
      Les statistiques n’apportent dons rien dans une étude primaire faisant fi d’un degré de contamination potentiel.