Elisabeth Lévy, directrice de la revue Causeur, me fait l’honneur de terminer l’éditorial du dernier numéro sur mon nom, suivi de deux adjectifs (n° 46 – mai 2017, p. 3) :

 

Cependant, je n’aurais sans doute pas prêté attention à la mobilisation du monde officiel juif sans la polémique suscitée, les jours précédents, par la visite d’Emmanuel Macron au mémorial de la Shoah, ou, plus précisément, par la critique sans concession qu’Alain Finkielkraut – et, après lui Barbara Lefebvre et Gilles-William Goldnadel – avait osé faire de cette visite (voir l’entretien avec Alain Finkielkraut, p. 42-45). La «séquence mémorielle» d’Emmanuel Macron visait explicitement à l’ériger en rempart contre un nazisme risquant de revenir par où vous savez. Sauf que, comme l’a noté Finkielkraut, passablement en colère, ce n’est pas dans les réunions du FN que des juifs sont menacés mais dans des villes comme Sarcelles où Macron était allé faire des selfies quelques jours plus tôt. Aussi, la reconnaissance énamourée que le judaïsme officiel a prodigué au jeune chef de l’État était-elle peut-être un brin excessive.

On peut, bien sûr, être en désaccord avec rabbi Finkielkraut (et avec votre servante) sur cet épisode. Mais pour un certain nombre de personnalités, on n’a pas le droit de penser cela. Ainsi, tandis que des responsables communautaires et une partie de la judéo-sphère manifestaient leur courroux, Jacques-Alain Miller, inénarrable dans le registre «Mao un jour, Mao toujours», c’est-à-dire venimeux et mensonger, s’est fendu, sur le site de La règle du jeu, d’un salmigondis truffé d’insultes et de références prétentieuses dont il croit toujours, depuis les années 1970, qu’elles épatent le bourgeois. En somme, il suffit qu’un candidat se déclare contre le nazisme d’hier et d’aujourd’hui pour que l’esprit critique soit aboli et que l’on soit sommé de se prosterner. Au nom du Judaïsme. Misère. Je ne fréquente guère la synagogue, mais personne ne me fera vivre dans un monde où il y en a une seule.

 

C’est cadeau. Elisabeth Lévy me donne l’occasion de dire tout le bien que je pense de son mensuel. J’invite en effet les lecteurs de La Règle du jeu à acheter ce numéro de Causeur pour les deux pages sensationnelles dues à mon ami Roland Jaccard qui rapporte un dîner avec Cioran. Or, Jaccard est, on ne le sait pas assez, le Cioran de notre génération.

De même que Sens commun est le bras armé de l’Opus Dei en France, Causeur est le bras, non pas armé ni désarmé, mais caché, camouflé, de la politique de Benjamin Netanyahou en France. Cette évidence reste invisible à la plupart, comme «la lettre volée» d’Edgar Poe, traduite par Baudelaire et commentée par Lacan (références prétentieuses, excusez-moi). Bien plus que Sens commun, Causeur s’avance masqué. «Larvatus prodeo», disait Descartes, «Larvata prodeo», pourrait dire Elisabeth Lévy.

Comparer Elisabeth Lévy à Descartes, est-ce une insulte ? Et pour qui ? Pour Elisabeth Lévy ? Ou pour Descartes ? Citer Descartes, est-ce prétentieux ? On ne peut tout de même pas citer tout le temps Alain Finkielkraut ou Michel Onfray ou Eric Zemmour pour faire peuple.

Étant au service d’un agenda secret, Elisabeth Lévy est condamnée à faire usage de l’allusion. Elle l’agrémente volontiers d’injures généralement impropres et la pimente de quelques mensonges.

Donc, quand elle me dit «venimeux et mensonger» (sic), je rigole. Je suis tout, sauf venimeux car je n’ai pas de temps à perdre en circonlocutions quand je polémique, surtout avec une vieille loub de son espèce. Quant au mensonge, j’adhère à la doctrine de mon maître : «Je dis toujours la vérité.» Comprendre : je ne mens que par omission.

Elisabeth Lévy, en revanche, est venimeuse ex officio si je puis dire : comme servante d’une politique qui ne peut s’avouer. Quant aux mensonges, j’ai en mémoire un bon exemple la concernant et concernant l’Ecole de la Cause freudienne.

Là, je n’ai pas le temps de rédiger une réponse, car je suis attendu à Turin cette fin de semaine, avec une conférence à préparer et diverses interventions. Mais dès mon retour je me ferai un plaisir d’expliquer à Elisabeth Lévy, porte-parole et porte-flingue et lèche-cul d’Alain Finkielkraut, non pas comment je m’appelle, ça elle le sait, mais pourquoi «In vivo veritas, in venin tu bois la tasse.»

Le bourgeois a-t-il été épaté ?

Un commentaire

  1. Sorti épaté, je salue l’épateur. La question reste de savoir qui des deux polémistes aura le venin victorieux – sauf si, pour l’entretien des polémiques, pareille mesure ne s’impose jamais.