Abandonnés par l’Amérique après usage, lâchés par l’Europe refusant à son tour de déployer deux milliers d’hommes pour les sanctuariser, agressés par la Turquie pour déporter au Rojava les millions de réfugiés syriens qui avaient fui la guerre de Bachar El Assad contre les siens, les Kurdes sont plus que jamais un peuple en trop à la surface du globe.
Sans patrie, sans Etat, impuissants face à l’une des meilleures armées du monde, les Kurdes de Syrie, menacés de génocide, ont choisi, la rage au cœur, le compromis avec l’ennemi sous la férule du tyran syrien et de Poutine, son chef.
Ce nouveau martyrologue signe-t-il la fin de la résistance des Kurdes aux monstres froids dont ils sont une fois de plus au Moyen-Orient les victimes et l’otage ? Depuis un siècle, ce peuple découpé à la hussarde par les grandes puissances entre la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran, n’a cessé de résister à la servitude et, à deux reprises, au génocide de la part des Etats autocratiques dont il est prisonnier. Nul n’est venu à bout de sa résistance, de son amour de la liberté, nul n’est venu à bout de cette quête infinie d’un Etat-nation kurde. Ni les Iraniens par la guerre en 1945, ni Saddam Hussein par les gaz et la terreur plus tard; ni les Irakiens il y a deux ans qui s’approprièrent les pétroles de Kirkouk, ni Erdogan aujourd’hui par les bombardements aveugles sur les villes et les villages du Rojava. Depuis toujours, l’avenir au(x) Kurdistan(s) dure longtemps.
Alors demain ? Le Rojava va devoir dîner avec le diable et passer sous la botte des soldatesques syrienne, turque, russe. Poutine, Bachar al Assad, Erdogan triomphent, Daech redresse la tête, l’Amérique s’est tirée une balle dans le pied, et l’Europe est plus que jamais aux abonnés absents.
Reste un sanctuaire pour tous les Kurdes, un Kurdistan toujours debout : le Kurdistan irakien. Nous, Occidentaux, lui avons refusé l’indépendance il y a deux ans. Seul désormais dans un environnement hostile, il fait face à l’Irak, aux Iraniens, doit composer avec la Turquie, son unique débouché. Mais il est là pour tous les Kurdes et monte pour eux la garde.
De là rejaillira demain le combat pour l’unité et la liberté du peuple kurde dans son ensemble, par-delà les clivages politiques et les différences idéologiques entre ses composantes.
Européens malades de l’Europe et de son impuissance, nous restons solidaires des Kurdes de Syrie et d’Irak, nos alliés et nos sentinelles d’hier.
A l’heure de son nouveau calvaire, longue vie à ce grand peuple frère, à ce grand peuple ami, les Kurdes.