Vendeur de rue ou maître de papier, poète fortuné ou crève-la-faim, nordestino ou carioca, dandy ou malandro, refoulé du désert ou du jour, si ton cœur vague à l’âme, sans terre ou sans amour, saigne ; mélange tambours rauques et cloches agogos, reco reco et ganzas, violons et cavaquinho, et tu verras, même si depuis que o samba é samba, la tristesse est souveraine ; tu verras, tu verras, tout ira mieux ; tout ira mieux.

Des collines de Rocinha ou de la place du Pelourinho, des courbes bétonnées de Brasilia ou grattant le ciel de São Paulo, des nues de l’Avenida Atlantica, transporté par les flagrances magiques de Boa Vista, l’eau de coco salée de mer, feuille d’Amazonie sucrée de ciel, le souffle baigné de milles histoires, la vague mille horizons, la peau joyeuse, l’esprit rouge et noir, umbanda de Recife ou de Fortaleza, sans te morfondre ni d’un souci, ni d’un bannissement, rejoint la session et détaché, le courant de la tête aux pieds, mélange samba canção et samba de roda, samba do breque et samba reggae, samba rock et samba funk, et le goût de la cachaça vigoureux, balance, balance, semba, semba, mesemba.

Et de retour de la nuit, le plaisir secousse éclipsant la lame de la douleur du quotidien, du Corcovado à Salvador, l’Elevador Lacerda passant-passant, l’oreille récoltant ce qui de toutes les couleurs habite tous les destins, les cauris dévisageant les signes du temps qui vient, les variations saccadées de carnaval et d’allégresse, les rues enflammées de plumes et de paillettes, blocos et afoxés déchaînés, favelas et sertões, le déhanchement arc-en-ciel, l’air en chœur à tue-tête envoûtant les choses de la vie et de l’amour, tourne, tourne, et le tempo accéléré, nombril contre nombril, la fièvre intense, les chemins ouverts, l’odeur de tabac, le parfum des fleurs, envole-toi de toute ton âme, l’énergie caboclo ou orixás.

Et Ogum, dieu de la guerre ou Iemanjá, déesse des eaux, jaillissant la nuit de fragments de terreiros ; Tia Ciata, lumière officiant la séduction contre la ségrégation, nomme Martinho da Vila et Paulinho da Viola, Beth Carvalho et Dona Lara, Gilberto Gil et Caetano Veloso, Chico Buarque et Gal Costa, Maria Bethânia et Zeca Pagodinho et tous les autres, oui tous les autres, tous ceux et celles sans lesquels la samba ne serait pas la samba.

Et majesté de cérémonie, la joie contagieuse, la conscience de l’infini déployée, le sourire de célébration, sans perdre ton souffle ni le cercle de ta royauté, de cascade en cascade, le vertige improbable, l’élégance imperturbable, le swing Olodum ou grâce d’Ipanema, compositeur de destin, le mouvement précis, voltige et au-delà des vapeurs, allume la lune, artifice qui nourrit la vie au-delà du vide vivant sans commencement ni fin.

Et deixa falar, deixa falar, laisse-les-parler et jura, jura avec Barbosa da Silva, jura la terre bohème sur le cœur, jure, triomphant de toutes les traversées de l’inexistence, jura que rien, vraiment rien de rien, sinon la samba, jura que verdade seule la samba élève et que celui d’ici ou d’ailleurs qui respire est né pour respirer la joie, pour chevaucher le firmament, que celui-là qui ne s’est jamais donné, bataille après bataille, la passion dévorante, celui-là ne saura jamais cueillir les traces du futur.

Jura que c’est ainsi, qu’il en est ainsi depuis que la samba est samba, et le, plaisir légitime, la lumière dans le cœur canta canta : «canta canta minha gente, deixa a tristeza pra là, canta forte canta alto, e a vida vai melhorar !» – «Chantez, chantez mes amis, laissez de côté la tristesse, chantez fort, chantez haut, car les choses vont s’arranger !»

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