A l’occasion du Festival Littérature et Journalisme qui se tient à Metz du 10 au 13 avril, La Règle du Jeu pose trois questions à Marie-Hélène Caroff, responsable de la programmation du festival.
Propos recueillis par Laurent-David Samama.

Laurent-David Samama : Le festival littérature et journalisme de Metz se tient cette année du 10 au 13 avril. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette manifestation?

Marie-Hélène Caroff : C’est la deuxième édition du festival sous cette appellation, mais c’est en réalité une manifestation qui existe depuis 27 ans. Nous investissons pendant quatre jours la place de la République – en cœur de ville – ainsi que l’ensemble des salles de spectacle de l’Arsenal situées à quelques pas.
Le festival se déploie également dans toute la ville (médiathèques, cafés), dans les quartiers, à l’université…  Une Grande Librairie permet au public de retrouver les ouvrages des invités du vendredi au dimanche.
Nous avons souhaité dédier cette édition à l’Europe. Pour reprendre les mots de Mathias Énard, romancier et conseiller littéraire du festival qui s’est particulièrement investi dans la programmation avec le journaliste Philippe Lefait, « L’Europe en ce moment est à la croisée des chemins : son modèle économique a montré ses limites. Une Europe démocratique est à inventer. L’Europe participative est à fabriquer. C’est aussi un espace géographique immense, à la diversité linguistique et culturelle et bien sûr littéraire, fascinante. »
200 invités, journalistes, romanciers, essayistes, mais aussi scénaristes et dessinateurs de BD, vont donc échanger, croiser leurs regards et leurs expériences autour de thématiques diverses : comment les auteurs se représentent-ils cet espace européen, comment configurent-ils cet imaginaire ? D’un point de vue journalistique, comment appréhende-t-on d’un pays à l’autre cet objet si singulier qu’est l’Europe ? Comment penser l’Europe de demain, se projeter dans l’avenir ? L’Ukraine sera aussi au centre de l’une de nos tables rondes.
Le festival démarre par deux projections-rencontres : l’une avec Raymond Depardon au Centre Pompidou-Metz, et l’autre avec le reportage « Solovki, la bibliothèque disparue » d’Olivier Rolin – en avant-première à Metz. Et nous accueillons des invités de toute l’Europe, venus de Londres à Kiev en passant par Bruxelles et Istanbul. Enfin, nous proposons aussi un focus autour de l’œuvre de Tomi Ungerer, dessinateur de renom et Européen convaincu, à qui nous devons l’illustration de l’affiche du festival 2014.

L.D.S. : Pourquoi avoir fait le choix de lier littérature et journalisme? Sont-ce encore des domaines qui dialoguent ?

M.H.C. : La frontière entre les deux écritures, journalistique et littéraire, est poreuse, et nous le vérifions un peu plus chaque année. Ancrée dans le réel et/ou l’actualité, la fiction est un moyen de s’approprier, de questionner, de saisir le monde qui nous entoure. De plus en plus d’écrivains mènent un travail d’enquête pour nourrir leur fiction. Du côté de la presse, les papiers sont de plus en plus courts, mais de nouvelles formes d’expressions journalistiques voient le jour, par exemple les revues-livres ou mooks. C’est cela que nous explorons. Donc oui, ce sont des domaines qui dialoguent, et Metz se veut justement l’un de ces espaces de dialogue.
Nous avons choisi cette identité, puis cet intitulé, pour plusieurs raisons. Aux origines, il y a vingt-sept ans donc, cette manifestation était dédiée à la littérature et au journalisme. Nous avions aussi envie de proposer quelque chose de différent, d’original, car il y a aujourd’hui plus de trois-cents manifestations littéraires importantes en France. Notre salon du livre s’essoufflait, il fallait  lui redonner une bouffée d’oxygène tout en respectant son esprit d’origine.
Enfin, Metz et le journalisme, c’est une histoire qui dépasse celle du festival : le CREM (Centre de Recherche sur les Médiations), laboratoire de l’Université de Lorraine, compte plusieurs chercheurs intéressés par ces questions d’écritures croisées, ce qui nous offre de belles possibilités de collaboration, par exemple le premier colloque international sur les Mooks, adossé cette année au festival L&J. Et les Assises du Journalisme auront lieu pour la deuxième année à Metz en octobre prochain.

L.D.S. : L’organisation d’une telle manifestation en Lorraine, région sinistrée, est peu courante. Quelle logique sous-tend le festival?

M.H.C. : Nous ne sommes pas les seuls organisateurs de manifestation littéraire en région, et il me semble important de le souligner : il y a aussi Le Livre sur la Place à Nancy, le Festival International de Géographie de Saint-Dié, les Imaginales à Epinal…  Tout cela participe d’une vie littéraire qui irrigue le territoire, et nous avons chacun nos spécificités : la Lorraine n’est donc pas qu’une région sinistrée ! Bien sûr, il y a Florange et la vallée de la Fensch, et nous allons d’ailleurs en parler pendant le festival lors d’une table ronde  « Paysages d’une Europe en crise ».  Mais il y a aussi une dynamique, une évidence européenne, que nous souhaitons faire résonner en 2014 : Metz est une ville à l’ADN européen, de par la proximité des frontières belges, allemandes et luxembourgeoise.
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