Nous sommes une grande nation. Depuis une décennie de dépression morne et de cancanerie blafarde, nous nous étions abimés, nous avions nos petites têtes de turc et nos polémiques idiotes. Le grand flot de la vie publique était idiot et futile, aigre et veule. La France, ah cela avait été quelque chose, mais c’était devenu un hôtel et au mieux un regret, la République, la liberté, tout cela était des mots beaucoup trop gros et vieux, inutiles dans un monde ouvert, grotesques dans ce théâtre triste qu’était notre nation.
Le massacre de Charlie Hebdo et l’attaque antisémite d’avant-hier nous ont fait prendre conscience que ce journal, la gentillesse, les dessinateurs drôles et caustiques, leurs feuilles de papier jaunies que l’on voyait dans les kiosques avant de prendre le métro, tout cela était notre monde, une trame invisible et nécessaire, qui s’ourdissait derrière nous sans que l’on s’en aperçoive. Leur disparition, leur assassinat atroce a fait disparaître quelque chose que l’on ne sentait plus, que l’on s’était incorporé, la liberté, la tranquillité, le bonheur, toutes ces choses de notre pays que l’on croyait natales et éternelles. Ce qui était troublant dans les visages de la place de la République mercredi soir, c’était que l’on comprenait soudain, par la suppression d’un des éléments fondamentaux du décor que nous étions tous sur la même scène. Merleau-Ponty explique quelque part que nous utilisons certains objets ou sentiments comme des appendices que nous faisons nôtres, un parapluie devenant un membre, la jalousie pour telle femme une région de notre cerveau, et ainsi nous allons, êtres bigarrés et mouvants.
Ce qui est apparu soudain, en nous et sur le visage des autres, c’était ce quelque chose d’enfoui et d’un coup atrocement palpitant, qui était la francité.
J’ai pleuré, et tout le monde autour de moi pleurait, et ce spectacle étonnant d’un chagrin irrépressible était bouleversant. L’absurde du drame, la mort de ces personnes que l’on écoutait à la radio le matin avant le collège, qu’on lisait tout petit fébrilement en page trois du canard enchaîné, provoquait un chagrin et un étonnement, celui de voir une fraternité de la tristesse, une communion avec des gens que l’on pensait séparés, lointains, derrière des écrans, qui, certes mis bout à bout faisaient un pays, mais qui, ensemble, marchaient, comme l’on dit, chacun dans leur couloir. Les institutions, les gens connus, les animateurs, tout le monde pleurait. Nous pleurions car l’on sentait que c’était le décor, notre oxygène humain, une tapisserie culturelle et sociale invisible mais atrocement souillée qui s’en allait, quelque chose qui nous faisait Français, l’humour et la gentillesse, la drôlerie et le mauvais goût, comme si on avait changé d’endroit la Tour Saint-Jacques, comme si on avait inversé les rimes des Fleurs du Mal, comme si on avait détruit les falaises d’Etretat au tractopelle. Nous n’avions jamais senti cela avec une telle vigueur, la francité, soudain bouleversante, le patriotisme dans ce qu’il avait d’universel et d’humain, et tout était un réconfort, les têtes de turc s’en allaient, les clanismes ricanants, les divisions, la brumeuse glue d’étrangeté et d’altérité entre les hommes s’effaçait. Pour la première fois, notre vie publique était soyeuse, émue, nous avions des héros, et le constat d’en avoir s’ajoutait au plaisir de voir cela partagé.
Le pays était uni, et l’émotion ravageante que l’on ressentait en soi, d’abord encombrante et un peu stupéfiante, pleurer des gens que l’on ne connaissait pas, cette émotion si étrange était confirmée, ratifiée par l’émotion des pleureurs du bas de la rue. Et, quand dans un kiosque d’aéroport, on constate que la presse du monde entier parle le français, quand, dans les rues de Paris la peur et la douleur mettent les larmes aux yeux des nuages, on ne peut s’empêcher de pleurer, encore et encore, pleurer quelque chose d’amical et d’enfantin, quelque chose qui nous manque déjà.
Pourquoi écrire ? Depuis que je suis petit garçon, j’arrive généralement à écrire sur tout. Sans forfanterie, je peux baratiner, je peux bavasser, j’ai fait des études pour savoir dire tout sur tout, en trois parties et avec analyse des termes du sujet. Pendant trois jours, pour la première fois de ma vie, j’étais muet. La feuille blanche. Pourquoi écrire ? Pour dire quoi ? On vit, on grandit avec une certaine idée de la littérature, avec l’idée qu’il faut porter le fer dans les plaies, empoigner les cornes du taureau. Et quand la tragédie arrive, on est là ballant, sec, muet, coupé en deux comme du jonc. Par le chagrin d’abord, le chagrin de cendre, le chagrin qui vous anéantit, et l’impuissance dérisoire des mots ensuite. La tragédie à deux arrondissements de chez vous. L’attaque antisémite d’hier est la conclusion atroce d’une semaine de cauchemar, et je crois que ma génération a perdu l’innocence. Nous vivions en hédonistes arrogants et cyniques, et je crois que cela va changer. Dans cette France ravagée par le désarroi et le chagrin, chacun s’est rendu compte de la précarité de notre monde et de son prix, le prix infini d’une liberté que nous prenions comme des passagers clandestins, comme lorsque l’on dîne sous un tableau assez amusant chez des gens fortunés, et que l’on vous apprend le lendemain que c’était du Pissaro, et le vin pas mal, du grand cru de bourgogne. Oui, nous avons été des crétins oublieux et incultes. Ce n’est pas « encore un effort » qui nous a faits républicains, mais une tragédie sans nom. On dit « 11 septembre », mais cela s’appelle un « 6 février », le début de quelque chose qui sera sombre mais où, du moins, la génération qui vient sait à quoi s’attendre. La détermination de mes amis, et de tous les gens de vingt ans est quelque chose d’impressionnant. Nous vivons dans un pays où l’on peut perdre un proche, parce qu’il est juif, parce qu’il est journaliste, parce qu’il est policier. Nous pensions être né trop tard dans un monde trop vieux, l’histoire nous montre que nous arrivons, mais oui, juste à temps, pour tenter d’être dignes d’un passé que nous avions oublié. Comme un amnésique sauvé des limbes, ce grand choc nous a rendu la mémoire.
Charlie Hebdo : Pourquoi écrire?
par Baptiste Rossi
11 janvier 2015
Dans cette France ravagée par le désarroi et le chagrin, chacun s'est rendu compte de la précarité de notre monde et de son prix.
je voudrais vous presenter toutes mes condoleances a toutes l equipe de charlie hebdo ainsi qua leurs familles que ses tueries ne sois pas impunies
C’est en voulant tuer Charlie
Que certains abrutis
Je dirais des charlots
Se vengent de l’hebdo
Fous de dieux fous d’Allah
Fous furieux plutôt ana
C est en posant des bombes
Quelle hécatombe
Où va le monde,
C’est un monde!
On assassine pour devenir célèbre
Est-ce vraiment sur leur lèvres et dans leurs discours fanatiques
Nous jugeant hérétiques
Que cherchent-ils à part nous diviser?
Cherchent-ils à régner?
Se prennent-ils pour nos maîtres?
Ces espèces de traîtres?
Une kalashnikvo des mitraillettes…
Pourquoi pas un exocet ?
Un coup les tours un coup les journaux…
Où s’arreteront ces blaireaux?
1 million ne suffira pas, la france vous suis de tres pres ,je serais parmi les premier en acheter plusieurs pour la libre pensée – RAWLS a dit la liberté ne peut etre limitée qu’au nom de la liberté