C’est un fait, la maison Grasset adore l’Italie. Ses auteurs aiment se balader entre Rome et Florence, à l’ombre du Duomo à Milan, dans le luxe des palazzi de la côte amalfitaine entre Sorrente et Amalfi. Pour eux, l’Italie est pareille à un refuge : il s’agit d’un pays immuable dans un monde évoluant sans cesse, sans sens, ni réelle logique. L’Italie apparaît comme une aubaine, un paradis. Elle permet de se recentrer sur l’essentiel : l’Art, les femmes, les belles lettres. En deux mots, l’idéal romantique. Un nec plus ultra dans lesquels les écrivains se sentent bien ; on les comprend. Nous décrivons là un monde raffiné, un pays qui se transforme par l’action de la pensée en un club distingué dont les membres s’estiment et se reconnaissent. Un monde à l’abri de la médiocrité ambiante, largement façonné par et pour les hommes (de goût). Soudain, Amanda Sthers y fait irruption. Elle débarque avec ses mots, sa blondeur, ses yeux bleus, la douceur dans son visage. Tout ce petit monde est décontenancé et en même temps, il jubile. Il adore les femmes qui écrivent. Il se questionne : que va faire l’auteur du Vieux juif blonde, de Ma place sur la photo, de Keith Me, de Liberace, des Erections américaines avec les obsessions de la maison Grasset ? Réponse : elle va leur donner un nouveau souffle, les bousculer en y incluant des éléments du XXIème siècle, une modernité effarante nourrissant l’intrigue. La vie bouscule les trajectoires des personnages d’Amanda Sthers. Elle construit des promesses qu’elle déçoit ensuite, malgré la barrière pseudo-protectrice des filtres Instagram et des téléphones portables. On croit que tout change mais au fond, rien ne change vraiment…
Les promesses donc. En 1943, au Café de Flore, deux jeunes gens se rencontrent. Elle est française, issue d’une famille modeste de la Nièvre, plutôt rougissante et mal-à-l’aise lorsqu’elle croise le regard de Vittorio, bel homme au charme fou, italien, sûr de son fait. Il est riche, elle va faire sa vie avec lui. Le jeune couple aura bientôt un enfant unique : Alexandre dit Sandro, protagoniste du roman, un gamin promis à un bel avenir, chéri et couvé, bientôt héritier de l’affaire familiale au pays. Enfant, Sandro passe tous ses étés en Toscane, à Porto Ercole, dans la somptueuse demeure de son grand-père paternel. Il y parle italien, y multiplie les expériences sensorielles enfantines, imprime sans le savoir, dans le fond de sa mémoire, le bruit du vent, la brûlure du soleil, le goût des pâtes cuites al dente. Les étés s’égrènent lentement, ils se ressemblent tous jusqu’au jour où le petit qui n’est pas encore adolescent assiste à la noyade de son père. Coup du sort, premier bouleversement qui oblige Sandro à se construire sans père, guidé par un grand-père aux idées arrêtées, rêvant son unique héritier en homme fier, entrepreneur, amateur de femmes et de costumes rayés. A ses cotés, Sandro écoute, apprend, fréquente des prostituées, imite puis en vient à rejeter les valeurs de son grand-père. Il se tourne vers Marx à l’adolescence et ne marchera jamais dans ses pas. L’aïeul est déçu, les étés à Porto Ercole se raréfient. Sandro se détache ensuite de sa mère dont il hait la volonté de normalité, la façon dont elle a refait sa vie. Il se construit en rupture, tente de vivre en dépit de son destin tracé. Comme dans une pièce de théâtre classique, on comprend alors que Sandro n’arrivera jamais à trouver le bonheur dans ses nombreuses trajectoires alternatives. Pour lui, les femmes deviendront vite une roue de secours mais surtout l’illusion d’autres possibles. Un vertige. Le héros essaiera plusieurs vies dans lesquelles les conquêtes féminines joueront un rôle prépondérant. Elles fixent le tempo, l’humeur, l’envie. Ici le roman prend une autre dimension. C’est très lâche donc très masculin, pourtant, c’est une femme qui écrit. Sandro, le héros, prend le parti de tout quitter, plusieurs fois. Au passage, il brise des cœurs et les vies d’enfants qui vivront eux aussi sans figure paternelle pour se construire.
Amanda Sthers sait parler des mécanismes du couple quand celui-ci fonctionne mais aussi lorsqu’il se défait. Dans Les promesses, on parcourt ainsi l’ampleur de l’envie sexuelle masculine, non pas mille orgasmes mais au moins mille moments devançant l’acte : les premiers émois adolescents, la fornication sauvage de la force de l’âge, le besoin de chair, la douce union des corps, l’emboitement mécanique, l’instinct bestial, la copulation sodomite, la partouze échangiste et finalement – libération ! – la fin pure et simple du désir. Un cycle de vie en somme. Sans déflorer l’intrigue, on racontera seulement qu’à l’hiver de sa vie, Sandro se trouve désespéré au sens littéral du terme : plus aucune forme d’espoir ne subsiste en lui (et il ne s’en porte pas plus mal). Le roman, lui, se trouve être un « page-turner » hyper efficace, truffé de jolies formules et nourri, on peut aisément le penser, de la nouvelle maturité de l’auteure, en constante progression depuis Chicken street en 2005.
P.-S. anticollaborationniste : Entre la pré-guerre et l’après-guerre, il y a quoi? Le long chemin vers la réconciliation internationale, Msieudame les imbéciles du Monde!
P.-S. tautologique : L’adolescence d’Europe ne lui permet pas d’être traitée en adulte. L’accélération des battements de cœur… les papillons dans le ventre… la maladresse de Mogherini remettant son hijab devant la presse ayatollesque en devient attendrissante. Ne doutons pas que, pour sa première visite d’État chez Satan, Mme Sahebeh Arabi fera péter le décolleté.
P.-S. qui se mord la queue : En ce qui concerne le cas PKK, nous risquerions gros à trop souligner l’opposition fondamentale par laquelle se caractérise le face-à-face Tillion/Saâdi, incitant par là même les Daechiens de l’enfer à limiter leur mode opératoire hexagonal audit ennemi légitime qui répondrait au nom de code : Sentinelle.
P.-S. juif pas trop vieux et pas blonde du tout : Erdogan promet aux Kurdes la démocratie ou les armes. Quelqu’un pourrait-il lui rappeler que, depuis que les peuples se sont colletés avec l’exercice du pouvoir, démocratie et antisémitisme n’ont jamais fait bon ménage…
P.-S. erratique : En attendant, celui qui s’est fait pilonner l’arrière-ligne avant la Libération que constituerait pour lui l’inexorable débandade, c’est encore et toujours l’ami kurde.