Ce qui se vit et se voit au quotidien au Burundi est épouvantable, inqualifiable. Certes à ce jour, le crime de masse a été évité, contenu, grâce, d’une part, à la mobilisation des militants des droits de l’homme, des professionnels des médias, des membres des diasporas burundaises, et d’autre part, aux campagnes d’information des médias internationaux et d’alerte de nombreuses organisations et personnalités politiques et morales internationales.
Mais la barbarie du régime actuel continue de prospérer sous d’autres formes. On tue, on continue de tuer, chaque jour au Burundi dans le silence et le huis clos le plus total. Chaque semaine, c’est la même tragique litanie : plusieurs cas de meurtres et de disparitions signalés par les organisations des droits de l’homme. Sans oublier l’indicible sort des milliers de jeunes toujours détenus dans les geôles du régime dans des conditions les plus affreuses.
Si rien n’est entrepris, la suite est prévisible : d’autres paisibles citoyens seront enlevés, portés disparus, torturés, mourront au compte-gouttes, jugés suspects, nuisibles, superflus, de trop ou emportés au hasard de la terreur sévissant ; des centaines de milliers d’autres seront condamnés à un interminable exil et, d’autres encore, ceux retenus à l’intérieur, réduits à une vie de misères, d’humiliations, de vexations, de mise-à-part et de violences quotidiennes.
Et au regard de l’embrigadement, de l’abrutissement et de l’intoxication idéologique haineuse d’une partie de la jeunesse, noyau dur du régime, le pire est toujours plausible. La haine semée, propagée méthodiquement lors de rituels religieux ou politiques hebdomadaires, est devenue un principe d’autodéfinition, un moyen illusoire d’ascension sociale et le fanatisme politico-ethnique une arme potentiellement chargée de destruction massive.
Mais alors d’où viendra le salut ? Qui peut faire rentrer dans sa tanière la sauvagerie toutes brides lâchées depuis avril 2015 ? D’abord, évidement, les Burundais eux-mêmes. La douleur quotidienne de nos frères et sœurs réfugiés, le calvaire vécu par ceux qui sont restés au pays, la misère dans laquelle croupissent tous les Burundais sans exception, nous obligent à sortir de nos zones de confort et à agir à la hauteur des enjeux de l’Histoire.
Qu’on se le dise : les choses ne changeront pas d’elles-mêmes. Il n’y a aucun changement possible sans prise d’initiatives, sans imagination, sans actes posés, soutenus, sans innovation, sans organisation adéquate. Il est temps de sortir de la sidération et de l’apathie. Le temps est venu de prendre conscience dans nos deuils communs de notre profonde unité et de notre capacité collective à initier le changement. Nous ne pouvons pas continuer à attendre le changement comme on attend un bus ou un train, assis sur un banc. Ensemble, ni maîtres ni esclaves mais hommes et femmes libres, nous pouvons et nous devons changer les choses. Changer les choses en mieux pour tous les Burundais. Sans exclusion. En fédérant toutes les énergies positives au-delà de tous les clivages et catégorisations fabriqués, alimentés, entretenus par le pouvoir en place. Un régime de prédation qui n’est en réalité bon et profitable que pour quelques individus rompus à l’économie du crime et en alliance avec d’obscurs intérêts économiques extérieurs essentiellement mafieux et multi-trafiquants.
Aux yeux de la bande au pouvoir à Bujumbura, le sang est tiré et il faut le boire. Illusoire donc d’imaginer que des individus au monde mental aussi défoncé à la toute puissance dans le sang versé, et incapables en outre de soulager la misère économique et sociale locale, puissent être saisis, tout d’un coup, dans un futur proche ou lointain, par une soudaine grâce qui les porterait à regarder en face la monstruosité de leurs actes, à plaider coupables la main sur le cœur, à demander pardon et à mettre un terme à leur folle et puérile entreprise. Les tueurs en série ont leur mystérieuse morale et ne s’arrêtent de sévir, de tuer, de semer l’horreur définitivement, non pas parce que tout d’un coup illuminés par la découverte de la notion du mal, mais parce que tout simplement empêchés de sévir.
Urgent de rappeler sans façon cette évidente vérité à la mémoire d’une certaine diplomatie régionale, continentale et internationale engluée dans les eaux boueuses nauséabondes d’ambiguïtés coupables. Il n’existe nulle part d’art magique de séduction susceptible de charmer, d’amadouer, de ramener à la tendresse, de ramener à la raison, par un tour de passe-passe et d’embrassades, les responsables et commanditaires de crimes contre l’Humanité.
Les Burundais, nos frères et sœurs en humanité, oubliés à l’autre bout de notre monde, n’aspirent aujourd’hui qu’à une seule chose : retrouver une vie normale dans un pays normal où nul ne serait plus pourchassé comme une proie à annihiler pour raison de naissance ou d’opinion. Leur apporter l’assistance adéquate dans la réalisation de cette légitime aspiration, c’est, pour nous tous, demeurer fidèles et présents à notre propre humanité.
Bravo cher Gakunzi.Nous avons besoin aujourd’hui plus que jamais des gens qui pensent et agissent comme vous.Bon courage.