« Madame, monsieur, bonsoir. Au sommaire de cette édition, cette nouvelle, bien sûr, qui a stupéfié les croyants du monde entier et laisse pantois tous les commentateurs. C’est un coup de tonnerre, c’est un coup de canon : Dieu, notre Seigneur, a démissionné. Une décision « prise en conscience » selon les termes du communiqué divin et qui met fin à un règne de… euh… plusieurs milliers, millions enfin, un très long règne. C’est une décision inédite, qui crée l’embarras, une décision saluée, aussi, par tous les chefs d’Etat de la planète, les messages affluent de minute en minute. Mais tout de suite, en direct des Portes du Paradis, nous retrouvons notre envoyé spécial, Jean-Pierre, vous m’entendez ?

– Oui ? Oui ? (la liaison est mauvaise)

– Jean-Pierre, j’imagine qu’au Ciel, c’est la consternation qui règne ?

– Allo ? Allo ? Oui ? Ah, oui, je vous entends. (sourire radieux) Ecoutez, c’est plutôt l’Amour, qui règne aux cieux, mais enfin, oui, Patrick, on peut le dire, tout le monde ici est à la fois très étonné et très surpris. J’ai croisé, sur le chemin du Ciel, beaucoup d’anges en pleurs, effondrés, et je peux vous dire qu’autour de moi, l’émotion est à son comble. Alors, que s’est-il passé ? Dieu était-il fatigué de sa tâche ? En avait-Il assez ? Sont-ce les complots de ses plus proches ? Le mystère est bien entier. J’ai envie de vous dire : Dieu seul le sait. En tous cas, la réalité est certaine : Dieu renonce à ses fonctions, et se retire à jamais. Il va reprendre sa vie normale de Dieu non divin.

– Jean-Pierre, est-ce que c’est une démission qui est celle du Dieu des chrétiens uniquement ? Ou bien de tous les autres Dieux ? Ou bien la même démission, pour toutes les religions ?

– (sourire malin) D’abord, rappelons à nos téléspectateurs athées qu’ils ne sont pas obligés de croire en Dieu, ni à sa démission, ni même à la réalité de ce duplex.

– En effet.

– Pour tous les autres, eh bien je dois dire que nous n’en savons rien. L’Eglise catholique a été la première à réagir en se félicitant de, je cite, « cet acte audacieux qui prend la mesure de son temps ». Les autres communautés religieuses sont pour l’instant silencieuses, mais d’après les premiers échos, il se murmure que dans le doute, en attendant d’y voir plus clair, toutes les chapelles du monde ont convenu que les attentats, les fanatismes et les persécutions ne cesseraient pas jusqu’à nouvel ordre.

– Alors bon, Jean-Pierre, une fois Dieu parti, l’heure est à présent aux bilans. Quel bilan, justement, peut-on déjà tirer de ce long mandat de Dieu ?

– (hochements de tête… silence méditatif) Oui, écoutez, alors je dirais que le bilan est, comme on dit, mitigé. A l’actif de Dieu, parmi ses réussites, je crois qu’on peut ranger la Création. C’est un travail unanimement reconnu par les personnes compétentes, et qui, malgré quelques défauts majeurs, est assez impressionnant, il faut bien le dire. Soyons justes. A présent : quels sont les motifs d’en vouloir à Dieu ? Là, je ne vous le cacherai pas, Patrick, les griefs sont très nombreux. Moi-même, pour être honnête avec vous, je ne trouve pas fameux-fameux ce mois de Février tout pourri.

-Bon, et alors, qui va Lui succéder ? Est-ce que des candidats sont déjà sur les rangs ? Avez-vous des confidences, des potins célestes ?

– (pause de réflexion intense). Ah oui ! Le grand jeu de la succession a commencé, et les rumeurs battent leur plein, dans les coulisses du Paradis, entre deux bruissements d’ailes. Il faut dire que les textes sacrés sont assez flous quant à la façon de procéder.

– Dieu n’a-t-Il pas en partant laissé quelques instructions dans Sa grande prévoyance ?

– Ah ? oui, oui, bien sûr. Dieu a dicté une façon très astucieuse de pourvoir à Sa succession. Mais le problème, c’est qu’au moment de dicter Sa volonté, Il avait déjà démissionné, ses ordres sont venus après sa renonciation. Alors, doit-on suivre les préceptes de Dieu, que nous aimons tous beaucoup, mais qui n’est plus à présent qu’un être non divin, un être formidable, Il n’a pas démérité toutes ces années, encore une fois, là n’est pas la question, mais un être qui ne dirige plus rien ? Les autorités religieuses sont perplexes sur le sujet.

– Jean-Pierre, dîtes moi, est-ce que ne serait pas l’occasion de choisir un Dieu plus… moderne ? Un dieu qui ne soit pas si obnubilé par les questions religieuses ?

– Ah, oui, Patrick, c’est certain, et il semble que ce soit la volonté de beaucoup. Mais, bon, vous le savez, les voies du Seigneur sont, enfin étaient, impénétrables (peut-être Son successeur aura-t-Il une politique plus lisible). Mais encore une fois, nous n’en savons rien, nous, pauvres créatures. Qui viendra après Lui ? C’est un mystère assez profond, ne nous masquons pas la vérité.

– Est-ce qu’on pourrait élire Dieu par des primaires ? Des primaires œcuméniques et citoyennes ? Est-ce que le prochain Dieu pourrait être une femme ?

– Oui… Oui… Non, non… C’est une énigme totale, et je vous tiens au courant dès que j’ai de plus amples informations. En tous cas, François Hollande a réagi ainsi : « Dieu démissionne ? Je sais donc où va se recaser Nicolas Sarkozy ». Une petite blague qui fait scandale, à l’UMP et chez les plus croyants de nos compatriotes. Luc Chatel a d’ailleurs déclaré…

– Oui, merci, merci Jean-Pierre, nous retournons vers vous dès que vous avez des éléments supplémentaires. Mais à présent, je crois que l’Ange Gabriel tient une conférence de presse, où nous retrouvons… Emilie Martin… Emilie, vous m’entendez ? »