Texte prononcé au théâtre de Ménilmontant, mardi 17 mars 2015.
L’extrême-droite et la presse. Vaste sujet de débat qui, sitôt qu’on en pose les bases, suscite cent questions, ouvre des dizaines de portes. Longtemps, les médias dans leur ensemble ont refusé d’ouvrir complètement et sans réserve leurs colonnes et leurs antennes aux représentants de l’extrême-droite. On recevait ainsi Jean-Marie Le Pen en se bouchant le nez et les apparitions télé de ses lieutenants, Bruno Mégret et Bruno Gollnisch, se comptaient sur les doigts de la main. Puisque le FN était un parti d’infréquentables, qu’il méprisait les règles démocratiques, on ne lui donnait l’occasion d’exposer ses idées qu’en ultime recours, pour obéir aux règles déontologiques, autrement dit : lorsqu’il était impossible de faire autrement. Et comme pour confirmer les journalistes dans leur principe de méfiance, chaque sortie médiatique du dirigeant frontiste s’accompagnait le plus souvent de propos insupportables. Lorsqu’en 1987, sur RTL, Jean-Marie Le Pen affirme que les chambres à gaz sont « un point de détail de l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale », s’en est trop : la condamnation est générale. Pourtant, malgré les réticences, le FN n’allait pas tarder à faire son grand retour sur le devant de la scène médiatique. Deux raisons à cela. D’abord, l’indéniable talent oratoire de Jean-Marie Le Pen accompagné des sorties détestables mais minutieusement préparées des cadres de son parti. Pour des médias sans cesse à la recherche de petites phrases permettant de raconter la politique comme un feuilleton, la contribution du FN est depuis toujours cruciale : elle permet de tenir le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur en haleine. Deuxième raison? Avec le développement des médias en ligne et l’instauration de nouveaux modes de consommation de l’information, l’extrême-droite a trouvé le moyen d’abreuver le citoyen de ses déclarations fracassantes, de celles qui font du clic, provoquent le buzz et alimentent les conversations.
Avance rapide. En 2015, pratiquement personne ne se demande encore si il faut inviter le Front National. Il est partout, omniprésent invité des matinales des radio, en Une des magazines, en boucle sur les chaînes infos. Puisque le FN représente aujourd’hui une part non négligeable et visiblement croissante des électeurs, on dit qu’il a le droit à la parole. Son ostracisation est de l’histoire ancienne. Nostalgique, Sylvain Bourmeau déclare sur Twitter : « Le monde politico-médiatique se divise entre ceux qui font du FN un parti parmi d’autres & ceux qui font de son rejet une question liminaire ». Il paraît de plus en plus seul…
Plus il bénéficie d’exposition médiatique, plus le FN dicte le rythme de l’agenda politique. C’est mécanique et c’est, pour la résumer, la pensée de Bernard-Henri Lévy. Dans une interview accordée il y a peu au quotidien Libération, le philosophe déclarait : « Tout le monde nous dit que la «diabolisation» de jadis, soit na pas marché, soit a fait monter le Front National. Je crois juste le contraire. Quand on «diabolisait», autrement dit quand on était ferme sur les principes et quon traçait des lignes de démarcation claires, le FN était à 10 ou 15%. Cest depuis quon a baissé la garde, cest-à-dire depuis quon le traite comme un parti normal, quil est monté à 30% »

Avec les années, telle une bimbo de téléréalité, l’extrême-droite s’est, au moyen de diverses opérations de chirurgie, bien rajeunie. Mieux, elle a fait le nécessaire pour se rendre glamour. Elle utilise de nouveaux atours, prends des formes qu’on ne lui connaissait pas du temps de Le Pen père. Désormais c’est Marine et son style de quadra urbaine, Florian énarque à la langue bien pendue, Marion, à la blondeur incandescente, devenue grâce au photographe et peut-être à nos petites faiblesses, un fantasme populaire… Au passage, vous remarquerez que l’on a pris l’habitude d’appeler Marine par son prénom comme on dit Loana : c’est-à-dire sans même connaître le patronyme de la participante de Loft Story ou en faisant mine d’oublier le terrible nom de Le Pen. Posons-nous une minute, interrogeons-nous. Appelle-t-on Hollande simplement « François » dans nos décryptages ou bien encore Sarkozy « Nicolas » dans nos articles ? Non, jamais… La victoire médiatique du FN se joue aussi à ce genre de petits détails…
C’est peut-être parce que le journalisme change de modèle et nous propose actuellement un entre-deux bâtard, sans véritable modèle économique efficient, que l’extrême-droite arrive à mieux l’utiliser pour arriver à ses fins. C’est aussi certainement notre impuissance face à la mutation de son discours que l’omniprésence médiatique de l’extrême-droite souligne. Face à ces phénomènes, comment les journalistes peuvent-ils continuer à mener leur travail d’information ? Faut-il se remettre à limiter l’accès du FN aux médias ou au contraire l’encourager pour le démonter ? Comment ne pas se laisser déborder par la puissance du discours frontiste, le poids de ses mots, le choc des images qu’il nous offre ? L’utilisation des moyens modernes comme le fact-checking peut-il nous aider à mettre le FN face à son véritable et triste bilan ? Voilà quelques questions auxquelles nous devrons bien répondre dans un avenir proche.

2 Commentaires

  1. Détrompez-vous, le fils adoptif de Hitler — dans tes rêves! — n’a pas déshérité sa fille. S’il l’appelle désormais Madame Le Pen, c’est pour lui enfoncer dans la caboche qu’elle est son héritière, et qui plus est, qu’elle n’est rien d’autre que cela, sous-entendu, qu’elle ne serait rien si elle n’était cela. Voilà ce que faisait déjà en juin 2014, ce qui, à l’époque, lui avait coûté son blog sur le site du parti, le fondateur des Lepéniens. Il reprend aujourd’hui, des mains de sa fille aînée, son sceptre de pater familias, rappelant à l’effrontée qu’il la répudiera si et uniquement si tel est son bon plaisir, en sorte qu’elle garde à l’esprit que l’on n’a nul besoin de se faire un prénom à moins qu’on ait choisi de porter le nom d’un grand personnage, autrement dit, qu’on n’est Marine que d’être Le Pen. De son côté, la progéniture a, depuis quelques temps, pris l’habitude de ne plus souligner le lien de parenté qui lui colle à la peau, un distanciement affectif lui offrant l’occasion de réaffirmer en permanence la puissance d’un patronyme qui est aussi le sien, un nom de famille, et donc, le nom d’une famille, qui est en passe de former une nouvelle dynastie princière comme l’ont été les Capétiens ou les Carolingiens, une griffe, une marque de fabrique, la marque Jean-Marie Le Pen, ce nom du créateur de l’entreprise «des diabolisés», capable à lui seul de légitimer l’ordre de succession.
    La première candidate à l’élection présidentielle que la France ait jeanne-d’arcisée l’avait tout de même un peu cherché. N’avait-elle pas convoqué la Realpolitik TV dans une bergerie, à quelques mois du premier tour? On a peut-être attribué trop vite la non réitération du 21 avril au seul Nicolas Sarkozy, mais essayons d’être honnêtes jusqu’au bout, car franchement, sainte Ségolène avait, contrairement à Le Pen, des circonstances atténuantes; il faut être passé maître en science acrobatique avant de se lancer dans l’écharpe tricolore de Marianne affublée d’un patronyme aux accents régaliens sous la clameur chancelante d’un peuple de gauche inclinant au robespierrisme. Acrobate, et en même temps, la Dame qui a troqué le look Bloody Mary pour l’Apparition mariale avait fait un score plus qu’honorable — rappelons-nous son «Je vous conduirai vers d’autres victoires» — et il se peut qu’elle ait su incarner mieux que n’importe qui avant elle le paradoxe français, ce savoureux cocktail de passéisme futuriste qui choisira toujours de (se) braquer lorsqu’on le forcera à choisir entre ses sources irréductiblement foisonnantes et la subtile convergence de leurs cours.
    Mais revenons à nos moutons. Nous est-il devenu impossible d’empêcher la dédiabolisation de la matrone de l’extrême droite française dès lors que c’est son propre géniteur qui s’en charge? Nous connaissons Marine Le Pen et ses propres casseroles. Alors évidemment, nous ne nous gênerons pas pour la cuisiner sur son soutien aux dictateurs Kadhafi, Assad, Poutine et aussitôt, elle dégainera de son corsage l’épouvantail islamiste, oubliant au passage que nous n’avons jamais soutenu Daech mais une insurrection démocratique, avouons-le, plus ou moins solide, tant au plan militaire qu’idéologique, sauf que le renfort que nous lui avons retiré la privait du même coup de la possibilité de consolider sa croyance naissante dans les valeurs d’un Occident dont le calife d’Irak et du Levant lui rappelle tous les jours qu’il est le principal allié du Boucher de Damas. Et puis, nous n’avons pas oublié l’invitation de la princesse Marine au bal annuel des Nazis, pas plus d’ailleurs que son habileté à retourner à l’avantage du bourreau cette prochaine fournée que le grigou de Pétain avait promise, la bave aux lèvres, à un certain Patrick Bruel, un piège politico-médiatique selon Madame le Président, tendu par on sait qui à la ligne du Front.
    Ne nous faites pas trop vite un procès d’intention! Vous vous doutez bien que nous ne voudrions pas empêcher Le Pen de tuer Le Pen et laisser s’évacuer la portion congrue de son électorat vers les égouts soraliens où elle aurait tout loisir de se décomposer, dans l’illégalité. Il va donc nous falloir quelques éclaircissements de la part d’une enfumeuse professionnelle à laquelle son père a enseigné l’art de la formencule. Et pour commencer, si par «suicide politique» elle sous-entend que c’est au sens de la tactique politicienne que s’est disqualifié le président du déshonneur de la République. Pense-t-elle, par exemple, que le seul tort de Jean-Marie Le Pen ce fut, en prétendant que la France de 2015 était gouvernée par des immigrés, de mettre dans le même sac les bons et les mauvais Français de la classe dirigeante, ou au contraire, qu’il est profondément antirépublicain de séparer le bon grain gaulois de l’ivraie métèque? A contrario, la dédiabolisation qu’elle prônerait des figures multiethniques du gouvernement de la France ouvrirait-elle un nouveau chapitre dans l’histoire du nationalisme, avec l’amorce d’un mea culpa envers nos récents et futurs compatriotes et, dans la suite logique, une reprogrammation du logiciel d’un parti qui, jusqu’à nouvel ordre, préconise l’immigration zéro? Car enfin, cette main invisible du capital de sympathie cryptofasciste qui va se fourrer dans l’engrenage réformateur, ça pousse à la rupture, ça vous délave une enseigne bleu marine, ça vous détourne de son sang ce rance concept, auquel la nation des Lumières ne jouit pas suffisamment du pouvoir de lui faire dire ce qu’elle veut, de la préférence nationale. Parvenu là, si le voisin n’est plus envisagé sous l’angle préonusien de la menace d’invasion, ou pire, essentialisé en tant que dénaturateur de l’inculture nationale, pourquoi alors ou plutôt, contre quoi former un front à caractère national sinon contre la République?
    À défaut d’être organicistes, nous ne serons jamais volontairement amnésicistes, et nous n’empêcherons pas un homme, qui renforce notre espace républicain de son expérience in situ du franquisme, de lutter, peut-être mieux qu’un indigène, contre une mauvaise approche des libertés publiques qui nous avait condamnés au glissement progressif du déplaisir. Nous ne l’empêcherons pas d’empêcher les Frères Prêcheurs de Finsbury Park de tenter un bon petit retour des familles après notre prise de conscience tardive des limites du Traité sur la Tolérance que je ne réduirais pas à un effet de Manche. Nous lui laisserons les mains libres chaque fois qu’il démontera les opérations de séduction invasives de la Quenelle national-socialiste, à Paris ou Tunis, — le mal ne change pas de nature au gré des jugements que l’on porte sur lui. — Et je presse nos dédiabolisateurs nationaux d’accorder avec moi, qui suis né vingt-cinq ans après que ma famille fut jetée par l’État français dans le Ghetto inextensible, toute la considération qu’il mérite à un droit d’asile qui est le pilier de la sureté nationale en ce qu’il intègre des éléments plus conscients que tout autre de ce que représente la privation des droits fondamentaux, des ex-persécutés blottis dans les jupes de la Liberté chérie, des futurs citoyens qui, animés du zèle des convertis, n’hésiteront pas à se montrer offensifs quand il s’agira de défendre leurs lois.

  2. Moi, Marion qui passe a la tele, c’est comme un zeste de citron, une fraicheur douce, Je ne ressent plus de haine. C’est « Marechal » version sexy!… Oui, bien sur que je suis pour la voir la plus souvent notre Marine a la tele, et meme, plus les journalopes sont ecoeurant d’anti-patrisme, promoteurs du tier-mondisme envahisseur, plus nous l’aimons!… Moi, j’etais colleur d’affiche aux MNR, pour nous, le FN etait presque co-allabo!.. Que le MNR de Megret me manque! Un vrai programme de la droite natio, nettoyage total de la France! Le FN a cote, c’etait des gauchards! LOL! LOL! LOL!