Depuis quelques jours se propagent sur les réseaux sociaux de folles rumeurs concernant Bernard-Henri Lévy et le film que je produis, «Princesse Europe», un premier film, réalisé par Camille Lotteau, et dont la tournée à travers l’Europe de la pièce de BHL est le fil conducteur.

A partir de bribes d’informations, on transforme et déforme, et beaucoup de gens finissent par y croire. On appelle cela, de nos jours, des fake news, et certains les démontent avec du fast checking. Disons, que je voudrais, ici, en quelques lignes, mettre les points sur les i.

Premièrement, pas un centime du financement de ce film n’a été donné à la pièce de Bernard-Henri Lévy.

Deuxièmement, ce film n’a rien d’une hagiographie de Bernard-Henri Lévy. Certes nous avons, parfois à sa suite, sillonné l’Europe ; mais c’était aussi pour y rencontrer toutes sortes d’Européens, connus ou inconnus. Des Européens, pour beaucoup, plus que sceptiques sur l’Europe, au moins telle qu’elle est aujourd’hui.

Parmi les personnages du film, il y aura par ailleurs Viktor Orban ou Andrej Babis, le premier ministre tchèque, ou encore Beppe Grillo, le fondateur du mouvement Cinq Etoiles italien, dont on ne peut pas dire qu’ils sont des fanatiques de BHL ou du Président Macron. Ou encore le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, que l’on qualifiait jusque récemment de «populiste».

Troisièmement, le financement de ce film, un documentaire de long-métrage pour le cinéma, de l’ordre de 730.000 euros, est environ deux fois inférieur à celui de films de réalisateurs comme Raymond Depardon, Nicolas Philibert, ou feu Claude Lanzmann.

Quatrièmement, si une partie de ces financements vient de chaînes de télévision liées à l’Etat, c’est que c’est ainsi que se financent aujourd’hui les films d’auteur, en France. Ce ne sont ni TF1, ni M6, ni Pathé, ni Gaumont qui participent à ce genre de films. Précisons au passage que nous n’avons obtenu aucun financement, ni de la Région Ile de France, ni de l’Avance sur Recettes du CNC.

Enfin, cinquièmement, je crois qu’il est assez scandaleux de juger un film avant de l’avoir vu, et même, dans notre cas, avant que son tournage ne soit terminé. Alain Finkielkraut, qui avait ainsi démoli le film «Underground» d’Emir Kusturica sans l’avoir vu, s’en est mordu les doigts des années durant.

A l’automne dernier, j’ai eu l’idée de faire un film sur les élections européennes.

J’ai eu le sentiment que ces élections pouvaient marquer la fin de l’Europe, au moins telle qu’elle est, et que son rejet était au moins aussi fort que l’adhésion qu’elle provoque.

Je pensais même que ces élections pouvaient être les dernières.

Aussi, lorsque j’ai appris que Bernard-Henri Lévy préparait une tournée à travers l’Europe de sa pièce «Looking for Europe» – fort différente de celle, jouée il y a plusieurs années par Jacques Weber, «Hôtel Europe» – et que cette tournée aurait lieu durant les trois mois qui précédaient les élections, j’ai pensé que l’occasion était inespérée de suivre ainsi un écrivain qui allait défendre une idée,  l’idée européenne, que plus grand monde ne défend, du moins ouvertement.

Et j’ai pris le parti de confronter cette tournée, dans plus d’une vingtaine de villes européennes, avec la réalité de l’Europe, avec ses opposants, avec ses lieux symboliques, comme Auschwitz ou Missolonghi – où mourut Lord Byron –, avec ses paysages – parfois inconnus –, avec son passé et les héros de son passé, qu’ils s’appellent Spinoza, Erasme, Heinrich Heine, Kafka, Andersen ou Dolorès Ibarruri.

Après avoir d’abord songé à proposer la réalisation du film à une jeune réalisatrice polonaise, récemment nominée aux Oscars, je l’ai proposé à Camille Lotteau, qui a monté plusieurs de mes films, ainsi que ceux de Raoul Ruiz. C’était l’occasion, pour lui, de faire son premier long-métrage, et de réaliser un film très personnel.

Nous avons mis du temps à trouver des financements mais ARTE, Canal Plus et France 3 Cinéma nous ont fait le plaisir d’accepter d’y participer. Cela n’a rien d’exceptionnel, ni par rapport aux montants des sommes données, ni par rapport aux types de financements, qui sont ceux de ce type de film.

Nous tournons ainsi depuis plus de deux mois, parfois dans les villes où joue Bernard-Henri Lévy, parfois tout-à-fait ailleurs. Je pense que le film sera absolument étonnant, et pas du tout ce qu’imaginent certains. En tous les cas, je peux l’assurer, ni un hymne à l’Europe, ni un hymne à BHL, ni un hymne à Macron.

Je dois avouer enfin que, dans l’équipe, nous ne sommes ni des européistes convaincus, ni des macronistes fanatiques – c’est un euphémisme ! – et que nous avons, presque tous, une très grande sympathie pour la plupart des questions soulevées par les gilets jaunes.

Et si quelqu’un veut vraiment avoir des chiffres, sachez que nous devons – à sa demande – verser les 10.000 Euros que représentait l’achat des droits de la pièce de Bernard-Henri Lévy, à une ONG qui s’occupe de récupérer les migrants en mer, au large de Lampedusa.