Laisserons-nous outrepasser la simple critique intellectuelle par des personnes inqualifiables qui cherchent non pas à salir mais à démolir la statue morale d’Elie Wiesel ? Sur quel autre rescapé juif des camps a-t-on aussi gratuitement déblatéré, menti de façon éhontée, trahi la vérité historique, non pas depuis hier mais grosso-modo depuis qu’il fut lauréat du prix Nobel de la paix à Oslo en 1986 ?
Parmi les premiers à se déchaîner contre cette attribution, se trouvaient les amis de Simon Wiesenthal puis quelque Suédois me rappelait encore Elie Wiesel au téléphone cette semaine. Cette fois c’est un Juif hongrois, Miklos Grüner, dans un procès pour diffamation contre le rabbin Shlomo Köves dans lequel le cas de Wiesel fut très présent, qu’il perdit en première instance et en appel. Parmi toutes les impostures, celle de ce Miklos Grüner est l’une des plus énormes. Pour lui l’écrivain, prix Nobel, est un «imposteur qui a usurpé le numéro matricule A-7713 d’un certain Lazar Wiesel et s’est approprié le récit de ce dernier sur son passage à Auschwitz.» Tout le document sur ce procès intenté à l’écrivain par le rescapé juif hongrois, est en ligne sur un site à mouvance révisionniste, sous le titre «Affaire Elie Wiesel» ou encore sur un site intitulé «Résistance» [mais de quelle résistance parle-t-on ? sûrement pas de celle à l’infamie] avec ce titre «Elie Wiesel est-il un imposteur ?»
On se souvient que Simone Veil, ministre de la santé, défendant le projet de loi sur l’IVG (si mal appliquée et toujours si mal considérée en France, mais c’est un tout autre débat !) avait été la cible d’attaques antisémites ignobles d’opposants catholiques intégristes et/ou d’extrême-droite. «Dommage que tu n’y sois pas restée !», lui lançaient certaines lettres infâmes et anonymes !
Aujourd’hui, avec l’affaire Wiesel, c’est sa déportation qui est simplement remise en cause, donc tout naturellement son récit La Nuit jusqu’à sa renommée morale qui lui valut son prix Nobel…
Est-il utile ou plus exactement nécessaire de répondre à autant de calomnies sans queue ni tête, quant elles ne sont guidées que par un esprit malin, quant ce n’est un esprit qui ne sait pas discerner l’immoral du moral ? On sait qu’il existe un site américain alimenté par une certaine Carolyn Yeager «Elie Wiesel cons the world» (Elie Wiesel escroque le monde), qui se consacre au «faux-témoignage du plus célèbre survivant de l’Holocauste».
Revenons-en aux faits de cette dernière affaire, sans doute la plus ignoble de toutes celles qui se sont portées contre Wiesel depuis toutes ces décennies. On ne veut ni plus ni moins le dénantir de sa condition de survivant. Miklos Grüner, rejoint par quelques tristes individus se réclamant pour la plupart de thèses révisionnistes, pour qui tout combat de cette nature est salutaire, même les plus risibles, réfute ni plus ni moins que le numéro tatoué [«qu’Elie Wiesel dit avoir»] sur son avant bras-gauche : A-7713 (que j’ai vu de mes yeux !) est vraiment le sien… S’il n’est pas le sien, il n’est pas tatoué et ne fut pas déporté à Birkenau au printemps 1944 ! Nous sommes entre le rêve et le cauchemar. La thèse qui s’ensuit est donc qu’Elie Wiesel aurait usurpé l’identité d’un autre déporté, au nom étrangement voisin : Lazar Wiesel, qui ne porta jamais plainte pour usurpation d’identité – et pour cause… Lazar ou plus exactement Leizer, est le diminutif yiddish d’Eliezer, qu’après la guerre Wiesel simplifia en Elie. L’un des journalistes du site Enquête & Débat (mais de quelles enquêtes et de quels débats s’agit-il au fait ?), qui se dit «anti-antisémite» et entend défendre la mémoire de la Shoah, a écrit au responsable des archives du Museum d’État d’Auschwitz-Birkenau à Oświęcim, pour en avoir confirmation et le courriel reçu fait bien état d’un Lazar Wiesel né en 1913, sauf qu’Elie Wiesel est né en 1928, soit quinze plus tard.
Les archives d’Auschwitz-Birkenau sont-elles fiables ? On peut en douter à lire de pareilles informations erronées.
Après quoi il écrivit à Elie Wiesel et à son assistante à New York, leur demandant d’apporter des preuves sur sa déportation, i.e. son véritable numéro tatoué…
Un website a repris tout ce procès fou intenté à l’écrivain sous le titre «eliewieseltattoo.com». Faut-il aller plus avant dans la dénonciation de la supercherie, de la haine qui se cachent ici derrière de faux-semblants tragiques et pathétiques ?
On arbore une photo de Wiesel son bras gauche nu et replié sans que l’on y discerne le tatouage et l’on en déduit qu’aucun numéro n’y figure. Mais ce tatouage beaucoup de gens qui ont connu ou connaissent Wiesel l’ont vu – dont je suis. Que cherchent alors à prouver ces calomniateurs ? Que la haine, dans son travail d’élaboration, a beaucoup de temps à faire perdre à ceux qui en sont devenus ni plus ni moins ses instruments aveugles.
Alors qu’il devient de plus en plus impossible de nier l’existence des chambres à gaz, il reste à s’attaquer par tous les moyens à ce qui est encore tangible. Or, parmi les dernières figures d’écrivains ou d’intellectuels survivants de l’extermination des Juifs, tels qu’Imre Kertész pourtant prix Nobel de littérature, ou Aharon Appelfeld, Wiesel reste celui qui continue à attiser les haines les plus irrationnelles et les plus farouches…
Quand on a encore à l’oreille les paroles de la sœur aînée d’Elie Wiesel, Hilda, morte voici deux ans à Nice, se souvenant de l’ultime scène sur le quai maudit de Birkenau avec sa mère lui disant : «cours, cours dire à papa de ne pas se séparer de ton frère[1] !», il est absolument immoral, indécent, de se poser simplement la question de la véracité du dire d’Elie Wiesel.
Il est un texte dans l’Evangile où il est dit que tous les péchés seront remis, sauf le péché contre l’Esprit ! Il faut croire que les coupables de crimes contre l’humanité et ceux qui de près ou de loin font le lit de ces abominations de la désolation, ont commis et commettent chaque jour un péché contre l’Esprit inexpiable. Ceux qui attentent aujourd’hui un tel procès à Elie Wiesel au nom d’une mémoire qu’ils disent servir, diffament cette mémoire.
[1] Voir son témoignage dans mon livre Elie Wiesel, l’homme de la mémoire,Bayard éditions, 1998
Je cite : « Les archives d’Auschwitz-Birkenau sont-elles fiables ? On peut en douter à lire de pareilles informations erronées. »
C’est juste énorme ! Il n’y a pas plus aveugle que quelqu’un qui ne veut pas voir.
Bonjour,
Au hasard d’une recherche (qui n’avait rien à voir) je découvre cette polémique. Tout en constatant qu’elle n’est relayée sur les premières pages de google que par des révisionnistes ou des sites ou auteurs que rien ne permet de supposer grands défenseurs des Juifs, je ne comprend pas l’absence de réaction de la part de Monsieur WIESEL. Car l’affaire est trop grave pour qu’on puisse se dispenser d’une réponse judiciaire. D’autant que les arguments que vous exposez sont insuffisants pour lever tout doute. En effet, évoquer le possible manque de fiabilité des archives d’Auschwitz-Birkenau est pis que court. Et que dire de l’absence de réponse à l’interrogation quant à l’âge apparent de la personne de la photo du baraquement dans laquelle Monsieur WIESEL se reconnaitrait. Et de celle d’une photo qui, à défaut de prouver quoique ce soit, aurait au moins le mérite de discréditer la vidéo prétendant prouver l’absence de tatouage. Le sujet est trop grave pour se draper dans un silence indigné. Ne pas lutter pied à pied contre le révisionnisme c’est lui laisser le champs libre !
Sincèrement à vous avec l’espoir de vous avoir convaincu de la nécessité de réagir.