Belle avant-première hier soir pour « Le Serment de Tobrouk » qui sort aujourd’hui en salles.

Le film de Bernard-Henri Lévy sort ce mercredi 6 juin dans toute la France, dont 4 salles à Paris*.

Mais, hier, c’était l’avant première amicale avec les vieux copains de Bernard-Henri Lévy, ses amis plus récents, tous les camarades croisés au long de ses nombreux combats, le comité de rédaction de la RDJ au grand complet, les proches de la revue.

« C’est la deuxième fois que je vois ce film en public, a commencé BHL quand il a rejoint ses amis à la fin de la projection. La première c’était à Cannes, où le film était présenté en projection officielle, il y a 15 jours. Mais la fois la plus émouvante c’est évidement aujourd’hui car il y a là tous mes copains, tous ceux qui me sont chers, tous mes compagnons d’aventure et de vie ». La salle était pleine. Il a fallu en vider une seconde, à la toute dernière seconde, dans le même multiplex Karmitz, plus petite. Il y avait là des Angolais, des Pakistanais, des Afghans, des révolutionnaires portugais venus tout exprès de Lisbonne pour, presque 40 ans après la révolution des œillets, honorer leur ami. Il y avait aussi Roman Polanski pour qui Bernard-Henri Lévy s’est tant battu. Christine Angot et Régis Jauffret, les écrivains. Alain Delon, que l’on aurait dit sorti de l’autre film de Bernard-Henri Lévy, Le jour et la nuit. Xavier Beauvois, idem. La réincarnation de Cocteau, Vincent Darré. L’homme qui fit un film de la collection Empreintes sur BHL, Éric Dahan. Catherine Nay, Anne Sinclair et l’ancien patron d’Arte, Jérôme Clément. Il y avait Jean Daniel, ancien de la France Libre, comme le père de BHL. Florence Malraux bouleversée de voir l’auteur du « Le Serment de Tobrouk » rendre à son père, André Malraux, un si vibrant hommage. Des anciens ministres et des ministres mêlés à la foule des anonymes qui sont la vraie escorte de BHL depuis 40 ans. Quand la lumière s’est rallumée, de longs applaudissements ont salué le générique de fin. Bernard-Henri Lévy est alors apparu, accompagné de François Margolin, son producteur, de Marc Roussel, l’homme à la 5D, de Gilles Hertzog le fidèle compagnon ainsi que des deux coproducteurs du film, Michel Reihlac d’Arte et Frédérique Dumas de Studio 37. Tout ce petit monde est allé, ensuite, boire une coupe de champagne, 50 mètres plus loin, au Théâtre de l’Odéon. Bernard-Henri Lévy était heureux. Ceux qui ont suivi son combat pour une Libye libre le sont aussi.

Nos lecteurs pourront voir le film à partir d’aujourd’hui, séance de 14h.

* Le Balzac
1 Rue Balzac
75008 Paris

MK2 Odéon
113 bd Saint-Germain
75005 Paris

Le Gaumont-Opéra
38 bd des Italiens
75009 Paris

UGC-Ciné les Halles
7 place de la Rotonde
75001 Paris

Un commentaire

  1. Le Serment de Tobrouk fait intrusion dans nos esprits tel un Woody Allen sautant dans un film de Jean-Luc Godard. Événement improbable, donc, événement crédible. LBH est égal à lui-même pour la seule et bonne raison qu’il doit mener notre monde au milieu d’un autre monde où nous ne sommes pas. Cela, seul y réussira le BHL que nous connaissons, celui que nous reconnaîtrions d’un simple coup d’œil comme un pingouin retrouve son petit au sein d’un millier d’autres sans la moindre difficulté, L porté par les vents ignorants de la frontière que nous, humains, avons tracée entre l’Orient et l’Occident, smoking et torse à demi nu, tenue de soirée sous le soleil de midi, homme des années Cinquante aux cheveux de hippie, personnage en noir et blanc incrusté dans une photo en couleurs. Zelig est partout. «Je suis partout», comme disait l’autre… Increvable Zelig que l’on retrouve sous le Reich fondu au noir le plus noir de l’Histoire. Qu’est-ce qu’y fout là çui-là? Y fout là qu’il n’obéit pas à ceux qui se languissent qu’il n’aille pas se faire voir ailleurs, là où un deuxième là réagirait pareillement, et ainsi de suite, jusqu’à ce que celui de qui l’on ne voudrait plus nulle part ait fini par mettre les pieds partout. Et du fait que nous le reconnaissons tel que nous l’avons toujours connu, nous, nous reconnaissons dans la relation que nous avons noué avec lui, nous nous reconnaissons, dis-je, à l’endroit même où il se trouve, en l’occurrence, avec Mansour, Ali ou Souleiman, ces hommes en danger de mort pour avoir eu l’outrecuidance de souhaiter acquérir le droit de n’être pas d’accord, avec les autres, et si ça se trouve, avec eux-mêmes. Leur film est notre film. Le film de ceux qui ont cru en leur guerre. De ceux qui ont poussé le premier des Français à bonifier le pressentiment de ses alliés, avec l’assentiment de son peuple.
    Ce qui m’a fait y croire. L’image des visages de la révolution libyenne. La parenté du visage de celui que ses (con/faux)frères ont pris le pli d’appeler «l’homme à la chemise blanche» avec ceux de ces chefs du désert aux longues chemises blanches à col ouvert, drapés de caftans noirs. L’homme qui sur les ondes où ses rides se calent parvient à dissiper en un quart de seconde ce malentendu qu’entretiennent des propagandes antijuives millénaires plus que jamais prégnantes, cet homme-là, de par sa présence, non pas du fait de sa présence mais parce que sa présence était possible, témoignait de la possibilité d’un grand bouleversement sur les terres de Mouammar le Terrible.
    Il y a quelques jours, je dînais en compagnie d’une militante d’EELV. Je ne connaissais pas encore son nom qu’elle m’expliquait déjà que les Juifs étaient à l’origine de toutes les catastrophes économiques, écologiques et collectivement endurées par les nations. Je lui fais remarquer combien il serait extraordinaire qu’un peuple d’environ dix-sept millions d’âmes puisse détenir un tel pouvoir sur un troupeau de brebis allégoriennes comptant au bas mot sept milliards de têtes. Et là, tenez-vous bien! en tout cas, moi, je le fais car sa réponse m’étourdit encore : «Mais ça ne va pas? Les Juifs sont infiniment plus nombreux. Ils constituent au moins la moitié de l’humanité!» Quelques jours plus tard, je recroise mon originale. Elle traversait la salle au centre de laquelle je ne trouvais pas ce que je cherchais. En fait, je ne la croisai pas, mais elle fonça vers moi, et se planta, ici, mains sur les hanches, pour se donner du courage : «Vous savez, j’ai fait des recherches sur Internet après la conversation que nous avons eue l’autre soir. Eh bien, c’est vous qui aviez raison et moi qui avais tort.» Il m’arrive de me demander ce qu’un Daniel Cohn-Bendit va ficher au sein d’un mouvement politique où des préjugés aussi délirants peuvent être véhiculés avec autant d’assurance et si peu de vergogne. J’ai ma réponse. Il s’avance pour les faire reculer. Il couvre le cacophone de sa Voix de Ni-Dieu-Ni-Maître afin que ceux qui parlent sans savoir se taisent enfin sans ignorer.
    Je conserverai toujours ma foi en des hommes du type Lévy ou Cohn-Bendit. Je pourrai être en désaccord avec eux sur telle ou telle approche, je pourrai les trouver insuffisants, contradictoires, embarrassants, incompréhensibles et quand même l’insistance de mon désaccord me rendrait à leurs yeux insuffisant, contradictoire, embarrassant ou incompréhensible, je leur accorderais encore ma confiance pleine. Je ne pourrais m’empêcher de me dire que s’ils ont dit ceci sans dire cela ni devant ni derrière ni ne l’ont laissé dire ni dessus ni dessous, ils avaient forcément) une (raison de le faire.
    On ne parviendra jamais à vaincre l’antisémitisme. Les Juifs énervent. Ils sont en même temps différents et en même temps pareils. Ils restent pareils tout le temps où ils demeurent différents et restent différents tout le temps où ils demeurent pareils. Pour la plupart des gens, soit on est pareil, soit on est différent. Il faut choisir. Les Juifs ont fait un autre choix, et ce choix leur permit de passer outre quatre millénaires de petites ou grandes guerres d’anéantissement contre tout ce qu’on leur faisait incarner. Ils ont choisi l’unité via la diversité, ou ce ne serait pas plutôt l’inverse…? je ne sais plus…
    Au vrai, j’entends le reproche récurrent que se prend en pleine gueule cette chemise blanche d’un blanc si aveuglant qu’il en efface la face qu’elle dévoile, et pour être tout à fait honnête, je partage quelquefois le sentiment de quelques uns de ces exaspérés. Preuve que l’antisémitisme n’explique pas toujours tout. Car ce que je crois entendre sous ce reproche couramment adressé à la célébrité intellectuelle de se faire passer pour un super-héros, c’est au contraire l’impardonnable déception qu’elle ne l’ait pas été. Natacha Polony aurait souhaité que Béachel finisse en Libye ce qu’il y avait commencé, qu’il y retourne, tel un Achille vengeur perçant de son javelot les guerriers de l’AQMI, lesquelles souris d’Allah profitaient de l’absence du chat autoproclamé de la maison Afrique pour se monter, derrière le bac à sable, un terrain de jeu selon leur propre règle. Natacha ou moi savons bien au fond que l’appui d’un peuple africain par une ex-puissance coloniale doit répondre à un appel, tout juste se proposer, jamais, ô grand jamais, s’imposer à quiconque. Mais peu nous importe, nous en voulons plus. Quand nous aimons, nous ne comptons pas, nous ne comptons plus, personne ni sur personne, et qu’il est rude ce si lointain sentiment d’abandon que fait naître celui qui avait montré qu’il pouvait être là, quand il le pouvait.
    Mais l’enfance ne dure pas, que ce soit de son vivant ou dans son au-delà. Une réalité humaine ne se résume pas à cette séquence ni à son replay. Il arrive même que l’insistance aille se percher sur d’autres modulations de fréquence. Il y a quelques années, Lévy prêchait pour qu’un Talmud musulman vienne huiler les lettres rouillées d’une Sainte Parole que ses amoureux transis oubliaient plus souvent qu’à leur tour de gentiment maltraiter comme on doit bousculer ceux que l’on aime lorsqu’ils tournent de l’œil. Ce qui vaut pour tout un chacun vaut d’autant plus pour ceux qui en soulignent la valeur. Les dissonances survenant dans notre partition, bien loin de l’affaiblir, renforcent mieux qu’un unisson, par nature impossible et par suit toujours faux, cet indicible indéfectible qui en fait l’harmonie. Par ailleurs, il est (des accords) mineurs dont la véhémence n’a d’autre vocation que le retentissement. Je nous souhaite de trouver la force de chercher aussi loin qu’il le faudra moins leur accomplissement que le rétablissement que leurs accentuations provoquent sur un mode majeur. Sachons faire la différence entre des mots comme autant de motifs justifiables de leurs assauts émotifs et des mots comme des mottes à la recherche d’une bouche ou d’une ouïe à boucher. Les ennemis ne cherchent pas à se convaincre, mais à se vaincre. J’espère de tout mon cœur ne jamais vous vaincre durant cette guerre inachevable dans laquelle tout identificateur du mal s’est lancé dès son premier jour. Cela impliquerait que l’un ou l’autre de nous ait changé de camp. Je préfère pour l’instant demeurer dans l’escorte, mais si vous voulez, je ne le ferai pas au sens où elle serait destinée au fils de Lévi, si tant est qu’il ait besoin d’une protection de ma part ou pire, d’une surveillance. Non, je tenterai avec tous ceux qui en ressentent le devoir ou qui sait, le désir, d’escorter avec lui là où je suis utile. En d’autres termes, je surveille et donc, je veille sur. Dans l’escorte. Une escorte si longue que bien malin peut dire qui la compose, et il en va sans doute de nos santés mentales.
    Le modèle d’assimilation républicain avait été brutal. Brutal parce qu’abrupt. Vous avez déjà ouvert un robinet après une coupure d’eau? Drumont ne se remit pas de ces éclaboussures. Il créa le Parti antijuif. Mettez-vous maintenant à la place d’un citoyen français d’origine juive dont un tel mouvement politique a pignon sur sa propre rue, peut voir quatre de ses candidats siéger à l’Assemblée nationale, dont les députés et maires sont acclamés, pour lesquels on entonne une Marseillaise antijuive invitant la populace à mener les Youdi au fond des eaux. Certains juifs optent ici pour la disparition identitaire dans l’espoir d’échapper à la disparition totale. Au-delà, le fils du résistant André Lévy s’engouffre dans une génération qui s’était décidée à rompre avec le bla-bla-bla où était emmarbrée comme un gisant la lettre de son nom. Robert Linhart s’enferma dans le mutisme. Pierre Goldman implosa, puis explosa. Pierre Victor se souvint de son nom. Bernard-Henri Lévy s’affirma dans le multiple. «Plus jamais ça», ont-ils osé crier. En creux : «Nous sommes là, et bien là.» Et il est vrai qu’il y en avait encore, quelques uns, la plupart en Amérique, symboles d’un autre symbole, ce grand-père vêtu de son Talit de Goldman l’Excentré dont sa mère lui racontait de quelle façon les nazis l’avaient mitraillé à bout portant alors qu’il était auprès d’elle, récitant le Chema… Il n’y a plus guère que les Juifs orthodoxes pour revêtir leurs vêtements rituels noirs et blancs tous les jours de l’année quel que soit le temps qu’il fait. L’uniforme de BHL est son Magen David. Un bouclier contre l’oubli. Uniforme de hassid adapté en fonction d’un pari haskaléen. Superposition des uniformes traditionnel et moderne. Une allure mixte. Mitigée comme l’impression dont un philosophe s’imbibe là où vont, au contact du sang, de la sueur et des larmes de l’événement, les conséquences de son fait. L’importance de la transmission dans le judaïsme procède de ce que la mémoire est tout ce reste à ceux qui ont tout perdu… leur terre, leur temple, leurs tombes… ceux que l’on a dispersés hors des lieux où tout ce qui s’est passé a conservé l’empreinte des trépassés. La transmission chez un Juif de ce type, fils du temple, puis de la synagogue, et un jour de la Haskala, fils ensuite, et finalement, avant, de l’école des Hommes-Citoyens égaux devant la loi de la République, cela se fait avec prodigalité. Non seulement ce là transmet tout ce qu’il réceptionne, mais il le communique à tous avec la même nécessité de faire survivre ce dont il sait que le là sur lequel il s’accorde menace d’être cassé à tout moment, ce là qui n’a plus que cet homme nu, sans toit mais avec loi, cette loi ne sachant même plus s’écrire ni se lire dans le texte, et trouvant néanmoins une manière ou une autre de se faire obéir quand il s’agit pour son dépositaire de se montrer plus exemplaire vis-à-vis d’un étranger qu’avec un coreligionnaire de sorte que l’on n’aille pas se faire au loin, où l’on n’aurait plus aucun moyen d’en redresser le tort, une image enlaidie de ce qu’il représente. Au bout du bout, cette conscience, d’appartenir à une humanité une, à une transcivilisation où chacun doit être en mesure de se transvaser vers ses propres sources avant que d’en rejaillir à sa guise vers celles des autres pareil à l’assoiffé qui découvrit en un point d’eau une bénédiction sans avoir perdu un seul temps à la localiser.
    Lévy a transmis à des hommes qui avaient vu en lui un frère ce qui lui était le plus cher. Il leur a conté son histoire dans l’Histoire. Comment une poignée de Français avait dû libérer son peuple d’un tyran français comme aujourd’hui, une poignée de Libyens allait libérer son peuple d’un tyran Libyen.
    Amen.