Affirmatif : j’atteste : je suis passé par cette ville. J’ai vu, vu Amsterdam ; vu son port et ses écluses, respiré son air marin et ses effluves, admiré ses maisons à pignons chantournés.
J’ai vu, vu Amsterdam ; Amsterdam, la ville étendue sur l’eau, les yeux dans l’espace, le pavillon haut poussé. A contre-flots, le guidon dévalant mille portes, j’ai roulé le brouillard et la bruine, roulé les rues d’hier et de demain ingurgitant d’un coup de tête à fleurs de cafés, saveurs et tourbillons d’écumes.
Centraal Station tic-tac comptant et recomptant le temps qui passe, la tête et les pieds, la cadence dans le souffle des trams de la place Dam, j’ai cavalé allées et avenues, cavalé au petit matin comme au clair obscur par les rues et par les ponts, cavalé là où se fécondent, le temps de rire, le temps de vivre, tous les rayons de la terre.
Une roue tournant vers l’avant, l’autre derrière, coups de pied à la lune, traçant la même destinée, j’ai vu, vu Amsterdam ; vu Amsterdam, ville en pétales, belle du matin, belle du soir brûlante comme la vie, l’étincelle éternellement allumée.
Ici, par un beau jour, Spinoza, dans la pénombre, éblouit l’univers ; Spinoza, la géométrie implacable, taillant et polissant sur la carte des siècles les mots pour examiner Dieu et les hommes qui «voient le meilleur et font le pire».
Ici vécu Rembrandt ; Rembrandt, prince-régent transcendant de lumière sucrée de tonalités terreuses ; Rembrandt, songes et méditations interrogeant l’étendue de l’invisible.
Ici vécu Van Gogh ; Van Gogh, le pinceau couleurs infinies impulsif de nuits étoilées, mystiques, entre abîme et commencements, de ciel sublime.
J’ai vu, vu Amsterdam.
Au fil du bleu et du temps qui reste, combattant l’errance sans souvenirs jusqu’à l’ultime chemin, j’ai parcouru cette ville, méditant chaque mot de l’innocence d’Anne Frank : «Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort.»
J’ai vu, vu Amsterdam.
