Je vais vous lire le message téléphonique que j’ai reçu ce matin même, de Claude Lanzmann :

«Mon petit chéri,

Je ne sais pas ce que tu fais là. Ce doit être encore un coup de ton ami Bernard-Henri Lévy. Je pensais d’ailleurs que tu étais chez lui, à Marrakech. Tu sais que c’est là que j’ai écrit Le Lièvre de Patagonie ? Elle est pas mal, cette maison, hein ? Donne-moi son numéro, tiens, je le retrouve pas.

Si, au moins, c’était Simon, ton fils, qui parlait de moi, je comprendrais. Lui, il sait parler. C’était formidable ce qu’il a dit sur Felix à son enterrement. Mais toi, franchement…

J’espère, en tout cas, que tu prendras enfin le temps de voir mes films. Tu l’as pas vu Shoah, je suis sûr. C’est pourtant un très grand film. Comme Napalm, dont tout le monde me fait des éloges ici. Sauf toi, évidemment. Tu vas peut-être enfin te rendre compte que tu as produit le plus grand cinéaste du 20ème siècle.

Bon, à part ça, ici, la bouffe est vraiment dégueulasse. C’est pire que chez Leduc ou à la Rotonde ! Si tu pouvais demander à Dominique et à Iris – je te demande pas à toi, t’es trop radin – de me faire envoyer un peu de tarama et de saumon de chez Petrossian, et une bonne caisse de Bordeaux… Pas de la merde, hein!

J’ai repensé à ton idée de faire la suite de Pourquoi Israël. On va faire ça ensemble ! D’autant que je viens de parler à Shimon Pérès et Yitzhak Rabin, et ils sont tous les deux d’accord pour y participer. Ils doivent me faire rencontrer Ben Gourion, et peut-être Herzl, si on le retrouve. Ça serait incroyable, non ? Le seul truc qui m’inquiète ici, c’est de risquer de tomber sur Hannah Arendt. Vu ce que j’ai dit sur elle… En tout cas, je suis sûr que ça intéressera ARTE.

Et puis, dis à Simon et à Dominique que j’ai retrouvé Felix. Il est en pleine forme. Il n’arrête pas de faire du sport et il est devenu une sorte de génie en physique. Il me ressemble de plus en plus, et on a décidé d’aller faire de la plongée tous les deux. Je vais tout lui apprendre. Il m’a dit de vous dire qu’il pensait à vous tout le temps ainsi qu’à sa grand-mère, à sa marraine et à Madeleine. Il vous aime.

Allez, à bientôt, mon petit chéri. Rappelle-moi. Je t’embrasse.»